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Caracol sous la loupe du New York Times

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par Roberson Alphonse, New York
Le New York Times fouille, remue en publiant une enquête s’étendant de la genèse du projet jusqu’aux réalisations actuelles du parc industriel de Caracol. L’opportunité de le construire dans cette région non affectée par le séisme, les préoccupations écologiques minimisées par les instigateurs du projet et les démêlés de Sae-A avec des syndicalistes au Guatemala sont passés au crible dans ce papier de Deborah Sontag.
Lors de la première commémoration du tremblement de terre du 12 janvier 2010, le gouvernement haïtien avait lancé le processus d’expropriation de 366 fermiers sur des terres agricoles du Nord-Est afin de construire un nouveau parc industriel dans le pays.
Ces fermiers n’avaient pas compris pourquoi les autorités voulaient construire des usines alors que la population mange difficilement. Cependant, les promesses de compensation avaient cousu la bouche à ces paysans, non victimes du tremblement de terre mais contraints de se déplacer. « On a observé, sans rien dire », selon Jean Louis Saint-Thomas, un vieux fermier. « Le gouvernement nous a payés pour que nous la bouclions », a-t-il ajouté, cité dans l’enquête de la journaliste Deborah Sontag publiée le 5 juillet 2012.
Entre-temps, à Port-au-Prince dont les rues étaient encore obstruées de débris, l’ex-président Bill Clinton, co-président de la CIRH, s’est réjoui que le parc industriel de Caracol soit une « lumière d’espoir » au moment de la signature d’un accord avec Sae-A trading, une compagnie sud-coréenne et le plus grand fournisseur d’entreprises américaines dont Walmart et GAP Inc. » Je connais quelques endroits aux Etats-Unis où l’on se batterait violemment pour avoir 20 000 emplois aujourd’hui », a indiqué Bill Clinton, en référence aux emplois que Sae-A a promis de créer sur les six prochaines années.
En échange, grâce à cet accord dont la secrétaire d’Etat Hillary Rodham Clinton a facilité la matérialisation, Sae-A pense aux exemptions de taxes, à l’absence de redevances douanières aux Etats-Unis, à une abondance de la force de travail bon marché, à une centrale électrique, à un nouveau port…
Deux ans et demi après le tremblement de terre, Haïti est encore en pleine crise humanitaire, avec 390 000 personnes vivant sous des tentes. Jusqu’ici, le projet que l’on expose dans l’effort de reconstruction est ce parc industriel qui créera des emplois et des maisons dans une région qui n’a pas été endommagée par le tremblement de terre; un parc qui risque d’être plus bénéfique pour les compagnies étrangères que pour Haïti, d’après le papier du New York Times.
Financé à hauteur de 224 millions de dollars provenant de l’assistance envoyée à Haïti après le séisme, les instigateurs de la création du parc industriel de Caracol ont cru avoir trouvé le bon modèle pour remplacer l’aide par des initiatives génératrices de développement économique. Un spot publicitaire du PIC indique que le parc va aider Haïti à être globalement compétitive sans compremettre ses exigences en matière de protection de la force de travail et de  l’environnement.
Mais, en examinant le projet, on constate que les investisseurs ont minimisé les préoccupations en matière de travail et d’environnement dans leur empressement à construire le parc. Les initiateurs- le gouvernement haïtien, le Département d’Etat américain, la BID – ont choisi Sae-A malgré ses relations conflictuelles avec des syndicats au Guatemala. Un pays où Sae-A a d’abord menacé puis fermé ses usines l’an passé à cause de conflits de travail avec le syndicat des ouvriers.
Avant la signature de l’accord par l’Etat haïtien et Sae-A, le A.F.L -CIO avait déconseillé cette transaction en décrivant la compagnie coréenne comme « anti-syndicat » et responsable « d’actes de violence et d’intimidation ». Selon Homero Fuentes, qui fait le monitoring des compagnies qui fournissent des produits aux Etats-Unis, Sae-A est l’un des plus grands violateurs des droits du travail.

Cette entreprise a usé de menaces, de corruption pour casser le syndicat qui défendait les ouvriers au Guatemala, a révélé le NYT.
Mais des officiels américains ont indiqué qu’il n’ont pas cru que ces complaintes concernant l’une des 20 usines de Sae-A à l’étranger représentaient un grand problème.
Gail W. Strickler, par exemple, assistant au bureau des Etats-Unis pour le textile, considère Sae-A comme « un exemple d’entreprise citoyenne ».
Contrairement à Gail W.Strickler, Scott Nova, directeur exécutif du « Workers Rights Consortium », a appelé Sae-A « un joueur dans une sale industrie avec une réputation suggérant un degré de perfidie pire que la normale ».
Des responsables de Sae-A ont nié l’implication de la compagnie dans des actes de violence et d’intimidation contre de syndicalistes.
Comme l’exige la législation américaine, les opérations de Sae-A en Haïti seront suivies à la loupe afin de déterminer leur conformité à certaines exigences faites par Hope et des accords internationaux sur le travail.
Mais Yannick Etienne, un travailleur haïtien, a indiqué qu’il n’est que d’attendre afin de voir si ce programme d’inspection des opérations de Sae-A en Haïti ne sera pas « édenté ».
Entre-temps, au parc industriel Codevi, l’unique parc où existe un syndicat, il y a des préoccupations. « Ils vont détruire mes emplois en créant des emplois moins rémunérés à Caracol », a confié Fernando Capellan, propriétaire de Codevi.
Dans le choix du site, les instigateurs n’ont pas tenu compte du fragile écosystème de la baie de Caracol ayant la plus grande mangrove et une large barrière coralienne. Avant le tremblement de terre, cette baie dont la ligne côtière est de 1, 100 miles était devenue la première zone aquatique protégée d’Haïti.
« Le fait d’avoir choisi ce site est une hérésie », a confié Arnaud Dupuy, de la Société Audubon Haïti.
Le département du Trésor des Etats-Unis avait des préoccupations aussi. A cause d’une étude d’impact environnemental qui n’a pas été bien menée ou pas assez poussée, le département du Trésor qui représente les Etats-Unis au conseil de la BID, avait fait abstention lors du vote d’un don de 55 millions pour construire ce parc.
Des critiques disent aussi que les volets d’intervention du Département d’Etat, à savoir la construction d’une centrale électrique au gaz lourd, un complexe de logement et la construction d’un port dans une baie vierge, trahissent l’idéal post-séisme : « mieux reconstruire ». Dépenser l’argent de la reconstruction à Caracol est aussi un mauvais placement, selon ces critiques.
« Je crois qu’il y a eu de l’émotion de la part des Etats-Unis, qui considèrent n’avoir rien fait d’efficient en Haïti », a indiqué Cathy Feingold, directrice du développement international de A.F.L-C.I.O. « Il y a un sentiement de culpabilité qui a forcé à faire quelque chose, n’importe quelle chose. Mais en le faisant comme ça, cela n’aidera pas le peuple haïtien. Cela doit être fait en respectant le niveau de vie et en protégeant l’écosystème.
Des promoteurs du PIC indiquent que « le parfait ne peut être l’ennemi du bon ». « La dimension des problèmes en Haïti est telle que n’importe quel projet aura quelques impacts négatifs. Mais est-ce qu’on peut s’asseoir et espérer une situation idéale? », s’est demandé Lionel Delatour, un consultant en affaires.
D’autres supporteurs du PIC soutiennent que la manufacture créera des emplois, renforcera la confiance dans la région Nord et contribuera à la décentralisation d’Haïti. L’urgence du projet avait exigé quelques détours pour gagner du temps, selon Jose Agustin Aguerre un fonctionnaire de la BID en Haïti. « Si l’on devait suivre la procédure normale de planification, puis financer et ensuite chercher des clients, et après construire le parc, cela aurait pris 10 ans », a-t-il indiqué.
Lon Garwood, conseiller à Sae-A dont les exportations l’an dernier ont été évaluées à plus de 1,1 milliard de dollars , a indiqué que c’est hasardeux et risqué de faire les affaires en Haïti, si politiquement les choses dégénèrent et deviennent un enfer.
« Ce qui nous a aidés à mitiger nos risques, c’est que nous ne devions pas venir construire notre propre centrale électrique. Nous n’avions pas à apporter de l’argent pour acheter des terrains et construire nos usines », a confié Garwood, indiquant d’un autre côté que l’un des plus grands défis de la compagnie est de trouver des maisons pour loger ses managers qui préfèrent habiter en communaté, « ce qui n’existe pas à Caracol ».
Selon le journal new-yorkais, le Département d’Etat américain a penché  en faveur de la création du PIC afin de générer des emplois.  Plus de 20 millions de dollars seront dépensés pour construire des logements.
Roberson Alphonse, New York
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