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Exiger le paiement des impôts en Haïti : déclaration de guerre ou rappel de devoir civique ?

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Andy Apaid

En Haïti, la majorité des contribuables se donnent beaucoup de peines à s’acquitter des taxes et impôts. Ils ont compris que payer des impôts, pourtant indispensables à la vie du pays, constitue une pure et simple perte. Le gouvernement du Premier ministre Lamothe, semble vouloir rappeler que payer les impôts est un devoir civique. Le gouvernement appliquera-t-il ces mesures sans soulever la colère de certains contribuables politiquement redoutables ? Le cas d’André Apaid Michel, est-il le premier coup de canon qui annonce la guerre ? 

En effet, le 26 août 1789 la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen a établi l’obligation de payer ses impôts : « Pour l’entretien de la force publique, et pour les dépenses d’administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés » (art. 13). En effet, la participation à l’effort commun est nécessaire, sinon aucun service public (police, justice, éducation, hôpitaux, ramassage des ordures…) ne pourrait être financé. Une société sans impôt impliquerait d’accepter une société dans laquelle tout service serait privé, éventuellement fort coûteux et inégalitaire en fonction des revenus ou de la localisation géographique de chacun. 

En Haïti, dans la Constitution en vigueur dans son chapitre III traitant des Devoirs du Citoyen, on peut lire : 

Article 52 : A la qualité de citoyen se rattache le devoir civique. Tout droit est contrebalancé par le devoir correspondant. 

Article 52-1 : Le devoir civique est l’ensemble des obligations du citoyen dans l’ordre moral, politique, social et économique vis-à-vis de L’État et de la Patrie. Ces obligations sont: … d) Payer ses taxes…

L’entrepreneur et le grand industriel André Apaid Michel dit Andy Apaid vient d’être interdit de départ à l’aéroport Toussaint Louverture pour des impôts impayés. Monsieur André Apaid, qui devait partir le lundi 3 septembre, s’est vu interdire l’accès à son avion , pour avoir été mis sur une liste de 69 commerçants et entrepreneurs qui ont des dettes envers la Direction générale des impôts, dette allant de 1 million à plus de 80 millions de gourdes.(Par la suite, les autorites découvrirent qu’ Andy Apaid s’était,en fait, acquitté de tous ses impots-NDLR) Dans cette liste, on retrouve des industries de la sous-traitance, des concessionnaires de voitures, des lignes aériennes, des Écoles supérieures, etc. Monsieur Apaid doit, selon les autorités du fisc, 1.153.904.62 gourdes (environs $ 30 000 US) à l’État haïtien pour son entreprise Apparel & Garments Contracto S.A. Cependant, ayant vu son passeport confisqué par les services de l’Immigration et de l’Emigration. Monsieur Apaid a déclaré qu’il n’aurait pas de dettes envers la Direction générale des impôts en Haïti. Les autorités fiscales se seraient-elles égarées dans ses chiffres ? Ou bien le contribuable se serait-il trompé dans ses finances ou encore serait-t-il carrément de mauvaise foi ? 

Dans tous les cas de figure, cet événement reste à notre connaissance une toute grande première dans le pays surtout quand l’État demande des comptes à des gens qu’on a toujours considérés comme des privilégiés du système. Cet événement est doublement surprenant, quand on se rappelle les rôles joués par Andy Apaid dans la vie politique du pays, lors des événements de 2004. Andy Apaid était le chef du Groupe des 184, mouvement de la société civile qui aurait forcé Jean-Bertrand Aristide à quitter le pouvoir en 2004. Il serait le chef d’Alpha Industries, l’une des plus grandes usines d’assemblage en Haïti et de la Fondation Nouvelle Haïti, mouvement de la Société Civile. Des analystes politiques expliquent que l’opposition farouche de la famille Apaid à Jean Bertrand Aristide viendrait du fait que celui-ci aurait doublé le salaire minimal en 1991. Cette mesure serait à l’époque en conflit avec les pratiques d’Alpha Industries. Aujourd’hui c’est le tour du président Michel Joseph Martelly de se mesurer à l’industriel symbole d’un groupe social fort et puissant depuis des décennies dans le pays. 

Le gouvernement du Premier Ministre Lamothe, vu par certains comme le pouvoir du grand secteur privé, des entrepreneurs et des mulâtres, aurait surpris en autre, par le fait de s’attaquer à l’homme fort du secteur privé haïtien. Doit-on s’attendre prochainement au début d’un mouvement anti-Martelly ? Ou par peur de représailles, le gouvernement devra t-il s’accommoder de la « philosophie des groupes hors taxe » installée depuis des générations ? 

Même si on a des doutes sur l’intention réelle du gouvernement par rapport à cette politique d’impôts, on a toutefois apprécié le fait que le dernier budget national soit en grande partie financé pour la première fois, par des impôts du pays. Cet effort de reconquête de la souveraineté financière de la nation ne pourra pas continuer, s’il y a des intouchables et des protégés. 

En tout cas, à mon sens, les signaux ont été suffisamment clairs. Haïti a besoin de compter sur ses propres moyens s’il faut sortir du tunnel de la misère et de l’exploitation des maitres du monde. Les citoyens en Haïti devront être portés à changer leurs mentalités vis-à-vis de l’impôt. Dans la majeure partie, ils ne se rendent pas compte de l’importance de payer les impôts. Les autorités devront se donner la tâche de les sensibiliser afin d’attiser leur esprit patriotique et de s’acquitter de leur devoir civique.
                                                   Edy Fils-Aime
                                               Maitre ès sciences du développement

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