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Pauvreté et déforestation: le cercle vicieux qui menace Haïti

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L’État ne maîtrisant pas non plus les mouvements de sa population, ce sont aujourd’hui près de 800 familles qui plantent, au coeur de la réserve nationale, carottes, poireaux, oignons et betteraves. Des cultures qui aggravent l’érosion des sols.

PHOTO HECTOR RETAMAL, AFP

Agence France-Presse
PORT-AU-PRINCE

À plus de 2000 mètres d’altitude, les dizaines de milliers de plantules de la pépinière de la fondation Seguin sont l’espoir d’une Haïti plus verte, mais cet avenir est compromis par la pauvreté grandissante des familles installées dans le parc national de la Visite.

Chaque jour, l’agronome Yvon Elie veille au bon développement des plants. «Nous avons ici 60 000 pieds de pin, mais aussi des plants de café, des arbres fruitiers comme les avocatiers et les pêchers», détaille l’agronome.

Depuis 2004, la fondation Seguin mène une lutte acharnée contre la déforestation du parc situé à 25 km au sud de la capitale Port-au-Prince.

Joyau de verdure autrefois vanté par Christophe Colomb, Haïti a perdu au fil des années plus de 98 % de sa couverture végétale. Le parc de la Visite a été décimé par une exploitation intensive de l’État dès le milieu du XXe siècle.

«À compter des années 60, trois scieries ont travaillé dans le parc, mais il n’y a jamais eu de reforestation des zones exploitées», dénonce Yvon Elie devant un pan de montagne totalement déboisé.

Les concessions ont été données et reprises au fil des amitiés politiques par le pouvoir des Duvalier, par ailleurs gagné par la peur paranoïaque de voir la forêt servir de maquis aux opposants.

«La dernière scierie a fermé en 1980, mais l’État n’a rien fait pour les familles des 83 ouvriers. Pour survivre, ces gens n’ont pas eu d’autre choix que de se lancer dans l’agriculture,» explique Yvon Elie.

Érosion des sols

L’État ne maîtrisant pas non plus les mouvements de sa population, ce sont aujourd’hui près de 800 familles qui plantent, au coeur de la réserve nationale, carottes, poireaux, oignons et betteraves. Des cultures qui aggravent l’érosion des sols.

Les familles de paysans sont les premières victimes de l’appauvrissement des sols.

«L’eau ne pénètre plus, elle emporte la terre et les semences : il ne reste que des roches», constate une sexagénaire surnommée «Ti machan» (petite marchande en créole) alors qu’elle replante des poireaux sur les quelques mètres carrés autour de sa maison, une pièce partagée avec huit membres de sa famille.

Chaque semaine, elle parcourt à pied les 15 km de pistes rocailleuses avant de monter, pour 10 kilomètres, dans un camion afin de vendre sa maigre production à Port-au-Prince. «Au marché, je gagne tout juste de quoi racheter des semences et nourrir mes petits-enfants», témoigne-t-elle.

À cause de l’érosion dont elle est la cause, cette agriculture de survie se déplace au coeur de la forêt : les habitants détruisent jour après jour davantage d’arbres.

Constatant que de nouveaux troncs ont été saccagés, Yvon Elie est dépité. «D’abord, les gens prélèvent le bois gras de l’arbre qui sert pour l’allumage des foyers. Ça se vend très cher sur Port-au-Prince. Mais (…) au moindre vent, l’arbre va tomber. Et alors les gens en profitent pour exploiter l’espace avec des potagers.»

«La misère» coupe les arbres 

Winthrop Attié, surnommé «Winnie» est un des membres fondateurs de la fondation Seguin. À la question «qui coupe les arbres dans le parc?», sa réponse est implacable : «c’est la misère. S’ils avaient d’autres choix, ces gens ne feraient pas ça.»

Face aux agressions sur la forêt, la fondation Seguin ne veut pas se substituer à l’État. «Nous faisons un travail de conscientisation», explique Yvon Elie alors qu’il salue un agriculteur labourant la terre au milieu des pins. «S’imposer, c’est dangereux.»

En 2012, la police avait tenté d’expulser des familles illégalement installées dans la réserve naturelle : un échec retentissant durant lequel quatre personnes ont été tuées.

Et le cercle vicieux poursuit son cours : à cause d’un manque de pluies, les récoltes ont été quasiment nulles ces deux dernières années; les agressions sur les arbres se sont donc multipliées.

Le ministère de l’Environnement avait embauché 30 gardes forestiers en 2013. Seuls six sont encore en poste pour surveiller les 12 000 hectares du parc.

Une aberration pour Winnie qui s’inquiète devant l’urgence. «L’eau est ce qui nous préoccupe le plus.» Les 70 sources recensées dans la forêt s’assèchent d’année en année.

«Le parc est le château d’eau pour deux départements», explique Winthrop Attié. «Ça représente presque la moitié de la population d’Haïti. Que va-t-on faire? Importer de l’eau? Le pays ne peut pas se permettre de perdre cette ressource!»

 

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