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Brésil: Dilma Rousseff destituée, Michel Temer nouveau président

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BRAZIL-IMPEACHMENT/

La présidente du Brésil Dilma Rousseff a été destituée.

PHOTO UESLEI MARCELINO, ARCHIVES REUTERS

Agence France-Presse
BRASILIA

Michel Temer est devenu le nouveau président du Brésil, quelques heures après la destitution controversée de Dilma Rousseff pour maquillage des comptes publics, mettant fin à 13 ans de règne de la gauche dans le plus grand pays d’Amérique latine.

Le nouveau président brésilien, Michel Temer... (PHOTO Eraldo Peres, AP) - image 1.0

Le nouveau président brésilien, Michel Temer

PHOTO ERALDO PERES, AP

Ancien vice-président de Mme Rousseff dont il a précipité la chute, l’homme fort du PMDB (centre droit) a prêté serment au Sénat et dirigera un Brésil dans la tourmente jusqu’aux prochaines élections législatives et présidentielle fin 2018.

Tout aussi impopulaire que sa rivale, Michel Temer, 75 ans, a promis de «remettre le Brésil sur les rails» lors de sa première réunion de cabinet.

«Il faudra en sortir sous les applaudissements des Brésiliens. Cela va être difficile», a reconnu le nouveau président, qui s’est envolé ensuite vers la Chine pour un sommet du G20.

«Mon unique intérêt est de remettre à mon successeur un pays pacifié, réconcilié et en croissance économique», a-t-il répété dans une allocution télévisée enregistrée et diffusée dans la soirée.

Dilma Rousseff a réagi avec sur virulence à sa destitution: «Le Sénat a pris une décision qui entre dans l’histoire des grandes injustices. Il a commis un coup d’Etat parlementaire», a-t-elle dénoncé tout en réaffirmant son innocence.

Elle a promis à Michel Temer et ses nouveaux alliés de droite «l’opposition la plus déterminée à laquelle puisse s’attendre un gouvernement de putschistes».

Une majorité de plus des deux tiers requis des sénateurs ont voté sans surprise pour la destitution de la dirigeante de gauche, première femme avoir été élue à la tête du Brésil en 2010, puis réélue de justesse en 2014.

Sur les 81 parlementaires, 61 ont voté pour sa destitution. Seulement 20 ont voté contre.

«À bientôt»

«Dilma Rousseff a commis des crimes de responsabilité importants (…), elle a été condamnée et perd ainsi son mandat de présidente de la République», a conclu le président de la Cour suprême (STF) Ricardo Lewandowski, qui dirigeait les débats du Sénat transformé pour l’occasion en tribunal.

Mme Rousseff a en revanche conservé ses droits civiques à la faveur d’un second vote, où la majorité des deux tiers requise pour l’en priver pendant huit ans n’a pas été atteinte. Seuls 42 sénateurs ont voté pour, 36 contre et 3 se sont abstenus.

«Cela signifie qu’elle reste éligible. Elle pourra être candidate à des mandats de sénatrice, de députée, mais pas à la présidence en 2018 puisqu’elle a déjà été élue pour deux mandats consécutifs», a expliqué à l’AFP un universitaire en droit de Rio, Rogerio Dultra dos Santos.

«Nous reviendrons», a d’ailleurs promis au nom de la gauche l’ex-dirigeante, s’exprimant depuis sa résidence du palais de l’Alvorada où elle avait suivi le vote en compagnie de son mentor, l’ex-président Luiz Inacio Lula da Silva.

Englué depuis la réélection de Mme Rousseff fin 2014 dans une crise politique et économique de magnitudes historiques, sur fond de mégascandale de corruption, le Brésil, cinquième pays le plus peuplé de la planète, rompt ainsi avec 13 ans de gouvernements du Parti des travailleurs (PT) initiés en 2003 par Lula.

«Trahison»

D’autres gouvernements de gauche en Amérique latine n’ont pas tardé à réagir : le gouvernement vénézuélien de Nicolas Maduro a annoncé le gel des relations diplomatiques et le rappel de son ambassadeur.

En Équateur, le président socialiste Rafael Correa a dénoncé sur Twitter une «trahison» et décidé de rappeler son chargé d’affaires au Brésil, tandis que le gouvernement cubain «rejet(ait) énergiquement le coup d’Etat parlementaire», également critiqué par la Bolivie d’Evo Morales.

Brasilia a rappelé pour consultations ses ambassadeurs au Venezuela, en Bolivie et en Équateur dans la foulée.

Le verdict est tombé au sixième jour d’un procès marathon, de dizaines d’heures de débats où le droit de la défense et la Constitution auront été scrupuleusement respectés sur la forme, sans forcément convaincre de la culpabilité de Mme Rousseff au plan strictement juridique.

Le secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon a sobrement «pris note» de la décision du sénat brésilien dans un bref communiqué et adressé «ses meilleurs voeux» à M. Temer.

Elle était accusée d’avoir maquillé les comptes publics pour camoufler l’ampleur du déficit et d’avoir approuvé trois décrets engageant des dépenses sans le feu vert du Parlement.

Pour la défense de Mme Rousseff, tous ses prédécesseurs ont fait de même sans être inquiétés. Il s’agit donc d’un «coup d’Etat» institutionnel orchestré par l’opposition de droite et Michel Temer.

Ce dernier avait porté un coup fatal à l’ex-guérillera de 68 ans torturée et emprisonnée sous la dictature (1964-1985) en poussant en mars son grand parti centriste, le PMDB à claquer la porte de sa coalition.

La démonstration de combativité administrée lundi par Dilma Rousseff, répondant pendant plus de 14 heures au feu roulant de questions des sénateurs avec calme et fermeté, n’était donc qu’un baroud d’honneur pour la postérité.

«Votez contre la destitution, votez pour la démocratie», avait-elle lancé aux sénateurs, dont plus de la moitié sont soupçonnés de corruption ou visés par une enquête.

Le précédent Fernando Collor

La destitution de la présidente Dilma Rousseff mercredi n’a qu’un précédent au Brésil, mais radicalement différent à de nombreux titres, celui de Fernando Collor de Mello en 1992.

D’abord parce que M. Collor, suspendu de ses fonctions, avait démissionné avant son inéluctable destitution par le Sénat, contrairement à Dilma Rousseff qui a défendu son innocence jusqu’au bout.

Première femme élue à la présidence du plus grand pays d’Amérique latine, Dilma Rousseff est formellement un cas unique dans l’histoire du Brésil.

Mais les deux cas sont radicalement différents pour d’autres raisons.

Premier président élu au suffrage universel après la dictature militaire (1964-1985), M. Collor, issu d’un petit parti, avait rapidement fait l’unanimité de la classe politique contre lui, et essuyé des manifestations populaires monstres réclamant son départ du pouvoir.

Dilma Rousseff a également battu des records d’impopularité. Mais son cas, loin de faire l’unanimité, a profondément divisé les Brésiliens, selon leur classe sociale ou leur appartenance politique.

En outre, M. Collor était accusé de « corruption » alors que Mme Rousseff a répondu d’accusations plus techniques et moins infamantes de maquillage des comptes publics.

Il avait été privé de ses droits civiques pendant huit ans. Revenu en politique il a été élu sénateur d’Alagoas (nord-est) en 2006, puis réélu en 2010. Ironie de l’histoire, il faisait donc partie des parlementaires qui ont jugé Mme Rousseff.

Lors du procès de la dirigeante de gauche cette semaine, il a évoqué sa propre expérience, rappelant, deux ans après sa démission, avoir été blanchi par la justice des accusations de corruption qui avaient motivé son procès en destitution.

Comme Dilma Rousseff, il a ainsi estimé avoir été « jugé politiquement » et non selon des critères juridiques.

Mardi, le sénateur de 67 ans s’est exprimé devant ses pairs pour défendre la nécessité de destituer Mme Rousseff, sans toutefois dévoiler explicitement son vote.

Mercredi, il a voté « pour » la destitution de Mme Rousseff.

La destitution « est un remède constitutionnel d’urgence dans un régime présidentiel, quand le gouvernement, en plus de commettre des crimes de responsabilité, perd les rênes du contrôle politique et économique du pays ».

Mais « aujourd’hui, la situation est complètement différente », a-t-il estimé, car « le gouvernement (de Dilma Rousseff) a transformé sa gestion en tragédie annoncée » en faisant preuve de « cécité économique » et de « surdité politique ».

« J’avais alerté (le gouvernement de Mme Rousseff) sur la possibilité de subir un « impeachment », mais on ne m’a pas écouté », avait-il assuré en mai.

La famille Collor s’était tragiquement illustrée quand, en 1963, le père de l’ex-président, le sénateur Arnon Collor de Mello, avait tiré trois coups de pistolet en plein Parlement, tuant un de ses collègues alors qu’il en visait un autre.

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