La riposte de l’Argentine, qui revendique les îles et souhaite engager des négociations avec les Britanniques, fut immédiate. «La Grande-Bretagne est synonyme de colonialisme», a rétorqué le ministre argentin des Affaires étrangères, Hector Timerman, alors que des drapeaux de l’Union Jack brûlaient devant l’ambassade britannique de la capitale Buenos Aires.
Après une réunion d’urgence sur sa capacité militaire dans l’Atlantique du Sud, la défense britannique a déployé en février le HMS Dauntless, navire de guerre hypersophistiqué.
Un sous-marin nucléaire se trouverait également dans les eaux des Malouines, preuve selon la présidente Cristina Kirchner d’une «militarisation» britannique de la région. Une information que le gouvernement britannique a mollement niée.
Un prince en uniforme
Mais c’est l’exercice militaire du prince William dans les Malvinas, le nom espagnol des îles, qui fut la goutte de trop. L’arrivée d’un membre de la famille royale portant le treillis a force de symbole pour les Argentins, qui ont perdu 649 soldats lors de la guerre de 1982. Le prince Andrew avait combattu comme pilote de l’air pour défendre les Falklands, sous contrôle britannique depuis 1833.
«Il arrive vêtu comme un conquérant», s’est moquée Cristina Kirchner, le 1er février, devant une foule survoltée.
Or, par cette démonstration de force, la Grande-Bretagne cherche à décourager une nouvelle invasion. «S’il y a une tentative de profiter du 30e anniversaire de la guerre, nous défendrons notre position de façon robuste», a déclaré l’ambassadeur britannique à l’ONU, Mark Lyall Grant.
Mais une attaque-surprise est peu probable compte tenu de l’arsenal argentin vétuste, a expliqué le ministre britannique de la Défense, Philip Hammond, cette semaine.
Or noir
La dispute autour de l’archipel de 12 000 km carrés, où habitent 3000 insulaires, n’est pas qu’émotive. Le territoire recèle 60 milliards de barils de pétrole selon les dernières estimations. Des pétrolières britanniques doivent soumettre leur plan d’exploitation au gouvernement des Malouines au début de 2013.
«Le temps presse pour l’Argentine, affirme Victor Bulmer-Thomas, expert au groupe de réflexion Chatham House. D’ici cinq ans, les îles seront si riches qu’elles seront de facto indépendantes et aptes à se défendre sans l’aide des Britanniques.»
La présidente Cristina Kirchner multiplie les sorties enflammées pour galvaniser un mouvement de sympathie internationale, notamment auprès de lauréats du prix Nobel de la paix et de célébrités, telles que l’acteur Sean Penn.
Elle peut également compter sur la solidarité des pays de l’alliance Mercosur (Argentine, Brésil, Uruguay, Paraguay) qui se sont engagés à refouler les bateaux portant le pavillon des Malouines.
Des actes symboliques qui n’iront pas plus loin, juge Victor Bulmer-Thomas, sommité sur l’Amérique latine. «Le problème pour l’Argentine est que l’allié qui compte vraiment, le Brésil, convoite un siège permanent au conseil de sécurité de l’ONU. Il ne compromettra pas sa position internationale pour une poignée d’îles.»
Si tel est le cas, Cristina Kirchner n’aura plus qu’à se consoler avec les discours de son nouvel ami Sean Penn sur «l’engagement archaïque envers l’idéologie colonialiste» de la Grande-Bretagne.
LE CONFLIT EN TROIS MOTS
Héritage
Les Argentins arguent qu’ils ont hérité des îles (alors inhabitées) en 1816, après le départ des Espagnols et à la proclamation de leur indépendance. La proximité géographique des îles, situées à 480 km, est un autre argument-clé.
Tradition
Les Britanniques, surnommés les «pirates» par la presse argentine en référence au dossier des Malouines, affirment qu’ils ont découvert le territoire en premier, en 1690, avant de le reconquérir en 1833. À leurs yeux, le fait qu’ils l’ont occupé plus longtemps que toute autre nation leur donne priorité sur les revendications argentines.
Autodétermination
Les deux nations présentent de bons arguments et une cour internationale aurait dû mal à trancher…Si ce n’était de la présence des 3000 habitants sur les îles. À ce sujet, le droit d’un peuple à l’autodétermination a préséance et tant que les insulaires voudront demeurer britanniques, l’Argentine n’y pourra rien.