Les deux hommes s’affronteront le 6 mai lors d’un second tour décisif, mais le socialiste semble pouvoir compter sur des reports de voix de la gauche radicale et des écologistes, alors que les réserves de voix du président sortant sont plus minces.
Selon des estimations sur bulletins de vote publiées par les chaînes de télévision, François Hollande a obtenu entre 28,4% et 29,3% des voix devant Nicolas Sarkozy (25,5% à 27%), qui perd ainsi le pari qui consistait à remporter le premier tour afin d’enclencher une nouvelle dynamique d’ici au second tour.
Pour les socialistes, «c’est un terrible désaveu» pour le président sortant, selon l’expression de la chef du parti, Martine Aubry.
La candidate de l’extrême droite Marine Le Pen se classe troisième, avec de 18,2% à 20%, selon ces estimations, suivie par le représentant de la gauche radicale Jean-Luc Mélenchon (10,8 à 11,7) et le centriste François Bayrou (8,5% à 9,1%).
L’extrême droite réalise ainsi une nouvelle percée. Le vice-président du Front national (FN), Louis Aliot, s’est déclaré «très satisfait» de ce premier tour.
Marine Le Pen réalise ainsi un très gros score qui pourrait lui permettre de peser davantage sur le second tour et dans les prochaines années. Elle ne réalise cependant pas son pari de rééditer l’exploit de son père, Jean-Marie Le Pen, qui avait accédé au second tour en 2002 (mais avec un pourcentage de voix moindre).
La socialiste Ségolène Royal, candidate à l’élection de 2007, a estimé qu’il fallait «s’adresser» aux électeurs de l’extrême droite.
Ce résultat est d’autant plus significatif que les Français ont voté plus nombreux qu’attendu au premier tour de ce scrutin dominé par la crise économique. Le taux de participation a atteint plus de 80%, selon les estimations des instituts de sondages, un taux assez élevé même s’il est en recul par rapport à 2007 (83,77%), un cru exceptionnel.
Ces chiffres dissipent l’inquiétude d’une grosse abstention à l’issue d’une campagne qui, selon différentes enquêtes, a peu passionné les Français qui n’y ont pas vu beaucoup de solutions à leurs difficultés.
Environ 44,5 millions d’électeurs étaient appelés aux urnes pour sélectionner les deux finalistes parmi dix candidats en lice.
Dans deux semaines, ils choisiront celui qui sera à la tête pendant 5 ans d’une des principales économies mondiales, puissance nucléaire et membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU, avec un pouvoir personnel ayant peu d’équivalents dans le monde démocratique.
Donné depuis des mois largement vainqueur au second tour dans les sondages, avec 55% des voix en moyenne, François Hollande, 57 ans, aborde en position de force le deuxième tour pour devenir le premier président de gauche depuis François Mitterrand (1981-1995).
Dépourvu d’expérience ministérielle, cet homme qui a fait de la sobriété une marque de fabrique devrait pouvoir compter au second tour sur les voix des électeurs de Jean-Luc Mélenchon et de l’écologiste Eva Joly.
«Choisir le prochain président n’est pas qu’une élection nationale, c’est une élection qui va peser sur le cours de l’Europe», a déclaré dimanche au moment de son vote le socialiste, qui entend renégocier le traité budgétaire européen signé début mars s’il est élu.
Les candidats étaient tous passés dans l’isoloir dans la matinée, le dernier étant Nicolas Sarkozy peu avant midi qui a voté à Paris en compagnie de sa femme, Carla Bruni-Sarkozy, sans faire de déclarations.
Le représentant de gauche radicale, Jean-Luc Mélenchon, recueille les fruits d’une campagne très réussie. Mais il est très loin de la troisième place qu’il lorgnait. Quant au leader centriste François Bayrou, chantre du désendettement et de la réindustrialisation de la France, il ne devait se contenter que d’un score inférieur à 10%, loin de ses 18,57% de 2007.
La crise en zone euro a pourtant plané sur la campagne, à travers l’explosion des déficits, du taux de chômage (plus de 10%), les thématiques du protectionnisme européen ou de la justice fiscale.
C’est dans ce contexte que François Hollande a tracé son sillon méthodiquement, sans soulever les foules, mais en restant constant sur ses priorités, l’emploi des jeunes et la croissance.
L’ancien patron du Parti socialiste (1997-2008) a réussi à faire oublier son absence d’expérience gouvernementale et à transformer l’élection en un référendum contre le quinquennat de «l’hyperprésident».
Nicolas Sarkozy, plombé par des records d’impopularité depuis de longs mois, a tenté tant bien que mal de se dégager de son bilan intérieur et de son image de «président des riches» en se livrant à plusieurs mea culpa.
Après avoir cru que les Français lui seraient reconnaissants de son action au niveau européen face à la crise de la dette, il a changé de stratégie pour mener une campagne agressive, à droite toute, axée sur la sécurité et l’immigration.
Sa remontée dans les sondages au moment des tueries de Toulouse et Montauban (sud-ouest), qui ont «représidentialisé» son image, s’est cependant enrayée net lors des dernières semaines.
Derrière les deux grands candidats et les trois outsiders, l’écologiste Eva Joly, les deux candidats trotskystes, Nathalie Arthaud et Philippe Poutou, le souverainiste de droite Nicolas Dupont-Aignan et l’inclassable et folklorique Jacques Cheminade ont fait de la figuration, avec environ 2% ou moins.