Laurent Lamothe fait le ménage au sein du gouvernement. Faire atterrir les promesses de campagne du président de la République et la quête de plus d’effectivité, voilà ce qui motiverait cette décision du chef de la primature.
C’est en tout cas la version officielle. Ce remaniement du cabinet ministériel intervient près de trois mois après l’entrée en fonction du Premier ministre.
La guerre de succession au cœur du pouvoir, a fait ses premières victimes. Depuis plusieurs mois, les frictions entre deux des hommes forts de l’équipe Tèt Kale, avait éveillé la curiosité des observateurs. Le duel entre Laurent Lamothe et Thierry Mayard Paul était exposé sur toutes les places publiques. Dans les rues, sur les murs. Les slogans, viv Lamothe et Thierry minis pèp la, pullulaient.
Des militants proches du ministre de l’Intérieur avaient gagné les ondes. Ils accusaient le chef du gouvernement de saboter les projets initiés en faveur de la population démunie par M. Mayard Paul, comme Katye pam poze, qui apparaissait aux yeux des critiques comme une campagne électorale avant la lettre. Même au conseil des ministres les deux rivaux s’affrontaient, faisaient remarquer récemment Evans Paul. Les deux hommes exposaient leurs contradictions, sur fond d’ironie. Des attaques à peine voilées caractérisaient leurs échanges. Le divorce était donc annoncé.
Anick François Joseph a expliqué que M. Mayard Paul ne faisait pas partie du plan initial de Laurent Lamothe et a été repêché grâce au zèle de certains députés. La contre-attaque se prépare déjà. La convocation du premier ministre à la Chambre Basse a été un autre épisode de ce feuilleton captivant qui aura certainement des effets néfastes sur le devenir du pays.
Sauveur Pierre Étienne, comme d’autres analystes et hommes politiques, voit dans ce remaniement une simple lutte d’influence entre les différentes factions de l’équipe rose. Il y a deux groupes rivaux qui se battent pour la succession et pour asseoir leur influence au cœur du pouvoir, a-t-il fait remarquer. L’un symbolise, a-t-il poursuivi, l’archaïsme et l’autre, une certaine modernité. La seconde, dit-il, avec le support de l’international, a triomphé.
Cette « victoire » du clan Lamothe sur celui des Mayard Paul, ne fera toutefois pas avancer la cause du peuple haïtien. L’OPL, comme d’autres groupes politiques, se montrent perplexe quant à l’avenir de la nation. Les choses ne vont en rien évoluer, a tenu à souligner le professeur d’université. Alors que tous les projets du gouvernement sont teintés de rose, la misère noire envahit et dévore le peuple, déplore l’homme politique.
« C’est une affaire de clic. Il n’y a ni vision, ni projet », deux éléments essentiels pour sortir le pays du bourbier dans lequel il patauge. Le pouvoir Tèt Kale, ne défend nullement les intérêts du peuple haïtien. Il s’est transformé en véritable pouvoir Kale Tèt, conclut Pierre Étienne.
Le remaniement…
Trois ministres ont fait les frais lors de ce remaniement tandis que deux autres ont été recasés. M. Thierry Mayard Paul, ministre de l’Intérieur et des Collectivités territoriales, ami personnel du chef de l’État, et surnommé par ses partisans, « minis pèp la », est tombé en disgrâce et a été mis hors-jeu. Il a été remplacé par Ronsard Saint Cyr, ancien ministre des affaires sociales.
Celui-ci laisse son porte-feuille des affaires sociales à Mme Josepha Gauthier, qui était titulaire du ministère de la Planification et de la Coopération externe. Mme Gauthier a, pour sa part, été remplacée par le Premier ministre Laurent Lamothe.
Pierre Richard Casimir, ex-secrétaire d’État aux Affaires étrangères, a été promu ministre des Affaires étrangères et des Cultes en remplacement de M. Lamothe.
En poste depuis la montée de l’équipe de Gary Conille, Réginald Paul a été remercié à l’Éducation nationale. Pourtant, sous son règne l’équipe rose s’est fait prévaloir de grandes réalisations comme le programme de scolarisation universelle qui constitue la toile de fond des propagandes gouvernementales. Il a été remplacé par Vanneur Pierre, qui était directeur général dudit ministère.
Ronald Toussaint, qui a été désavoué par le président Martelly dans l’affaire de déguerpissement des 400 familles du morne l’Hôpital, a également été demis de ses fonctions de ministre de l’environnement. Il est remplacé par Jean Vilmond Hilaire.
Ce remaniement ministériel a été réalisé par le Premier ministre sur le haut arbitrage du chef de l’État à en croire le communiqué publié par les autorités. En tout cas, les nouveaux patrons s’affirment. Lamothe reprend la main et se débarrasse d’un adversaire gênant. À quand la réplique ?