Agence France-Presse
New York
Le centre du cyclone Sandy a touché terre lundi soir dans le New Jersey, sur la côte est des États-Unis, déjà frappée de plein fouet par des pluies diluviennes et de violentes bourrasques de vent.
La tempête a fait une première victime aux États-Unis. Un homme a été tué par un arbre à New York, ont rapporté les pompiers de la ville lundi soir.
La paralysie de la région la plus densément peuplée du pays et le chaos annoncé – plusieurs millions de foyers sont privés d’électricité selon les médias américains – ont mis en suspens la campagne électorale à huit jours de l’élection présidentielle.
Le niveau de l’eau à Battery (Long Island) a atteint 13 pieds, battant ainsi le record de 11,2 enregistré en 1821. Par ailleurs, de l’eau salée est entrée dans certains tunnels de métro ainsi qu’à l’intérieur du tunnel Battery.
«Le cyclone post-tropical Sandy a touché terre près d’Atlantic City vers 20H00», a indiqué le NHC dans un bulletin spécial. Ses vents violents ont légèrement faibli, à 130 kilomètres par l’heure contre 150 précédemment, mais ils se faisaient sentir jusqu’à près de 800 kilomètres à la ronde. Son oeil (le centre) se trouvait à 10 kilomètres d’Atlantic City, le «Las Vegas de la côte est», où ses effets se sont fait sentir dès le matin.
«La priorité est de faire en sorte de sauver des vies», a déclaré Barack Obama lors d’une allocution à la Maison-Blanche à l’issue d’une réunion de crise. L’interruption de sa campagne à un moment crucial lui permet d’endosser le costume présidentiel et de rappeler qu’il est le «Commander in chief», loin de l’inertie reprochée à George W. Bush lors de l’ouragan Katrina en 2005.
Le candidat républicain Mitt Romney a de son côté annulé ses réunions électorales prévues à partir de lundi soir «par respect pour les millions d’Américains» menacés par la colossale dépression dont les effets devraient se faire sentir pendant plusieurs jours.
Le NHC a précisé que Sandy, qui a déjà fait 67 morts dans les Caraïbes, n’était plus désormais un ouragan –c’est-à-dire un cyclone «tropical»–, mais un cyclone «post-tropical», porteur de vents ayant toujours la force d’un ouragan. Car Sandy n’est plus alimenté par la chaleur de l’océan, mais par des différences de températures liées à sa rencontre avec un front froid venu du nord.
Le long de la jetée d’Atlantic City, casinos, bars et hôtels clinquants qui accueillent chaque année plus de 30 millions de visiteurs étaient barricadés derrière des planches et des sacs de sable. La police a fermé toutes les routes menant à la ville.
La tempête affecte aussi la production d’électricité de l’État: deux réacteurs nucléaires, produisant la moitié des besoins du New Jersey, sont menacés de fermeture en raison de la montée des eaux.
Dans la zone affectée par la tempête, les ports et raffineries ont déjà été fermés ou ont fortement réduit leur activité.
À New York, les ponts enjambant l’East River, dont le célèbre Brooklyn bridge, ont été fermés lundi à partir de 19H00, a annoncé le maire Michael Bloomberg, tandis que des dizaines de milliers de New-Yorkais étaient privés d’électricité.
La pression atmosphérique, de 940 hectopascals selon le NHC, est la plus basse jamais enregistrée sous cette latitude aux États-Unis, selon le météorologue Brad Panovich.
Selon les services météorologiques, c’est l’étendue massive de la tempête, sa faible vitesse de déplacement, et sa confluence avec un front froid venu du Canada qui la rendent particulièrement dangereuse.
«Ça va être long. Les jours à venir vont être difficiles. Des gens (…) vont être tués pendant la tempête», a mis en garde le gouverneur du Maryland, Martin O’Malley.
En mer, la tempête a provoqué la perte d’un trois-mâts, le HMS Bounty, réplique de la célèbre frégate anglaise dont l’équipage s’était mutiné au XVIIIe siècle. Sur un équipage de 16 personnes, 14 ont été secourues, une a été retrouvée inanimée et une dernière, le capitaine du navire, était toujours recherchée.
Wall Street fermé mardi
La compagnie Amtrak a suspendu toutes ses liaisons ferroviaires et routières sur la côte tandis que plus de 12 000 vols intérieurs et internationaux ont été annulés, selon le site internet flightaware.com.
Dans le centre de Manhattan, à New York, une grue au sommet d’un immeuble de 90 étages en construction s’est partiellement effondrée sous l’effet des bourrasques.
Dans les zones bordant l’East et l’Hudson River à Manhattan, à Brooklyn et Staten Island, nombre des 375 000 habitants sommés d’évacuer ont préféré se barricader chez eux.
Une erreur, selon Barack Obama qui a appelé à la prudence: «Écoutez les autorités locales: quand elles vous disent d’évacuer, vous devez évacuer. (…) Ne discutez pas les instructions que l’on vous donne».
«Je crois que tout ira bien pour nous, mon immeuble peut résister à des vents de 200 km/h», tentait pourtant de rassurer Candace Ruland, une New-Yorkaise de 67 ans, sortie prendre des photos de la montée des eaux dans le quartier de Battery Park, dans le sud de Manhattan.
Les dommages causés par Sandy pourraient s’élever à 10 à 20 milliards de dollars de dégâts, selon le cabinet d’études en gestion du risque Eqecat.
Dans la capitale fédérale Washington, les fonctionnaires et écoliers ont été à nouveau appelés à rester chez eux mardi. Le maintien mardi de la suspension des transports publics faisait l’affaire des taxis qui facturaient un supplément de 15 dollars pour «situation d’urgence».
Sandy devrait se faire sentir loin dans les terres. Les montagnes de Virginie occidentale devraient se couvrir d’un mètre de neige tandis que les vagues du lac Michigan, à plus de 1000 kilomètres de l’Atlantique, pourraient atteindre 10 m de hauteur, selon la météo nationale (NWS).
Transports new-yorkais arrêtés
Ni trains, ni métros, ni bus dans l’agglomération de 8,2 millions d’habitants : le maire Michael Bloomberg a fait tout arrêter pour éviter les risques et les dégâts. Il veut s’assurer que la ville pourra redémarrer à plein régime le plus vite possible après le passage de Sandy.
Des millions d’habitants n’ont pu aller travailler; les tribunaux et les écoles sont fermés, et New York, d’habitude si frénétique, est d’une tranquillité étonnante, livré aux seuls taxis jaunes, à quelques voitures et à des vélos intrépides qui zigzaguent sous la pluie.
Des milliers de touristes ont également dû revoir leurs plans, car les principales attractions comme la statue de la Liberté ou l’Empire State building sont fermés, de même que certains hôtels situés dans les zones inondables.
Seuls les petits commerces de promixité sont ouverts. La plupart des grandes enseignes ont préféré fermer après avoir été pris d’assaut durant le week-end.
Génératrices, piles, lampes de poche, pain, eau: comme pour l’ouragan Irène, en 2011, les New-Yorkais n’ont rien laissé au hasard dans l’éventualité de pannes d’électricité et de ruptures de stocks alimentaires.
Sacs de sable et contreplaqué
Le maire de New York a demandé aux New-Yorkais de rester chez eux et ordonné dimanche l’évacuation de 375 000 citoyens dans les zones inondables. Mais beaucoup se sont montrés réticents à partir. Seulement 3000 personnes avaient trouvé refuge lundi matin dans les 76 centres d’accueil ouverts dans des écoles de la ville.
Dans le sud de Manhattan, les eaux ont déjà monté de près de 1 m dans la matinée, sans toutefois susciter de mouvement de panique.
À l’angle de la 6e Avenue et de la 23e Rue, dans un des rares cafés ouverts, David Blythe, qui habite à Brooklyn, est venu acheter un café et une banane pour son petit-déjeuner. Pour être sûr de pouvoir travailler, il a pris une chambre d’hôtel pour plusieurs jours à Manhattan, à environ 10 km de chez lui.
«J’ai des réunions que je ne pouvais pas manquer», explique-t-il.
Dans l’immeuble résidentiel voisin, baptisé Caroline, dans la 23e Rue, tous les employés ont été réquisitionnés pour trois jours, pour assurer la sécurité des résidants. Ils ne rentreront pas chez eux.
Albert Mustaj est l’un des portiers en gants blancs. Il sourit quand on lui demande s’il a peur. « Je viens du Monténégro, explique-t-il. J’ai vu pire».
Martha Kowalczyk, 27 ans, qui promène son chien dans une rue voisine, est tout aussi tranquille. «Je viens de l’Indiana, j’ai vécu des tornades, on n’aura jamais ça ici», estime cette jeune femme qui travaille dans une école et profite donc d’une journée de congé inattendue. «Et mon immeuble est ancien, il est solide.»
Nick, un Grec d’une quarantaine d’années qui refuse de donner son nom de famille, attend quant à lui de pouvoir rentrer chez lui, dans le Queens, il ne sait trop comment. Il est venu travailler et a eu la mauvaise surprise de découvrir que le petit restaurant qui l’emploie est fermé. «J’espère que je pourrai travailler demain, j’ai besoin de travailler», explique-t-il, en lisant un journal sous un porche.
Dans le sud de Manhattan, une zone inondable, certains restaurants ont protégé leur établissement à l’aide de sacs de sable. D’autres ont renforcé leur vitrine avec du contreplaqué.
«Tant que nous avons de l’électricité, je pense que je survivrai», déclare de son côté Doug Barotra, qui a acheté 50 cannettes de bière dimanche et envisage de rester chez lui pendant trois jours.
Le président Barack Obama a quant à lui appelé ses compatriotes à prendre «très au sérieux» le danger et pressé les 50 millions d’Américains qui vivent dans les régions concernées de suivre les conseils des autorités locales.
À neuf jours de la présidentielle, la campagne électorale en est chamboulée: les deux candidats ont été contraints d’annuler des réunions publiques dans les États susceptibles d’être touchés. Les opérations de vote par anticipation risquent également d’être très perturbées, ce qui menace le taux de participation, s’est inquiété dimanche le stratège démocrate David Axelrod.
Dans la plupart des États de la côte Est, les gouverneurs ont déclaré l’état d’urgence afin de pouvoir rapidement mobiliser des moyens, tandis que des millions d’enfants doivent rester chez eux puisque nombre d’écoles publiques, de Washington à Boston, sont fermées.
Sandy pourrait causer de 10 à 20 milliards de dollars de dégâts
Sandy risque de lourdement toucher les assureurs en raison des dommages considérables que pourrait occasionner l’ouragan sur des zones densément peuplées, ont estimé des analystes interrogés en Suisse lundi, notamment le réassureur helvétique Swiss Re.
«Si Sandy touche les métropoles géantes, il faut s’attendre à d’importants dommages, qui seront non seulement composés de dommages matériels, mais aussi d’interruptions d’activité», ont indiqué les analystes de la Banque cantonale de Zurich (ZKB).
L’ouragan Sandy pourrait causer entre 10 à 20 milliards de dollars de dégâts et entraîner 5 à 10 milliards de pertes pour les assureurs, selon de premières estimations de la société spécialisée Eqecat.
Par comparaison, les dégâts causés par l’ouragan Irene en 2011 ont été évalués à 10 milliards de dollars tandis que Ike, qui a déferlé aux États-Unis en 2008, a coûté 20 milliards à l’économie.
Barack Obama, qui s’est rendu dimanche au siège de l’agence chargée de la gestion des situations de crise (Fema), a annulé une partie de ses déplacements afin de surveiller l’évolution de la situation.
Après l’ouragan Katrina, qui avait inondé La Nouvelle-Orléans en 2005, tué plus de 1800 personnes et laissé une marque indélébile sur la présidence de George W. Bush, Barack Obama a ordonné aux agences chargées de la gestion de la situation de se tenir prêtes et a demandé aux Américains de prendre toutes les précautions possibles.
De Washington à New York, dimanche, des habitants et employés de réseaux de transport empilaient des sacs de sable pour protéger les biens des inondations annoncées, et des files d’attente se formaient devant les supermarchés pour stocker des vivres.
Surnommée tour à tour Superstorm, Monsterstorm ou Frankenstorm, en référence à la fête d’Halloween mercredi, Sandy doit se renforcer lorsqu’elle rencontrera un front froid venu du Canada, selon les prévisions des services météorologiques.
Ceux-ci s’attendent à ce que l’ouragan touche les terres tard aujourd’hui ou tôt mardi, probablement sur la côte du Delaware ou du New Jersey, au sud de New York.
Sandy est bien plus vaste et plus dangereux que l’ouragan Irène, qui avait touché en août 2011 la côte atlantique et inondé des villes entières, laissant derrière lui 47 morts, ont prévenu les météorologues.
Un spécialiste de la météo du Washington Post a avoué qu’il n’a jamais vu de pareilles prévisions: «On entre là dans un terrain inconnu.»
Sur les côtes de Caroline du Nord, dimanche, les télévisions montraient des images des îles rases qui s’étirent le long de la côte balayée par les vents, avec de la pluie et une mer démontée. Dans les terres, les montagnes de Virginie occidentale pourraient se recouvrir d’un mètre de neige.
Dans le New Jersey et le Delaware, l’évacuation des zones côtières a été ordonnée en raison du risque d’inondations, accru par les forts coefficients de marée.
Ainsi, la station balnéaire de Rehoboth, dans le Delaware, avait des airs de ville abandonnée, a constaté un journaliste de l’AFP.
Le gouverneur du New Jersey, Chris Christie, a aussi décrété la fermeture des casinos d’Atlantic City, le «Las Vegas de la côte est».
Les radios ont diffusé des messages expliquant les précautions à prendre.