Arrivé à bord d’un hélicoptère peu avant 11 h 30 GMT, le pape argentin a été accueilli dès la descente de l’appareil par Benoît XVI en personne.
Les images, tournées par la télévision du Vatican CTV, montrent un Benoît XVI, 85 ans, qui semble très affaibli et ému, embrasser son successeur avec chaleur.
On voit ensuite le pape argentin, de neuf ans son cadet et beaucoup plus alerte, pénétrer dans la petite chapelle de la résidence, suivi de loin par Benoît XVI qui marche péniblement, appuyé sur sa canne.
Le pape émérite, qui a démissionné le 28 février jugeant ne plus avoir les forces nécessaires pour conduire l’Église, a offert le poste d’honneur à son successeur, mais celui-ci a refusé. «Nous sommes frères», a-t-il répondu en s’agenouillant à ses côtés sur le même banc dans la chapelle de Castel Gandolfo, a rapporté le porte-parole du Vatican, Federico Lombardi.
Les deux hommes qui se sont à plusieurs reprises serré longuement les mains, étaient revêtus d’une soutane blanche, la couleur papale. Mais le pape émérite allemand portait une veste imperméable, tandis que le pape François portait la cape et la large ceinture blanche, signes distinctifs du souverain pontife en exercice.
Après la prière, les deux papes ont eu une rencontre «privée» d’environ 45 minutes, puis ont pris un déjeuner en compagnie des deux secrétaires privés, Mgr Alfred Xuereb et Mgr Georg Gänswein. Ce dernier, secrétaire particulier de Benoît XVI, est également préfet de la Maison pontificale.
Le pape François est reparti vers 14 h GMT.
Cette rencontre était tout à fait inédite. Avant Benoît XVI, le seul pape à avoir démissionné de son plein gré fut Célestin V en 1294, mais il n’y a pas trace d’un déjeuner avec son successeur, Boniface VIII, qui le fit d’ailleurs placer sous surveillance puis enfermer…
En dépit de l’extrême curiosité que suscite cette rencontre historique, ce que se sont dit Benoît XVI et le pape François au cours de leur déjeuner restera secret.
Les sujets ne manquent pas pour une Église qui revendique 1,2 milliard de fidèles: la «nouvelle évangélisation», les persécutions contre les chrétiens, la réforme de la Curie, les contestations, les scandales d’argent et de sexe, notamment le terrible scandale des abus sexuels sur des enfants.
«Il y aura aujourd’hui une sorte de passation de pouvoirs qui ne s’est jamais produite jusqu’à présent dans les deux millénaires de l’histoire de la chrétienté», écrit La Stampa.
«Connaissant la délicatesse de l’homme Ratzinger, on peut croire qu’il s’abstiendra de donner des conseils en se limitant à rappeler l’attention sur les questions qui n’ont pas été résolues», estime pour sa part Vittorio Messori, spécialiste de l’histoire de l’Église, dans le Corriere della Sera.
Les deux pontifes ont sans doute parlé de «Vatileaks», l’affaire des fuites de documents confidentiels, sur laquelle des cardinaux ont mené une enquête et rédigé un rapport qui n’a été transmis qu’au nouveau pape.
Les deux hommes se connaissent depuis longtemps: au conclave de 2005, Jorge Bergoglio était le principal concurrent de Joseph Ratzinger, et représentait une orientation plus ouverte et sociale parmi les cardinaux. Mais il avait préféré se retirer de la course.
Ils ont des tempéraments profondément différents: autant Joseph Ratzinger était réservé devant la foule, autant Jorge Bergoglio est spontané, va vers les gens, et cherche à limiter au maximum les honneurs qui entourent un pape.
Toutefois, Jorge Bergoglio a repris à son compte l’héritage de son prédécesseur, dans sa condamnation de la «dictature du relativisme», vendredi devant les diplomates.
Dans quasiment tous ses discours, il s’est d’ailleurs référé à Benoît XVI: manière de dire que, s’il a adopté un changement radical dans le style, il y a une continuité dans la doctrine.
Sur les questions de société par exemple, Joseph Ratzinger et Jorge Bergoglio partagent des positions conservatrices, qu’il s’agisse du mariage gay, de l’avortement et de l’euthanasie -atteintes à la «création» pour l’Église catholique-.
La popularité extrême qu’a acquise François est perçue avec quelque amertume par certains au Vatican, où l’on juge injuste l’oubli qui semble déjà frapper le pape allemand dans le grand public.
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