par Pipo Saint Louis
Shoubou,Shabba,Herman Nau,Roro
Dans une salle mythique à Brooklyn, siège de la superbe cérémonie de la 30ème édition des ‘’MTV Video Music Awards’’, le Konpa Direct figurait en tête de liste de la première journée du ‘’Caribbean Fever Irie Jamboree Music Fest ‘’ pour représenter ce genre musical vieux de 58 ans aux côtés des légendaires Kassav (Zouk) et Wyclef Jean (Hip-hop)
Pour cette affiche affriolante tenue le 30 août 2013, le Konpa pouvait miser sur deux de ses plus dignes représentants et pas les moindres : Tabou Combo, le groupe le plus avant-gardiste que le Konpa ait jamais connu et Djakout # 1, une machine musicale redoutable, jamais en baisse de régime notable depuis sa création.
Cependant, contrairement aux attentes des 3,000 personnes (nombre approximatif) présentes au Barclays Center, ces 2 groupes ont essuyé un échec cuisant, tant dans la qualité médiocre de leur sonorisation que dans leur ‘’spectacle’’, d’une insipidité quasi totale.
Si certains esprits indulgents peuvent trouver une certaine excuse pour expliquer la débâcle de Djakout #1, tel ne peut être le cas pour Tabou Combo, figure emblématique du Konpa Direct, habitué à ces grands évènements.
Avant-goût amer
Soulignons qu’à la veille de la performance de Djakout #1, des signes prémonitoires indiquaient déjà que tout n’allait pas pour le mieux au sein du groupe. Lors d’une séance de répétition, Shabba et Roro en sont quasi venus aux mains. N’était-ce mon intervention pour calmer les ardeurs guerrières des deux gladiateurs, la situation aurait pu déboucher sur l’irréparable.
Néanmoins, les vrais problèmes ont commencé à émerger avec une affaire de balance sonore planifiée avec un amateurisme révoltant. En fait, tous les groupes devaient bénéficier d’un horaire proportionnel en amont pour éviter des grincements de dents en aval. Arrivé sur place à l’heure prévue, Djakout # s’est heurté à d’énormes difficultés logistique pour effectuer sa balance dans le délai imparti alors que Wyclef a pu très aisément peaufiner sa sono avec son équipe durant 3 heures. Même scenario pour le Tabou Combo qui, moins d’une heure avant l’ouverture des portes, était encore sur scène pour sa balance. Assez bizarre !
A ce moment précis, le terme ‘’boycottage planifié’’ a commençé à résonner dans les conversations. Qui pis est, une rumeur persistante gonflait dans Barclays Center faisant état d’une éventualité que Djakout #1 et Tabou Combo ne montent pas sur scène…
Djakout #1 et Tabou Combo: déception!
Venons en aux performances. Arrivés sur scène en costumes et chapeaux de paysans avec djakout en bandoulière et entourés de danseuses désorganisées, les musiciens de Djakout #1 paraissaient très crispés, pas dans leur peau. Cela sautait aux yeux. La performance musicale subséquente n’a fait que confirmer ce constat. En outre, la sonorisation exécrable est venue porter le dernier coup de massue à cette piètre performance devant un public refroidi. Ils ont enchaîné des titres avec une nonchalance peu commune à ce groupe. J’avais la drôle impression que les musiciens voulaient vider la scène vite fait pour ne pas devenir la risée de tout le monde.
Djakout #1 sort par la petite porte. Tabou Combo arrive par la grande, vêtue de chemise blanche flanquée du logo du Ministère du Tourisme. Des superstars blanchis sous le harnais, dans leur fief à New York et bien motivés pour livrer une performance à la dimension de leur réputation très enviable. Malheureusement, Tabou Combo a aussi patiné à cause de ce problème de sonorisation, à la base de la mauvaise performance de Djakout #1. Dans un geste de colère compréhensible, Herman Nau s’est insurgé contre les organisateurs et demandé à ses pairs de tout arrêter si ce problème n’est pas résolu. Et le public assistait, pantois, à ce spectacle inhabituel pour ce groupe, sur l’une des plus grandes scènes de New York City…
La diva Jocelyne Beroard toujours au top de sa forme
Tabou Combo a poursuivi sa performance après une révision partielle et, plus ou moins, acceptable de la sonorisation. Conséquemment, ce contretemps a affecté la performance de Tabou Combo malgré un semblant de réaction positive du public devant ce groupe phare de la musique haïtienne sur lequel étaient placés de grands espoirs de spectacle époustouflant, comme à son habitude.
La question à se poser est celle-ci: comment un groupe aussi populaire, aussi expérimenté et aussi respecté que Tabou Combo ait-il pris le risque de pointer à ce grand spectacle sans son Ingénieur du son? Pas quelqu’un piqué comme ça à la va-vite pour sauver un gig mais un technicien qui maitrise par coeur tous les paramètres techniques du groupe pour lui permettre d’évoluer dans de bonnes conditions de sonorisation?
Kassav et Wyclef : satisfaction !
Avec l’arrivée de Kassav sur scène, le spectacle a enfin pris son envol musical. Ces vieux briscards du Zouk ne se sont pas laissés prendre dans la nasse de la mauvaise sonorisation. Tout semblait être bien planifié avec leur équipe technique. Le résultat était tout simplement impressionnant. Un Kassav très ordinaire comparativement au Kassav des grands jours sur les scènes du Zénith ou du Stade de France mais sans vraiment forcer leur talent. Un public conquis et en communion parfaite avec ce groupe d’une énergie musicale fascinante. Barclays Center est sous le charme.
Kassav
L’arrivée de Wyclef, tout de blanc vêtu, a jeté de l’huile sur le feu du spectacle musicale laissée par Kassav. Dans un registre musical taillé sur mesure pour les haïtiens, avec des chansons créoles, la superstar du Rap, ex-membre des Fugees, s’est donnée à cœur joie pour ameuter la petite foule devant la scène.
Son professionnalisme avéré suintait dans tous ses gestes, sa communication avec le public et son choix musical. Avec Sandro ‘’Ti Micky’’ Martely au Keyboard et DJ ThonyMix sur la platine, Wyclef s’est tout simplement distingué des 3 précédents groupes avec notamment son succes ‘’Bagay9’’ malgré la remarquable performance de Kassav. A noter aussi la performance de J-Perry, invité par Wyclef, pour chauffer le public avec son hit ‘’Dekole’’.
En conclusion, il s’est révélé, encore une fois, notre niveau d’amateurisme quand il faut extirper momentanément notre musique des salles sombres pour la porter sur les grandes scènes éclairées. De l’improvisation chronique en passant par notre irrespect pour un public si indulgent, nous sommes passés maitres de la caricature et du puérilisme.
Ce festival de 3 jours, du 30 août au 1er septembre, qui célèbre la musique caribéenne et dans lequel Haïti a l’honneur d’en assurer l’ouverture, aura été une énième leçon, un énième cri d’alarme qui nous rappelle que notre musique populaire est très, mais très loin de la sortie du tunnel dans son processus de professionnalisation longtemps mis en branle par les ainés.
Pipo St Louis | Envoyé spécial de Kitelmache et Mardi-Alternative
Joe Addison, un grand ami d’Haiti Infos
Une vue partielle de l’assistance
Follow @haitiinfos1804
Join our circle at plus.google.com/haitiinfos
Send your articles, jokes, press releases and personal stories to
haitiinfos1804@gmail.com