« L’Empereur » par Serge H. Moise
Il aura vu le jour un : 20 septembre
Au fond d’une toute petite chambre
Et devint célèbre un : 18 novembre
Avant de perdre tous ses membres
« Et les autres, ceux dont les pères sont en Afrique, ils n’auront rien? »
Les colons et leurs sicaires l’ont tellement diabolisé qu’aujourd’hui encore, certains iconoclastes, engoncés dans leur ignorance et sans le moindre décorum, osent fustiger la mémoire du plus grand des grands, le père fondateur de la première république nègre.
Que cela vienne des agents colonisateurs frustrés et dépités du revirement de leurs situations s’avère lâche, il n’y a point de doute, mais certes compréhensible. Victor Hugo ne leur avait-il pas enseigné que leur dieu avait offert l’Afrique à l’Europe?
Mais quand ce sont les fils dénaturés, les ressortissants de cette fière patrie qui nous a été léguée par ce géant, ces détracteurs ont hélas l’air pouilleux et pitoyable. Qu’à cela ne tienne puisqu’il faut toujours séparer le bon grain de l’ivraie.
Ces fossoyeurs de la nation devront réaliser, perfas et ne fas, que l’aura des : Toussaint Louverture, Shaka, Gandhi, Confucius, Abraham Lincoln, Nelson Mandela et Jean-Jacques Dessalines a traversé toutes les frontières, virtuelles ou réelles, pour s’incruster dans les âmes par delà l’espace et le temps.
Il a reçu l’appel du grand invisible qui lui a dit d’ignorer la croix et le vèvè. Vivre libre ou mourir, tel sera ton guide et ta foi.
Et voilà comme à Jéricho, le combat de Vertières consacra la fin de l’esclavage.
Jésus mourut sur la croix pour sauver l’humanité, il y a deux mille ans environ. Force est de constater qu’il reste encore beaucoup, mais beaucoup à faire.
Jacques 1er fut criblé de balles au pont rouge, nous dit-on, le dix-sept octobre mil huit cent six, pour avoir voulu améliorer les conditions de vie de tous et chacun des filles et fils de la jeune nation.
Jésus prêchait l’unité au sein de l’église chrétienne afin que la prophétie se réalise. Ses disciples n’ont pas suivi puisqu’aujourd’hui il existe environ trois cents dénominations différentes qui se réclament de la chrétienté; famille divisée, famille affaiblie.
Jacques 1er, dans sa grande sagesse avait retenu pour devise nationale : « L’union fait la force ». L’expérience a prouvé qu’il avait raison. La geste glorieuse et héroïque de mil huit cent quatre en est la preuve vivante.
Les mystères de la psychologie humaine étant ce qu’ils sont en général, et avec leurs effets pervers chez les grands traumatisés, nous assistons hélas à cette dégringolade vertigineuse vers les profondeurs abyssales que nous connaissons et ce, depuis la perpétration de ce parricide abject, inoublié et inoubliable; famille divisée, famille affaiblie!
Il a conduit ses troupes à la grande victoire, nous libérant ainsi de nos affreux oppresseurs et il a été sauvagement abattu par ses propres frères d’armes. Faut-il encore, deux siècles après sa mort, perpétuer la souillure de sa mémoire? Il y a tout de même une limite à l’indécence!
Si dans l’ailleurs où il repose, il pouvait nous parler, l’empereur nous dirait de sa voix ferme et vigoureuse : Mesdames et Messieurs, « le travail c’est la liberté ». Il martèlerait avec emphase que la priorité de nos priorités n’est autre que la « création d’emplois » afin que nos sœurs et nos frères recouvrent leur dignité pleine et entière, en bonne santé, jouissant de logements décents et aptes à recevoir le pain de l’instruction. Alors pour paraphraser St-Thomas d’Aquin, il ajouterait : « Pour pratiquer la vertu, il faut un minimum de bien-être ».
En ce deux-cent-onzième anniversaire du sacrifice de l’empereur, attelons-nous à la refondation de la patrie commune par le renouvellement de notre constitution et de nos codes désuets et obsolètes. Combattons du bec et des ongles le népotisme, le laxisme et la corruption. Renouvelons le serment solennel de vivre libre et dans la plus grande solidarité.
Ainsi contribuerons-nous à la résurrection de l’unique et incomparable Jean-Jacques le Grand, afin de parachever tous ensemble son rêve grandiose et merveilleux d’une Haïti régénérée, souveraine, belle et prospère.
Me Serge H. Moïse av.