«Je suis bien à Bamako, et Dieu merci ma famille et moi nous nous portons tous bien», a déclaré lors d’une courte conversation téléphonique avec un journaliste de l’AFP l’ex-chef de l’État, dont on ignorait le sort exact depuis le putsch.
Interrogé sur le lieu où il se trouve, ATT a répondu: «Est-ce bien la peine? Ce qu’il est important de savoir, c’est que je ne suis pas prisonnier».
«Je suis bien évidemment ce qui se passe. Je souhaite de tout mon coeur que la paix, la démocratie triomphent au Mali. Je n’ai rien d’autre à dire pour le moment», a-t-il ajouté, dans sa première déclaration à la presse depuis sa chute.
Son sort alimentait depuis une semaine toutes les incertitudes: on ignorait sa localisation, et s’il était prisonnier des mutins ou restait sous protection de soldats loyalistes.
Le chef de la junte, le capitaine Amadou Sanogo, et la France avaient tenu des propos rassurants sur sa situation, mais sans donner de détails.
Plusieurs milliers de personnes ont marché mercredi à Bamako pour soutenir la junte, qui a annoncé mardi soir avoir adopté une nouvelle Constitution et promis qu’aucun de ses membres ne participerait aux prochaines élections présidentielles et législatives, à une date indéterminée.
Les pro-putschistes portaient pancartes et banderoles sur lesquelles on pouvait lire «À bas ATT», «À bas la France», ou encore «Vive la junte».
Le ministre burkinabé des Affaires étrangères, Djibril Bassolé, a évoqué sur RFI une possible piste de compromis.
Les dirigeants de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cédéao), réunis mardi en sommet à Abidjan, envisagent «une transition» qui serait dirigée par Dioncounda Traoré, président de l’Assemblée nationale dissoute par la junte, a-t-il déclaré.
Une délégation de chefs d’État ouest-africains conduite par l’Ivoirien Alassane Ouattara, président en exercice de la Cédéao, doit aller jeudi à Bamako pour en discuter avec la junte afin d’assurer dans les plus brefs délais un retour à l’ordre constitutionnel.
Afin de préparer leur venue, plusieurs chefs d’état-major de pays de la Cédéao sont arrivés mercredi dans la capitale. Ils ont rencontré la junte à son QG, le camp militaire de Kati, près de Bamako, a rapporté la télévision publique. Soumaïla Bakayoko, chef de l’armée ivoirienne, a indiqué qu’ils avaient passé «les messages utiles».
Le sommet d’Abidjan, qui a suspendu le Mali de la Cédéao, a également autorisé «la montée en puissance de sa force pour parer à toute éventualité» et nommé médiateur le président burkinabé Blaise Compaoré.
«Acte fondamental»
Un scrutin présidentiel était prévu le 29 avril, en dépit de la reprise d’une rébellion touareg mi-janvier dans le nord du pays.
Le Comité national pour le redressement de la démocratie et la restauration de l’État (CNRDRE, junte) a affirmé avoir pris le pouvoir pour mettre un terme à «l’incompétence» du régime ATT dans la lutte contre cette rébellion et les activités de groupes islamistes armés dans le Nord.
Mardi soir, le CNRDRE a clairement affiché qu’il entendait installer son pouvoir, en adoptant «l’acte fondamental», une Constitution de quelque 70 articles qui sera en vigueur durant la transition.
Le préambule stipule que le peuple malien «affirme solennellement sa détermination de perpétuer un État de droit et de démocratie pluraliste dans lequel les droits fondamentaux de l’Homme» sont «garantis». Mais le texte consacre la prééminence des militaires.
Le coup d’État a été unanimement condamné par la communauté internationale.
Au Mali même, la quasi-totalité de la classe politique est opposée à la junte. Exception: le seul parti d’opposition représenté à l’Assemblée nationale dissoute (3 députés sur 147), Solidarité africaine pour la démocratie et l’indépendance (Sadi), qui a créé le Mouvement populaire du 22 mars (M22), favorable aux mutins et est à l’origine de la manifestation de mercredi.
Quatre personnalités détenues par le nouveau pouvoir ont été libérées mardi, ce qui porte à dix le nombre de personnes, notamment d’anciens ministres d’ATT, encore retenues par les putschistes au camp de Kati.