Repère
Avec 77 % d’opinions favorables en mars, selon un sondage d’Ibope, Dilma Rousseff est devenue l’une des présidentes élues démocratiquement les plus populaires au monde. Lundi 9 avril, elle a été reçue pour la première fois à Washington par Barack Obama. Le Brésil est aujourd’hui la sixième économie mondiale.
Depuis son accession à la présidence en janvier 2011, Dilma Rousseff s’est forgé une image de femme compétente, sévère avec ses collaborateurs, efficace dans la gestion des affaires publiques. Mère et grand-mère, le chef de l’Etat brésilien n’a pas eu besoin de porter un nom [connu] ni d’être la femme de qui que ce soit pour accéder à la plus haute magistrature du géant sud-américain. Mais, même si elle s’est hissée à de plus hautes responsabilités que ses deux anciens maris, dont elle a divorcé longtemps avant d’arriver au Palácio do Planalto [siège de la présidence], ce sont eux qui lui ont permis d’entrer en politique : d’abord dans la lutte armée, ensuite dans les joutes électorales des partis.
Tant Cláudio Galeno Linhares, journaliste et ancien guérillero, que Carlos Araújo, autre compagnon d’armes sous la dictature militaire, aujourd’hui conseiller politique de Rousseff, ont gardé de bonnes relations avec la présidente. Elle a beau ne plus vivre sous le même toit qu’eux, ils restent les deux personnes qui l’ont le plus marquée dans sa vie personnelle. Rousseff a connu Galeno lorsqu’il militait au Commando de libération nationale (Colina) et l’a épousé en 1968, alors qu’elle n’avait que 20 ans. “Elle avait une formation intellectuelle précoce, se rappelle Galeno, de cinq ans son aîné. Elle lisait Marcel Proust et Jean-Paul Sartre.” Le premier mari de la présidente raconte que, pendant la dictature, il fabriquait“des boîtes munies de dispositifs électromagnétiques pour ranger des documents secrets. Si on ouvrait la boîte, elle explosait.” Galeno Linhares, aujourd’hui fonctionnaire à la municipalité de Porto Alegre, est un proche de Fernando Pimentel, ministre de l’Industrie et du Commerce du gouvernement Rousseff.
L’idylle a tourné court. Après une période de vie commune à Rio de Janeiro, Linhares a été envoyé à Porto Alegre par l’organisation, tandis que sa femme restait à la cidade maravilhosa [surnom de Rio], où elle a rencontré Carlos Franklin Paixão de Araújo. Cet avocat de 31 ans, leader d’une fraction dissidente du Parti communiste brésilien, l’a séduite instantanément et, quelques jours plus tard, elle demandait le divorce à son mari. Une séparation pacifique, car, de l’aveu même du premier mari de Rousseff, “dans une situation aussi difficile”, il n’y avait pas “beaucoup de possibilités d’être un couple normal”. Quelques mois plus tard, Rousseff épousait Araújo, son aîné de onze ans et l’artisan de la transformation de Colina en Avant-garde armée révolutionnaire Palmares (VAR-Palmares). Très vite, Rousseff allait devenir l’un des cerveaux de la nouvelle organisation, d’où son surnom de “Jeanne d’Arc de la subversion”. Wanda et Max (autres pseudonymes du couple révolutionnaire) furent arrêtés par les militaires en 1970 et torturés. En 1976, Rousseff a cohabité avec ses deux époux. “Je suis devenu très ami de son ancien mari, car nous étions camarades de lutte”, a confié Araújo au quotidien O Globo. Après avoir été libérés, ils ont milité ensemble au Parti démocratique travailliste (PDT), d’orientation sociale-démocrate. C’est son second mari qui l’a fait entrer en politique. En 1982, l’avocat est élu député au corps législatif de Porto Alegre, où il obtient un deuxième puis un troisième mandat, en 1986 et en 1990. Dilma Rousseff occupe alors un poste subalterne, comme conseillère du groupe parlementaire [d’Araújo]. Elle va ensuite devenir secrétaire des finances de Porto Alegre. C’est là qu’elle rencontre Luiz Inácio Lula da Silva et qu’elle entre dans son gouvernement.
Bien qu’elle se soit séparée d’Araújo en 2000, ce dernier ayant eu une relation extraconjugale, les bonnes relations entre Rousseff et ses anciens maris durent encore aujourd’hui. Atteint d’un emphysème pulmonaire, Araújo s’est retiré de la vie publique. Forte de plus de 70 % de soutien populaire, la présidente est confrontée à une rébellion des partis de sa coalition, qui s’opposent à sa croisade contre la corruption. Au sommet du pouvoir, Rousseff gouverne en solitaire, mais elle peut compter sur l’appui et les conseils de ses deux ex-maris. L’alliance politique entre les anciens époux demeure intacte.