Au mieux, les États-Unis peuvent-ils s’attendre encore à une croissance molle. C’est néanmoins une mince consolation si on compare la première économie du monde à celle du Vieux Continent.
Le produit intérieur brut réel américain a progressé de 1,5% en rythme annuel, d’avril à juin, selon l’évaluation préliminaire du Bureau of Economic Analysis (BEA). Il a aussi précisé que l’expansion avait été de 2,0% durant l’hiver et de 4,1% durant l’automne. Il s’agit de données révisées, les chiffres précédents étant de 3,0% et de 1,9%.
Les nouvelles mesures du BEA mettent en relief que la décélération de la croissance au printemps a été plus rapide que ce à quoi on avait pu s’attendre jusque-là. Le ralentissement n’est quand même pas une surprise, compte tenu des nombreux indicateurs qui l’avaient signalé. La médiane des prévisionnistes pointait d’ailleurs vers une avancée de 1,4% seulement du PIB.
La composition du gain printanier n’est guère rassurante: 1,2% vient de la demande finale (soit la moitié moins qu’au cours de l’hiver) auquel il faut ajouter une contribution étonnante des stocks. Cette fois-ci, la progression des importations a été plus grande que celle des exportations de sorte que le commerce international a freiné l’expansion, ce qui n’avait pas été le cas souvent depuis le début de la reprise.
Le rythme de croissance est loin des 4% que souhaite la Fed pour faire diminuer le taux de chômage. Le mois dernier, il se situait à 8,2% et il dépasse la barre des 8% depuis maintenant 41 mois. Durant le deuxième trimestre, l’économie a créé en moyenne 75 000 emplois par mois, contre 226 000 durant l’hiver.
D’autres indicateurs récents en inquiètent plus d’un, à commencer par la chute surprenante de 8,4% des ventes de maisons neuves en juin alors que les données des mois précédents semblaient indiquer que le marché de l’habitation était sorti enfin de sa longue léthargie.
Les ventes au détail reculent depuis trois mois tandis que la hausse des carnets de commandes est la plus faible depuis le début de la reprise.
Tout cela signale qu’entreprises et ménages retardent leurs achats, faute de savoir quels seront leurs impôts à payer en 2013. Ce mur fiscal est attribuable à la partisanerie sectaire qui empoisonne le travail des membres du Congrès alors que s’accélère la campagne électorale présidentielle.
Pronostics à la baisse
«L’avancée du PIB au deuxième trimestre n’a pas été aussi mauvaise que certains le craignaient, mais sa composition n’a pas de quoi inspirer confiance en une amélioration au troisième trimestre, résume Andrew Grantham, économiste chez CIBC. Nous ramenons donc notre prévision de croissance de 2% à 1,6%.»
Chez BMO Marchés des capitaux, on a aussi réduit le pronostic à la baisse, mais à 2,0%.
Le rythme anémique de l’expansion économique a nourri la spéculation en Bourse d’une nouvelle initiative de la Fed, dès mercredi, catalysée le lendemain par des initiatives de la Banque d’Angleterre et la Banque centrale européenne.
Voilà pourquoi les grands indices ont connu une deuxième séance d’affilée marquée par de forts gains. Le ralentissement de la croissance fait ressortir à quel point les États-Unis sont encore touchés par les effets de la crise financière dont on signalera les cinq ans d’existence dans quelques jours.
Les révisions économiques du BEA publiées hier ont permis de les mettre en lumière un peu plus. Désormais, le BEA chiffre à 4,7% le recul du PIB durant la Grande Récession, qui s’est étendu de décembre 2007 à juin 2009. Jusqu’ici, l’évaluation était de 5,1%. En revanche, la reprise a été beaucoup plus lente. Depuis juillet 2009, la croissance est estimée à 5,8% alors qu’on l’avait auparavant évaluée à 6,2%. Les chiffres plus faibles sont attribuables à la surestimation passée des investissements des entreprises en équipement et logiciels.
La révision fait ressortir aussi que la période d’expansion du présent cycle a commencé seulement l’automne dernier alors qu’on croyait que c’était plutôt durant l’été.