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Le mariage des prêtres n’est pas pour demain

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Les affaires de pédophilie ont relancé le débat, mais l’Eglise latine n’est pas prête à revenir sur le célibat des prêtres. Cette règle n’a pourtant pas toujours existé et n’est même pas universelle.

La plaisanterie a fait depuis longtemps le tour des sacristies: au prochain concile Vatican III -dans un avenir très incertain-, «les évêques viendront avec leurs femmes». A Vatican IV, «les évêques viendront avec leurs maris». Traduction: l’Eglise catholique acceptera bien un jour, dans un premier temps, que les prêtres et les évêques soient mariés; dans un deuxième que des femmes soient ordonnées prêtres, puis évêques. Soit deux réformes que les milieux catholiques progressistes, soutenus par de larges courants d’opinion, invoquent en vain depuis des décennies, mais qui apparaissent aujourd’hui encore inimaginables, sauf à rêver à une révolution au sommet de l’Eglise que rien ne laisse présager.

 

Très ancienne tradition

Même si des voix, comme celle du théologien contestataire Hans Küng, relient la perversion pédophile de certains prêtres à l’obligation du célibat, plus généralement à leur mal-être sexuel, ce n’est pas l’actuelle tempête que traverse l’Eglise qui incitera celle-ci à changer sa règle. Pour au moins trois raisons: primo, elle n’a pas l’habitude d’agir sous pression; secundo, les statistiques prouvent que la très grande majorité des actes pédophiles sont commis au sein de la structure familiale par des gens mariés; tertio, aucun argument, fût-il plus persuasif -comme la chute vertigineuse des vocations sacerdotales et religieuses- ne semble de nature à convaincre l’Eglise de sacrifier l’une de ses plus anciennes traditions, celle de l’abstinence sexuelle de ses clercs.
Cette tradition consiste à dire que le célibat rend le prêtre -qui en prend l’engagement devant son évêque le jour de son ordination- totalement disponible à Dieu et à son ministère. Outre le prêtre, elle vaut aussi pour le religieux «apostolique» (un jésuite, un franciscain, etc.) ou «contemplatif» (un moine) qui, devant son supérieur, le jour de sa «profession définitive», prononce ses trois vœux de «chasteté», d’«obéissance» et de «pauvreté». Cette règle, qui n’existe pas dans les autres Eglises anglicane, protestantes, orthodoxe (sauf pour les évêques orthodoxes qui doivent toujours être recrutés parmi les moines qui ont fait vœu de chasteté), provoque beaucoup de souffrances et décourage sans doute beaucoup de vocations. Elle est régulièrement violée. Depuis les années 1970, sur 400.000 prêtres dans le monde, on estime à quelques dizaines de milliers le nombre de ceux qui ont quitté le sacerdoce et se sont mariés. De même, en Amérique latine, en Afrique, mais aussi en Occident, les liaisons clandestines, hétérosexuelles ou homosexuelles, sont pratique courante dans le clergé.

Rien de doctrinal

Pourtant, l’Eglise continue de faire du célibat des prêtres une sorte de dogme, c’est-à-dire une vérité de foi à prendre ou à laisser, alors qu’il n’est qu’une décision d’ordre disciplinaire, propre au catholicisme de rite latin, et non d’ordre doctrinal. Une discipline qui a varié dans le temps et dans l’espace. C’est à partir du Ve siècle, sous la pression du corps monastique tenu à l’abstinence sexuelle, que le statut du prêtre -qui pouvait jusqu’alors être marié- a commencé à être encadré. Mais des hommes mariés ont continué à être ordonnés prêtres et évêques jusqu’au XIIe siècle. C’est le premier concile du Latran (1123-1139) qui a déclaré invalides les mariages contractés par les prêtres après leur ordination et décrété que les candidats mariés ne pouvaient plus recevoir les ordres sacrés.
En outre, cette obligation du célibat n’est limitée qu’à l’Eglise latine d’Occident. Dans toutes les Eglises d’Orient, y compris celles qui sont sous la juridiction du pape de Rome -comme les maronites du Liban ou les coptes catholiques d’Egypte-, des hommes mariés peuvent être ordonnés prêtres. Mais ils ne peuvent plus se marier une fois ordonnés et, comme dans l’orthodoxie, leurs évêques sont toujours choisis parmi les moines célibataires. Mais dans l’Eglise latine elle-même, la règle du célibat souffre d’exceptions. On y rencontre des prêtres mariés: des pasteurs luthériens ou des prêtres anglicans mariés convertis au catholicisme; des transfuges d’Eglises orientales venus en Occident avec leurs épouses; des prêtres résistants au communisme (surtout dans l’ex-Tchécoslovaquie) mariés pour cause de clandestinité forcée, dont la situation a été régularisée depuis.

Comme le Christ

Comme pour mettre fin à un débat régulièrement rouvert, cette obligation de l’abstinence sexuelle, dans la tradition latine du catholicisme, a été rappelée avec constance par tous les papes jusqu’aux derniers: au concile Vatican II (1962-1965); dans une encyclique de Paul VI en 1967 qui fait l’éloge du célibat sacerdotal; dans une lettre apostolique de Jean Paul II de 1992 écrivant qu’«aucun doute ne doit être laissé sur la ferme volonté de l’Eglise de maintenir la loi qui exige le célibat librement choisi et perpétuel pour les candidats à l’ordination sacerdotale». Benoît XVI n’a jamais dit autre chose. Il écrivait en 2007: «Le fait que le Christ lui-même ait vécu sa mission dans l’état de virginité constitue le point de référence sûr pour recueillir le sens de la tradition de l’Église latine sur cette question. Il n’est donc pas suffisant de comprendre le célibat sacerdotal en termes purement fonctionnels. En réalité, il est une conformation particulière au style de vie du Christ lui-même
Autrement dit, le célibat est considéré comme le moyen, pour le prêtre, de réaliser son «don total» au Christ et à l’Eglise. Il est fondé sur l’appel de Jésus-Christ demandant à ses disciples de «tout quitter pour le suivre» (Evangile de Luc, V, 11), de se libérer de toute contrainte sexuelle, familiale, sociale pour se consacrer à un idéal supérieur. Mais c’est une loi imprudente et sévère: les prêtres mariés des premiers siècles de l’Eglise étaient-ils moins valides, moins consacrés au service de Dieu que les prêtres célibataires d’aujourd’hui? Et les prêtres mariés des Eglises orientales sont-ils moins valides que les prêtres célibataires de l’Eglise latine? Ce qui fut possible et moral à une époque du catholicisme doit-il être considéré comme impossible et immoral aujourd’hui?
Autant de questions que ressassent les partisans d’un changement de la règle, pour qui le choix devrait être laissé aux candidats à la prêtrise, avant leur ordination, entre le célibat et le mariage. Le concile Vatican II a restauré le diaconat permanent (dernier stade avant la prêtrise) pour des hommes mariés. N’est-il pas temps d’en faire autant pour les prêtres? Il ne s’agirait pas de marier les prêtres célibataires actuels, mais de permettre l’accès au sacerdoce à des hommes qui, mariés ou non, ont fait la preuve -d’où l’expression latine, souvent employée dans ce débat, de viri probati– d’une conviction chrétienne authentique et manifesté leur aptitude à recevoir un jour l’ordination, si le pape et les évêques le décident. Cette idée fait depuis longtemps son chemin parmi des évêques et les théologiens. Il ne serait pas besoin d’un concile pour en trancher, puisque, on l’a dit, le célibat n’est pas un acte de foi, mais une simple discipline. Mais elle est fermement verrouillée par Rome, et encore pour très longtemps.
Henri Tincq
Henri Tincq est un journaliste, spécialiste des questions religieuses à la Croix et au Monde de 1985 à 2008. Il est l’auteur de nombreux ouvrages dont dernièrement « Les Catholiques ».

 




 

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