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(Traduit de l’anglais)
Pendant des années, on nous a dit que les Français étaient mieux lotis que les Britanniques. On nous a fait croire qu’ils avaient un meilleur climat, une meilleure cuisine et un vin bon marché qui coulait à flot. Alors que les Britanniques passaient pour des puritains asexués enchaînés à leur bureau, les Français, pensions-nous, avaient allié leur joie de vivre* naturelle à ce qu’il y a de mieux dans le socialisme : une semaine de travail de 35 heures, des grèves pour réclamer davantage de jours de congé et des vacances d’été qui paraissaient plus longues que l’été lui-même. Certes, les Britanniques avaient peut-être un salaire moyen légèrement supérieur, mais les Français savaient s’amuser. Mais non !* Tout cela n’était que mensonges de l’Office de tourisme français et de voyageurs europhiles de la gauche britannique.
Claudia Senik, professeur à l’Ecole d’économie de Paris, a publié dans le magazine The Local un article qui a fait l’effet d’une bombe [auprès du lectorat britannique]. Elle y explique que 1) les Français sont malheureux et que 2) le seul moyen pour eux de sortir de la morosité est de s’inspirer un peu plus des Britanniques. Ses conclusions reposent sur un sondage réalisé en 2011 par BVA et Gallup International, d’où il ressort que les Français sont le peuple le plus pessimiste du monde – plus sombre encore que les habitants de zones de guerre comme l’Irak et l’Afghanistan.
A l’époque du sondage, on avait réagi en attribuant les idées noires des Français à la situation économique. Mais Claudia Senik affirme que le problème est bien plus profond. Les Français, écrit-elle, sont malheureux car ils sont français et s’ils parlaient l’anglais, ils se sentiraient moins déprimés. Oh, comme j’aimerais rapporter ces propos au président François Hollande, le grand critique du mode de vie anglo-saxon ! Et comme j’aimerais surtout le dire à haute et intelligible voix mais dans un anglais approximatif, comme pour demander le chemin de la gare !
Péché d’orgueil
Pour Claudia Senik, trois facteurs sont à l’origine du pessimisme des Français. D’abord, leurs écoles sont trop bonnes : « En France, […], la majorité des élèves ont l’habitude d’avoir de mauvaises notes », explique-t-elle. « Quand ils pensent à leur mérite ou à leur valeur, ils pensent à ces notes, qui sont généralement basses ou moyennes. » A l’évidence, c’est un compliment à double sens, mais les élèves britanniques sont plus heureux car notre système d’enseignement est considérablement plus souple. Plusieurs décennies d’enseignement libéral centré sur les élèves (où les enfants sont récompensés pour leur simple présence) ont créé une génération de Britanniques qui ont l’habitude d’être félicités pour leur intelligence supérieure même s’ils n’ont rien dans la tête. L’ignorance est la clé du bonheur.
Ensuite, les Français n’ont pas accepté de perdre leur empire. Il fut un temps où la France contrôlait une grande partie du monde et où Paris attirait les plus grands peintres et musiciens. Certes, nous avons tous dû nous habituer à devenir le caniche des Etats-Unis ou le marché des articles chinois à bas prix. Mais la France a eu plus de mal à s’adapter au changement car son orgueil l’empêche de suivre le programme du XXIe siècle. « Il y a quelque chose au plus profond de l’idéologie des Français qui leur inspire de l’aversion pour la mondialisation des marchés », précise Claudia Senik. En revanche, la passion pour le secteur financier, les longues heures de travail et les licenciements faciles que les Français associent dédaigneusement aux Britanniques nous permettent de mieux exploiter la nature impitoyable de l’économie mondialisée. Dire « non »* au fondamentalisme du marché libre n’a pas rendu les Français plus heureux mais simplement plus pauvres et plus isolés. Un bon exemple est la proposition du président Hollande de taxer à 75% les revenus de plus de 1 million d’euros (taux qui a été piteusement ramené à 66%). Sur le fond, c’est une idée égalitaire plutôt bonne (faire payer les riches pour une crise qu’ils auraient provoquée), mais elle a encouragé une fuite de capitaux estimée à 53 milliards d’euros.
Coupés du monde
Enfin et surtout, Claudia Senik considère que le plus gros problème des Français est qu’ils ne parlent pas l’anglais. Elle écrit : « Pour être plus heureux, les Français devraient apprendre davantage les langues étrangères […].
Etre heureux ne se réduit pas à parler une langue étrangère, mais c’est être capable de s’intégrer plus facilement dans notre univers mondialisé, ce qui est possible quand on parle l’anglais. » Pour tous les élèves contraints de se coltiner de fastidieux manuels de français pour apprendre à dire « table » et « crayon », ces mots doivent être agréables à lire. Il en ressort que c’est moins aux Britanniques d’apprendre le français qu’aux Français d’apprendre l’anglais et de venir passer leurs vacances chez nous pour le pratiquer. Bref, c’est la montagne qui doit aller à Mahomet. Difficile en découvrant tout cela de ne pas se sentir incroyablement suffisant.
L’orgueil français qui se manifeste dans la distance du pays vis-à-vis de la Grande-Bretagne et des Etats-Unis ne l’a pas aidé à conserver une identité riche et puissante mais a contribué à le couper du reste du monde. Quant aux autres mesures du projet de l’UE, les efforts pour protéger des industries vieillissantes ou préserver un Etat-Providence ridiculement généreux ont pour effet non pas d’augmenter le bonheur, mais de rendre encore moins apte à s’adapter aux vents du changement. Vive la différence*, car elle est très salutaire aux Britanniques.
* En français dans le texte.