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Haiti : Et si l’on faisait marche arrière ?

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Port-au-Prince, Haiti durant l’ Exposition internationale du Bicentenaire de Port-au-Prince world fair organisé par le President Dumarsais Estimé.

En Haïti, nous sommes patients. Nous ne sommes jamais pressés, sauf quand il ne le faut pas, et nous avons l’habitude d’attendre, d’attendre très longtemps en rêvant que, demain, tout ira pour le mieux. Et, depuis 1804, nous gérons patiemment nos illusions et nos désillusions, sans sourciller, et, pour nous donner l’illusion (encore une autre) que nous existons encore, nous nous lançons, de temps à autre, dans une chasse aux sorcières, nous faisons un petit déchouquage qui nous ramène inexorablement à la case départ, avec de nouveaux acteurs, aussi mauvais que les précédents, qui nous font la même grande scène de séduction et nous chantent les mêmes chansons, avec les mêmes mensonges, sur un ton différent sans toutefois changer le rythme de leur incurie et de leur mauvaise foi.


Cela fait deux cents ans que nous prétendons vouloir avancer et, à chaque fois que nous regardons en arrière, nous sommes bien obligés d’admettre que les choses allaient beaucoup mieux avant et que nous n’avons fait que reculer à tous les niveaux, mis à part certains domaines spécifiques comme l’insécurité, la délinquance, la corruption.

Ceux qui n’ont pas connu Port-au-Prince du temps où elle était encore une ville relativement propre, vivable, peuvent se faire une opinion en feuilletant négligemment le dernier tome (le huitième) de l’œuvre imposante de Georges Corvington, « Port-au-Prince au cours des ans ». Il est étonnant d’y découvrir une ville que ceux qui sont nés au cours des années 70 refuseront de reconnaitre comme la leur (ou celle qui les héberge). Et pourtant, les photographies qui illustrent cet ouvrage ne datent que des années 50. Comme quoi, nous avons pu détruire, en un demi-siècle à peine, ce que nous avons mis 150 ans à construire. Cela, il faut le faire !

Aujourd’hui, à l’heure des grands discours et des forums autour de la reconstruction, on a l’impression que personne ne sait où donner de la tête. Des projets, il y en a pléthore qui ont jauni dans les tiroirs des ministères de nos différents gouvernements. Des projets conçus en grande partie, si ce n’est dans leur intégralité, par ou avec l’aide de ceux qui nous font maintenant de nouvelles études et de nouvelles propositions que nous payons chèrement. Si celles d’hier n’étaient pas viables, pourquoi devrions-nous croire qu’elles peuvent être meilleures aujourd’hui ? Qu’est-ce qui a changé ?

Ceux qui n’ont pas pu gérer la ville et la maintenir dans l’état où il était, il y a trente ou quarante ans, seraient aujourd’hui compétents pour la reconstruire en mieux…

Bizarre !

Comme dirait le grand Maurice Sixto : « Ou tande bèf… alé wè kòn ! »

Et le citoyen qui paie ses impôts et à qui l’on demande son vote, quand il s’agit de conquérir le pouvoir, n’a même pas droit à l’information. Considéré comme un véritable idiot, on ne lui demande pas son opinion. Il ne sait probablement pas ce qu’il veut et n’a pas son mot à dire dans sa ville. Pas de sondage d’opinion, pas d’exposition de projets. On travaille avec les étrangers pour essayer de construire une ville qui ressemble à celle des étrangers avec la technologie des étrangers… C’est normal puisque c’est l’étranger qui dépense ou qui promet de dépenser. C’est donc son avis qui compte. Les autres, ils n’ont qu’à s’adapter ou solliciter un visa pour… peu importe ! Alors, pourquoi ne pas utiliser, tout simplement, les plans de l’étranger ?

Et, cinq mois plus tard, le citoyen est encore sous sa tente, dans l’insécurité d’un campement qui ressemble à une véritable porcherie, à prier que Dieu lui épargne les cyclones qui commencent à se former au large des côtes africaines et attend, toujours aussi patiemment, véritable mouton débile, qu’on lui dise ce qu’on a décidé pour lui, si jamais quelque chose a été décidé, au cours de ces sommets au sommet où l’on bouffe si bien sans même toucher au per diem dont le montant exorbitant est secret d’Etat.

Le citoyen, lui, qui commence à cesser de rêver, car sa vie est un véritable cauchemar, au sens propre du mot, aimerait simplement revenir en arrière ou, comme le dit si admirablement Franckétienne (je l’aime bien celui-là !), « kase tèt tounen » et retrouver sa ville telle qu’il l’a connue il y a une quarantaine d’années (c’était pas si mal que ça comparée à l’horreur qu’elle était devenue).

Et il se rappelle brusquement qu’en Haïti, les projets sont faits pour rester projets et que, depuis longtemps, trop longtemps, il n’y a jamais rien eu d’autre que des « pawòl ampil », des « pale met la » et, n’en déplaise à Barbancourt pour qui j’ai un très grand respect (ce n’est pas moi qui le dit, mais bien Boukman Expérience), des « pawòl tafia ».

Et il se surprend à penser au bon vieux temps de la dictature des Duvalier (« sa te rèd men nou te ka viv ! »). Et dire qu’il pensait alors que les choses allaient mal !

Ah ! Béni soit le temps de la colonie ! (Pauvre Dessalines !)

Et si l’on faisait tout simplement marche arrière ? Ce serait peut-être un pas en avant pour ce magnifique pays qui n’en finit pas de stagner.

Rêvons toujours et, pour pouvoir patienter davantage, faisons comme le fameux Albert Buron, personnage ô combien excitant inventé par mon ami Gary Victor. Buvons, cher ami !

Patrice-Manuel Lerebours
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