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Le coin de l’histoire,par Charles Dupuy: L’explosion du Palais national en 1912

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Jean Jacques Dessalines Michel Cincinnatus Leconte,president d’Haiti(1911-1912)

Le jeudi 8 août 1912, vers les trois heures trente du matin, le Palais national sautait dans un fracas qui réveilla la ville de Port-au-Prince. Cette explosion qui causa plusieurs centaines de morts parmi les soldats de la garde, n’épargna pas non plus, hélas, le président Leconte. En effet, après l’incendie ponctué de violentes déflagrations, on ne retrouva du président et du petit Maurice Laroche, son petit-fils adoptif de quatre ans, que les restes tordus du lit de fer où ils dormaient et quelques débris d’ossements carbonisés que l’on plaça dans un cercueil pour les funérailles. Dans les caves du Palais on avait entassé d’énormes quantités d’explosifs. Peu avant le drame, Leconte était allé inspecter l’entrepôt et s’était si bien inquiété en voyant ces amoncellements de barils de poudre qu’il en avait ordonné leur déménagement au Fort-National.

Après la mort tragique de Leconte, le peuple se lamenta amèrement sur cette étrange fatalité qui semblait s’acharner sur le pays. On chercha les conspirateurs partout, parmi les arabes sur lesquels le président faisait peser les règlements tatillons de la loi sur le commerce de détail; parmi les arrogants chefs cacos; parmi les grands négociants français ou anglais, puisque Leconte, un germanophile avéré, favorisait les Allemands; parmi les Dominicains, du fait que les relations entre les deux pays tenaient à l’époque de la crise permanente.

On apprendra plus tard qu’à proximité des corps méconnaissables du président et du petit Maurice, on avait trouvé, près de leur lit, le cadavre d’un inconnu que personne ne put identifier. Une autre donnée étrange sur laquelle on s’arrêta longuement, ce fut le témoignage de certaines personnes qui affirmaient avoir entendu dans les moments précédant la déflagration, une forte détonation venant de la section nord-est du Palais, autrement dit des appartements privés du président.

Malgré la thèse officielle qui voulait que l’explosion du Palais fût le produit malencontreux d’un accident à peu près inévitable, les circonstances exactes n’en seront cependant jamais tout à fait éclaircies, et, bien après le drame, les amis de Leconte persisteront à considérer la catastrophe comme le résultat d’un acte malveillant et chercheront la main criminelle responsable de l’attentat.

 Frédéric Marcelin soutient que «le général Leconte a fini très tragiquement dans l’explosion de son palais, causée par la formidable accumulation de poudres déflagrantes, et de munitions de tous genres qu’il y avait entassées durant notre désaccord de frontières avec la République dominicaine, notre voisine, soit qu’il eût dessein de prendre une vigoureuse offensive, soit qu’il ne songeât qu’à se garer contre une attaque possible de ce côté». (Au gré du souvenir, p.144) Plus tard, Dantès Bellegarde écrira: «la malignité publique se donna à cette occasion libre cours contre certains individus ou certains groupes et trouva des échos complaisants même dans la presse». (Histoire du peuple haïtien, p.237)

 Les ruines du Palais National…

On accusera pêle-mêle les espions dominicains, les négociants étrangers et les commerçants syriens. La rumeur publique colportait les plus folles théories sur les circonstances entourant la disparition du président. On parla d’une caisse provenant de la Compagnie électrique qui avait été déposée au Palais le soir de l’explosion, fait confirmé par des employés qui se rappelaient avoir vu un technicien procéder à la réparation de quelques lampes dans les salons de l’édifice. Certains parlaient d’un évadé de Cayenne qui aurait fabriqué l’engin infernal à Bizoton, d’autres suggéraient que Leconte avait été enlevé par des criminels, conduit à la Croix-des-Bouquets où il aurait été assassiné par le curé de l’endroit, un certain père Lecu, lequel aurait fait exploser le Palais dans le but de détruire les traces de son forfait.

         Notons que ce pénible événement reviendra de temps à autre dans l’actualité politique en Haïti. C’est ainsi que le 3 mai 1930, le président Louis Borno, afin de contrer ses adversaires politiques qui l’accusaient d’être l’organisateur de la série d’incendies qui désolaient alors la capitale, ira lire à la radio une retentissante proclamation dans laquelle avec une verve lapidaire il invectiva «les agitateurs impénitents, les bénéficiaires de tous les désordre de notre passé, dilapidateurs des douanes, dilapidateurs des emprunts en tous genres, assassins du président Leconte et de ses pauvres soldats paysans, fils d’incendiaires et incendiaires eux-mêmes […] Je les dénonce à la nation».      

 Les funérailles de Leconte furent célébrées à Port-au-Prince au milieu d’émouvantes démonstrations de douleur. Leconte était unanimement considéré comme le meilleur chef d’État depuis des générations par les Haïtiens qui n’acceptèrent pas sans regret ni non moins de colère sa tragique disparition. En faisant appel à des collaborateurs honnêtes et compétents, Leconte sera parvenu, pendant les cinquante et une semaines qu’aura duré son gouvernement, à assainir les finances de l’État, à contrôler suffisamment l’administration des affaires pour être en mesure d’annoncer un des rares budgets excédentaires de l’histoire des comptes publics en Haïti. Leconte aura dirigé le pays avec un souci du bien commun et un dynamisme administratif exceptionnels. Par son esprit de renouveau, ses entreprises de réforme et son libéralisme politique, Leconte sera parvenu à donner aux Haïtiens l’un de leurs meilleurs moments d’espoir et de confiance.

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Charles Dupuy

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