Sévère, la mise en garde est venue de la vice-présidente de la Commission européenne, Viviane Reding, en visite à Washington dans un climat plombé par les nouvelles révélations sur les collectes massives de données effectuées par l’agence de surveillance américaine (NSA) en Espagne ou en France.
«Les amis et les partenaires ne s’espionnent pas (…). Il est urgent et crucial que nos partenaires américains agissent pour rétablir la confiance», a déclaré Mme Reding, par ailleurs commissaire européenne à la Justice, devant le centre de réflexion du Peterson Institute.
«L’espionnage n’est en aucun cas un vecteur de confiance», a-t-elle ajouté.
Dans ce contexte, la dirigeante européenne a relevé que la question de la protection des données personnelles sur internet pourrait être plus que jamais un point d’achoppement des discussions transatlantiques, lancées avec peine en juillet sous l’impulsion du président américain Barack Obama.
C’est un des sujets qui pourraient «facilement faire dérailler» les discussions, a-t-elle prévenu, estimant que cette question devait être traitée à part, afin de mieux protéger les données des utilisateurs européens des géants américains de l’internet (Google, Facebook, Twitter…).
Face au risque d’embrasement, Washington a tenté de circonscrire l’incendie mardi en s’efforçant d’isoler le traité de libre-échange du scandale de l’espionnage, qui a récemment pris de l’ampleur avec les révélations sur une mise sur écoute de la chancelière allemande Angela Merkel.
«Les discussions sur les activités de surveillance de la NSA sont distinctes de nos négociations commerciales», a déclaré à l’AFP une porte-parole de représentation du Commerce extérieur américain (USTR), chargée des discussions avec les Européens.
«Il serait malheureux que ces questions –aussi importantes soient-elles– nous détournent de notre objectif commun de négocier un accord de grande qualité pour le XXIe siècle», a-t-elle ajouté, sous couvert de l’anonymat.
Cette porte-parole en a profité pour prendre la défense d’un accord qui doit permettre, selon elle, d’augmenter «les investissements bilatéraux», de «soutenir» l’emploi et de renforcer la «compétitivité internationale» des deux blocs.
«Parasitées»
Ce n’est pas la première fois que ces discussions, qui visent à créer une des plus grandes zones de libre-échange sur le globe, sont parasitées par les questions d’espionnage.
Avant l’été, la France avait menacé de suspendre «temporairement» les discussions après des révélations dans la presse accusant la NSA d’avoir espionné les bureaux de l’Union européenne à Washington et aux Nations Unies.
Déjà refroidi par les menaces pesant sur son exception culturelle, Paris s’était finalement rallié à une solution de compromis alors proposée par Berlin.
Âprement discuté au sein de l’Union européenne, l’accord de libre-échange, qui vise à supprimer les barrières douanières et réglementaires entre les deux blocs, n’en est pas à sa première avanie.
Le deuxième round de discussions, qui devait s’ouvrir début octobre à Bruxelles, a été reporté sine die en raison de la fermeture partielle de l’administration américaine sur fond de paralysie budgétaire.
Les deux parties assurent que les négociations doivent reprendre sous peu mais aucune date n’a encore officiellement été fixée.
«Les discussions avec les États-Unis sont toujours en cours», s’est contenté d’indiquer un porte-parole de la Commission européenne.
Le premier round, qui s’était achevé mi-juillet à Washington, avait été jugé «productif» par les deux blocs même s’il avait mis en évidence des «zones de divergence», notamment sur l’agriculture.