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Qualifié un jour d' »icône mondiale de la réconciliation » par Desmond Tutu, l’une des hautes figures de la lutte anti-apartheid, l’ancien président sud-africain incarnait des valeurs d’autant plus universelles qu’il n’a jamais prôné ni religion ni idéologie. Juste un humanisme à l’africaine, profondément nourri de la culture de son peuple, les Xhosas.
Ni Lénine, ni Gandhi, celui que ses compatriotes appelaient affectueusement « Madiba », de son nom de clan, ne s’est jamais enfermé non plus dans une ascèse révolutionnaire. Jeune homme, il aimait le sport –il fut boxeur amateur–, les costumes bien taillés, et entretenait joyeusement une réputation de séducteur.
Un culte qu’il n’a jamais souhaité
« Loin d’assumer un rôle divin, Mandela est au contraire pleinement et absolument humain: l’essence de l’être humain dans tout ce que ce mot devrait, pourrait signifier », écrivit à son propos sa compatriote Nadine Gordimer, Prix Nobel de Littérature.
« Il a souffert et végété en prison pendant plus d’un tiers de sa vie, pour en sortir sans un mot de vengeance », dit Gordimer: « Il a supporté tout cela, c’est évident, non seulement parce que la liberté de son peuple est son souffle vital, mais parce qu’il est l’un de ces rares êtres pour qui la famille humaine est sa propre famille. »
Ses actes, magnifiés par de semblables hommages, ont fini par créer autour de Mandela une sorte de culte qu’il n’a jamais souhaité. « L’un des problèmes qui m’inquiétaient profondément en prison concernait la fausse image que j’avais sans le vouloir projetée dans le monde », dit-il lui-même un jour à un journaliste: « On me considérait comme un saint. Je ne l’ai jamais été. » « Sauf si vous pensez », ajouta-t-il non sans malice, « qu’un saint est un pécheur qui essaie de s’améliorer ».
Né le 18 juillet 1918 dans le petit village de Mvezo, dans le Transkei (sud-est) au sein du clan royal des Thembus, de l’ethnie xhosa, le futur leader de la rébellion noire est prénommé par son père Rolihlahla: « Celui par qui les problèmes arrivent ».
Baptisé « Nelson » par son institutrice
C’est son institutrice, conformément à la pratique de l’époque, qui lui attribue arbitrairement le prénom de Nelson, à son entrée à l’école primaire.
Rebelle précoce, le jeune Nelson commence sa vie par deux ruptures: étudiant, il est exclu de l’université de Fort Hare (sud) après un conflit avec la direction. Peu après, il fuit sa famille, à 22 ans, pour échapper à un mariage arrangé. Et débarque, plein d’espoir, à Johannesburg la tumultueuse.
C’est là, dans cette gigantesque, dangereuse mais excitante métropole minière, que le bouillant jeune homme prend la pleine mesure de la ségrégation raciale qui segmente sa société. C’est là aussi qu’il rencontre Walter Sisulu, qui va devenir son mentor et plus proche ami. Et lui ouvrir la porte de l’ANC.
Peu à peu se forge une conscience politique et un goût pour le militantisme qui vont l’éloigner de sa première épouse, Evelyn, et le jeter dans les bras d’une pétillante infirmière de 21 ans: Winnie.
Avec Walter Sisulu, Oliver Tambo et d’autres jeunes loups, il prend rapidement les rênes du parti, pour porter la lutte contre le régime blanc, qui a « inventé » en 1948 le concept d’apartheid: le « développement séparé des races ».
Après le semi-échec de campagnes de mobilisation non violentes, inspirées des méthodes du Mahatma Gandhi, l’ANC est interdit en 1960. Mandela, arrêté à plusieurs reprises, passe à la clandestinité, et décide d’engager le mouvement sur la voie de la lutte armée.
Capturé, il est emprisonné en 1962. Et bientôt envoyé au bagne terrible de Robben Island, au large du Cap. Pendant des années, sous un soleil de plomb, dans une poussière qui va endommager ses poumons à jamais, il casse des cailloux. Sans jamais s’avilir.
« L’oppresseur doit être libéré tout comme l’opprimé »
Au contraire, il cherche à pénétrer l’âme de ses ennemis. En apprenant leur langue, l’afrikaans. En s’efforçant de comprendre et d’aimer leurs plus grands poètes.
« Je savais parfaitement », note-t-il, « que l’oppresseur doit être libéré tout comme l’opprimé. Un homme qui prive un autre homme de sa liberté est prisonnier de sa haine, il est enfermé derrière les barreaux de ses préjugés (…) Quand j’ai franchi les portes de la prison, telle était ma mission: libérer à la fois l’opprimé et l’oppresseur ».
Vingt-sept ans plus tard, en 1990, le voilà libre. Ni brisé, ni amer. Et c’est en homme libre qu’il négocie pied à pied avec le régime à bout de souffle l’organisation d’élections enfin universelles et démocratiques.
Triomphalement élu président en 1994, il prône la réconciliation entre les races. Le film « Invictus » retrace l’épisode, glorieux, où l’on voit « Madiba » utiliser l’équipe nationale de rugby, symbole de la puissance blanche afrikaner, pour souder Noirs et Blancs dans l’euphorie partagée d’une victoire en coupe du monde.
Mandela, dont la vie fut accaparée par la lutte politique, n’a jamais réussi à mener une vie familiale « normale ». Mais, charmeur et facilement charmé, il rechercha toujours la compagnie des femmes, comme en témoignent maintes idylles et trois mariages.
Il eut six enfants de ses deux premières unions, deux filles et deux garçons avec Evelyn, deux filles avec Winnie. Trois filles lui survivent, ainsi que dix-sept petits-enfants et douze arrière-petits-enfants.
Divorcé de Winnie, il s’était marié une troisième fois en 1998, le jour de ses 80 ans, avec Graça Machel, veuve de l’ancien président mozambicain Samora Machel, prononçant des mots touchants sur la grâce de tomber amoureux.
Symboliquement, la toute dernière apparition publique de « l’icône mondiale » n’avait pas été réservée à ses compatriotes, mais à l’humanité tout entière: il avait salué la foule le soir de la finale de la Coupe du monde de football 2010 en Afrique du Sud, en direct devant plusieurs milliards de téléspectateurs.