La signature de décrets présidentiels par Trump n’a rien d’exceptionnel
Les décrets présidentiels («executive orders») – dont l’existence n’est pas enchâssée dans la Constitution américaine – permettent aux présidents de donner une direction à leur règne, en contournant les autres institutions politiques, dont le Congrès qui détient le pouvoir législatif.
Agence France-Presse
Montréal
Donald Trump multiplie la signature de décrets présidentiels depuis son arrivée à la Maison-Blanche, déboulonnant avec une facilité désarmante l’héritage de Barack Obama et officialisant à la vitesse de l’éclair plusieurs de ses promesses électorales.
Donald Trump multiplie la signature de décrets présidentiels depuis son arrivée à la Maison-Blanche, déboulonnant avec une facilité désarmante l’héritage de Barack Obama et officialisant à la vitesse de l’éclair plusieurs de ses promesses électorales.
Abrogation de l’Obamacare, construction d’un mur à la frontière américano-mexicaine, relance du projet Keystone XL, retrait du Partenariat transpacifique: Donald Trump annonce clairement ses couleurs dans ce début de présidence des plus énergiques.
Bien que cette manière de faire semble surprenante, elle n’a rien d’exceptionnel.
Au cours de leur présidence respective, Barack Obama a signé 276 décrets présidentiels, George W. Bush, 291 et Bill Clinton, 364.
Les décrets présidentiels («executive orders») – dont l’existence n’est pas enchâssée dans la Constitution américaine – permettent aux présidents de donner une direction à leur règne, en contournant les autres institutions politiques, dont le Congrès qui détient le pouvoir législatif.
En agissant de la sorte, Donald Trump cherche avant tout à satisfaire ceux qui l’ont porté au pouvoir, croit Frédéric Gagnon, titulaire de la Chaire Raoul-Dandurand de l’Université du Québec à Montréal et directeur de l’Observatoire sur les États-Unis.
«C’est payant pour lui de faire ça, puisqu’il a gagné les élections en convainquant ses partisans qu’il romprait avec l’héritage d’Obama, qu’il utiliserait la scie mécanique pour tout détruire», explique-t-il en entrevue avec La Presse canadienne.
«Il dit en ce moment à ses partisans qu’il ne les a pas bernés, continue-t-il. C’est important sur le plan symbolique, puisqu’il disait en campagne qu’il était un homme d’action.»
Les décrets présidentiels sont sans aucun doute la manière de procéder qui est à la fois la plus rapide et la plus efficace. Ces décrets ont effet de loi, rappelle M. Gagnon, en précisant qu’ils sont apparus «en cours de route dans l’histoire de la présidence» pour accroître les pouvoirs du locataire de la Maison-Blanche.
Il s’agit toutefois d’un couteau à double tranchant, estime le chercheur. Bien qu’un décret présidentiel permette de contourner un débat au Congrès, il bénéficie d’une légitimité moindre qu’une loi qui serait adoptée en bonne et due forme par le Congrès.
S’il abuse de cette manière de procéder, Donald Trump pourrait toutefois se mettre le Congrès à dos. «Il pourrait perdre du» capital politique «en donnant l’impression à la population, et en donnant de bons arguments aux membres du Congrès, pour affirmer qu’il ne respecte pas la Constitution et le droit du Congrès de participer au débat», explique Frédéric Gagnon.
Mais tôt ou tard, les institutions politiques américaines devront se rallier à ses décisions pour qu’elles puissent aller de l’avant. «Si ces annonces nécessitent des dépenses de la part du gouvernement fédéral pour la mise en oeuvre de sa vision, il faudra éventuellement que le Congrès se prononce, puisque c’est le Congrès qui adopte les budgets fédéraux», rappelle le chercheur.
Il précise que le Congrès – qui est en ce moment majoritairement républicain – détient également le pouvoir de voter une loi qui annulerait un décret présidentiel, et que la Cour suprême pourrait invalider un décret qui irait à l’encontre de la Constitution américaine.
En signant de nombreux décrets présidentiels, Donald Trump n’est donc en rien différent de ses prédécesseurs. «Au sein du système politique américain, l’un des pouvoirs les plus importants du président (qui n’est pas mentionné dans la Constitution) est le pouvoir de persuader les autres acteurs du système politique d’adhérer à sa vision. Et c’est ce que Donald Trump fait en ce moment, en tentant d’orienter le débat national dans la direction qu’il souhaite», précise Frédéric Gagnon.
Voici les principaux décrets présidentiels signés par Donald Trump depuis son entrée en fonction:
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Lundi, M. Trump a remis en place l’interdiction de fournir du financement fédéral aux organisations étrangères qui prodiguent des avortements ou des conseils à ce sujet. La mesure interdit aussi tout financement fédéral pour les groupes qui militent en faveur de la légalisation de l’avortement ou qui en font la promotion comme méthode de planification familiale.
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M. Trump a également signé, lundi, un décret présidentiel pour retirer les États-Unis du Partenariat transpacifique, qui regroupe 12 pays de la zone Pacifique, dont le Canada, marquant par le fait même l’arrêt de mort du traité de libre-échange.
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Le président américain a signé mardi matin un document ouvrant la voie à la construction de l’oléoduc transfrontalier Keystone XL, de TransCanada, sous certaines conditions, de même que le controversé projet Dakota Access. On estime que Keystone XL acheminerait plus de 20 pour cent de tout le pétrole canadien exporté vers les États-Unis.
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M. Trump a donné le feu vert, mercredi, à des mesures visant à contrer l’immigration illégale et à renforcer la sécurité et les contrôles frontaliers aux États-Unis. La signature de deux décrets permettra notamment de mettre en branle la construction d’un mur à la frontière américano-mexicaine.