«Pays de merde»: les Haïtiens fatigués, mais pas étonnés des propos de Trump
Trump en campagne en 2016 a Little Haiti,Miami, avait promis d’etre « le champion des Haitiens ».
AFP-PORT-AU-PRINCE | Les Haïtiens jugent avec un dédain certain les propos insultants de Donald Trump à l’encontre de leur pays. Des paroles qui ont, pour certains, des relents de racisme lié à la prise d’indépendance de la première république noire de l’histoire.
«C’est un cerveau dérangé», soupire Roberson Alphonse. «Évidemment, cela froisse notre fierté: même dans ses excuses, qui n’en sont pas vraiment, il utilise des mots pour blesser en rappelant encore “pays pauvre”», regrette le citoyen de Port-au-Prince.
Il n’y a pas de moment approprié pour qualifier un État de «pays de merde», mais les propos de Donald Trump tombent au plus mal en Haïti: le pays commémore ce 12 janvier la tragédie du séisme de 2010 qui a entraîné dans la mort plus de 200 000 personnes.
À la tribune, le président Jovenel Moïse n’a pas évoqué ce nouvel écart de langage de son homologue américain, mais l’assemblée a applaudi quand il a simplement rappelé qu’«Haïti est un pays comme les autres sur la Terre».
Pour certains citoyens haïtiens, l’origine de cette vision jugée raciste contre Haïti est à chercher dans l’histoire singulière de la première république noire.
Après son indépendance, obtenue en 1804, Haïti est mis au ban des nations qui, esclavagistes, ont tardé à lier officiellement des relations diplomatiques avec les dirigeants noirs. La France n’a reconnu l’indépendance de ce qui fut sa plus riche colonie qu’en 1826, et contre le paiement de compensations équivalant aujourd’hui à plus de 17 milliards d’euros.
«Haïti a été vendu comme étant un pays à problèmes: il faut remonter à des problématiques historiques pour comprendre comment on a construit Haïti comme étant un pays à part», a déclaré à l’AFP Renald Lubérice, secrétaire général du Conseil des ministres. «Aujourd’hui, malheureusement, il y a des gens qui ne sortent pas encore de cette image, mais rassurez-vous, nous sommes un pays normal», a insisté en souriant le haut cadre du pouvoir exécutif.
«Personnellement, je suis sidéré, mais pas étonné: on paie encore pour l’indépendance, pour cette culture que l’on a», appuie Erol Josué, artiste et prêtre vaudou, religion qui a lancé la révolte des esclaves en 1803.
Aussi regrettable qu’elle soit, la déclaration insultante de Donald Trump pourrait constituer un élan pour un sursaut national.
«C’est un moment opportun pour que tous les Haïtiens commencent à prendre conscience de la façon dont d’autres personnes nous voient. Trump, lui, ose parler, mais c’est aussi la réflexion de beaucoup, beaucoup, beaucoup d’autres gens dans le monde», estime Erol Josué.
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