par Arthur V. Calixte
Haïti: Sa Majesté la Reine Mondiale du Sucre «Claudinette Fouchard»: Patrimoine National.
Claudinette Fouchard est une reine de beauté dont l’histoire a gravé le nom en lettres d’Or. Etoile, parmi les reines de beauté de l’ancienne Haïti, Perle des Antilles, Claudinette Fouchard symbolisait ce que beaucoup de jeunes filles rêvaient d’être : la plus belle.
En effet, elle était la plus belle créature Haïtienne de l’époque. Elle est née à Port-au-Prince le 3 Février 1938. Plus jeune des deux enfants de la famille Jean Fouchard, elle a reçu une formation, une éducation solide et soignée à Paris et parfait ses études à l’Université de Georgetown à Washington.
Polyglotte, parlant couramment le Créole, le Français, l’Anglais, l’Espagnol, l’Allemand et même l’Italien, elle visitait la France, les Etats-Unis, la Grèce, la Yougoslavie, Cuba, Porto-Rico etc…Aimant fiévreusement la musique, Claudinette joue le piano avec art et dextérité. Elle avait 21 ans, mesurant 1 m 65 de hauteur et pesant 58 kilos quand elle ajoutait à son palmarès le titre rare et prestigieux de «Reine mondiale du sucre » à Cali-Colombie.
Claudinette Fouchard consacrée Miss Haïti en 1960, demeure jusqu’à présent méconnue de la Jeunesse Haïtienne. Les jeunes filles en particulier qui ne connaissent pas l’histoire de cette artiste insolite, ont intérêt à adopter cette déesse de beauté à tout point de vue comme modèle. Le Carnaval de Port-au-Prince à l’époque, reste et demeure malgré tout, la meilleure place pour découvrir de nouvelles étoiles dans le pays. Elle représente aussi une époque où le concours de beauté n’était pas un nom d’emprunt ni un slogan publicitaire.
Miss d’Haïti, la beauté de cette jeune femme gagnait beaucoup d’étrangers à la cause du pays. Le carnaval en Haïti a marqué en lettres indélébiles le nom de Claudinette Fouchard.C’est sous le signe de cette beauté Antillaise que Haïti invite aujourd’hui encore, le Monde entier à renouer avec une époque où le mot »Joie » revêtait toute sa signification.
Claudinette Fouchard, grâce à l’apport artistique qu’elle a su faire montre lors du prestigieux concours qui devait la projeter au regard du Monde, a donc su mettre en évidence des talents insoupçonnés chez elle.
Aussi, à l’occasion du Festival de Cannes qui devait avoir lieu à Cali-Colombie, plusieurs pays ont été invités à envoyer des postulantes en vue de participer à la Compétition Internationale pour élire la Reine Mondiale du Sucre. Le Président d’Haïti d’alors Francois Duvalier avait porté son choix sur Claudinette Fouchard : Miss élue d’Haïti.
Primée sur de nombreuses Nations à ce concours, elle a fait la Fierté de la Nation Haïtienne à travers le monde par son intelligence, sa beauté par sa simplicité et surtout par sa modestie. Claudinette Fouchard envoutait même la clientèle touristique qui venait de l’Etranger.
C’était le jeudi 24 décembre 1959, l’ouverture officielle de la Compétition Internationale à Cali-Colombie.
La nature en de champêtres concerts, où rossignols et tant d’autres oiseaux nocturnes accordent leurs voix aux refrains mélodieux des hymnes de louanges, s’apprête à célébrer la nativité du Christ rédempteur.
A cet instant et par une étrange coïncidence la compétition internationale de Cali pour le titre de Reine Mondiale du Sucre, débuta par un grand bal et se poursuivit jusqu’au 2 janvier, jour de nos Aïeux, à 10 heures du soir, quand le jury composé de personnalités des plus prestigieuses de l’époque, dont l’écrivain Ernest Heminguay, l’ex président de l’Equateur Lassa Gallo Plazza, la reine mondiale de beauté, une Japonaise, etc., fixa son choix sur celle que la Presse Internationale appelle « La Perle Noire » pour devenir Reine Mondiale du Sucre 1960 et la Reine des Reines.
Il fallait voir avec quelle élégance notre brune créole ouvrit le bal de présentation des candidates au bras du Gouverneur de Cali sous le regard ahuri de compétitrices tout aussi remarquables par leur beauté savoir : Martha Cortès (Cuba), Janette Kayes (Etats-Unis), Lorène Perrin (Iles Hawaï), Maria Munoz (Porto Rico), Irma Gonzales (Panama), Iole Brizolla (Brésil), Pilar Gaillardo Extrada (Equateur). La Floride s’était fait représenter aussi bien que la Louisiane, la dominicaine, etc.
Le choix des dix-huit membres de ce jury spécial, porté après de longues délibérations sur cette rare beauté qui représentait Haïti au milieu de 30 jeunes filles venues de divers pays, ébranla le monde entier.
La Bellissima, la unica, la Niña de Haïti, telle qu’on la surnommait et l’acclamait de partout, répondait au même moment à l’invitation du Maire de Bogota où la Municipalité, au cours d’une cérémonie fastueuse, lui avait remis les clés de la ville après l’avoir reçue avec tous les égards et les honneurs dûs à une Reine.
Après avoir été l’hôte d’honneur de la municipalité, du Gouverneur et du Président Lleras Camargo, elle rentre à Miami pour quelques heures avant de s’embarquer, en compagnie de Mlle Cartright, de Mme Jean Fouchard et de la troupe Folklorique Nationale, pour Haïti où un programme soigneusement élaboré et des plus protocolaires était mis en oeuvre par le Comité d’Accueil, la Municipalité et l’Office du Tourisme dès son arrivée à 2 heures P.M sur la piste d’atterrissage de l’aviation «Bowen Field» transférée désormais à l’Aéroport International François Duvalier.
Claudinette Fouchard recue par Papa Doc
Le pays et principalement la capitale, débordant de joie, était en fête. Port-au-Prince, depuis le Bicentenaire jusqu’aux quartiers les plus huppés, décorés, illuminés et d’une propreté irréprochable, se mouvait dans l’apparât de splendides et merveilleux spectacles.
C’était sous le gouvernement de François Duvalier.
La Chambre de Commerce, avec les Roy, les Thébaud, les Dufort, etc. et l’Association Hôtelière et Touristique d’Haïti avaient un droit de regard sur la propreté de la Ville, plus encore sur la salubrité du pays, alors que l’Office du Tourisme et la Mairie étaient à la hauteur de leurs tâches.
Au Programme était prévu :
2 heures : Accueil et remise de gerbes de fleurs
2 heures 30 : À l’Hôtel de Ville, remise des clés et vin d’honneur.
4 heures : Au Palais National, audience spéciale et réception par le Président de la République.
6 heures 30 : Présentation au Stadium Sylvio Cator. Bref Show par la Troupe Folklorique Nationale qui venait elle aussi d’obtenir une distinction hors concours au grand Festival à Cali en rapportant au pays une Coupe-souvenir.
Ensuite, Réception à l’Hôtel Beau Rivage au Bicentenaire.
La Presse Latino-américaine et internationale ont salué le succès de Mlle Claudinette Fouchard qu’elles considèrent comme la réussite du bon goût, de la distinction et surtout de la culture.
Aussi c’est avec une mâle fierté qu’est retracé ici pour la postérité, en brèves hachures d’idées et au gré de la mémoire, le cérémonial du Samedi 9 Janvier 1960 et autres où, sous les vivats délirants, une foule considérable massée tout au long du parcours bloquait la mercury décapotable du Dr Métellus qui devait conduire cette déesse de la beauté, couronnée d’or massif, majestueuse, souriante et sceptre à la main, vers l’Hôtel de Ville. Les survivants de ces heures mémorables font aujourd’hui encore le récit de ces moments émouvants, pathetiques.
Un témoin décrivant la scène raconte:
Après le vin d’honneur et la remise des clés de la Ville à la Mairie de Port-au-Prince, Sa Majesté Claudinette Fouchard, dans sa magnificence royale entreprend une tournée triomphale, conquérant une fois de plus les coeurs et les esprits.
A 5 heures P.M., deux voitures de la Présidence, précédées d’unités motorisées de la police (Motards) emmènent ,sous un tonnerre d’applaudissements, les dix membres de la Troupe Folklorique Nationale. Ils sont reçus pour être introduits au salon vert, par le Chef de la garde présidentielle, le chef de protocole a.i, le premier attaché au protocole et par le Secrétaire exécutif adjoint du Président de la République.
5heures 35 P.M. Sa Majesté la Reine Mondiale du Sucre, Claudinette Fouchard, le sceptre du pouvoir impérial en main et le front ceint du diadème de Perles descend d’une voiture de la Présidence sous les acclamations nourries de la foule en délire et une fois reçue par les membres du protocole a été saluée par la fanfare du Palais National entonnant « La Dessalinienne ».
Sa voiture était suivie de celle de Monique Cartright, sa suivante, et précédée de motocyclettes de la police.
Sous les ovations d’une assistance sélecte et nombreuse où l’on pouvait remarquer le Président de La Cour de Cassation, le Président de l’Assemblée Nationale, tous les membres du Cabinet ministériel, les hauts gradés de l’Armée, de nombreuses personnalités officielles et du Corps Diplomatique, les Représentants du Tourisme, du Commerce, de la Presse, de divers groupements artistiques et mondains, tels que « Le Choeur Simidor », « le Jazz des Jeunes », « La Troupe des Jeunes Danseurs de l’Ile », « la SNAD » , « Haïti chante » etc, les représentants de groupements ou associations littéraires, des Universitaires, les Candidates au dernier concours de beauté et leurs parents, les organisateurs de ce concours etc, , la Perle noire et sa suivante furent accueillies au salon vert.
Le couple présidentiel élégamment vêtu fait son apparition. Immédiatement, après le salut présidentiel de la fanfare du Palais, le Chef de l’Etat embrassa, ou plus précisément le couple présidentiel embrassa Sa Majesté Claudinette Fouchard et sa suivante, puis invite Sa Majesté la Reine Mondiale du Sucre à prendre siège entre le Président à droite et Mme Duvalier à gauche. Mlle Cartright étant assise en face de Mlle Simone Duvalier.
On était au temps des fines convenances et de l’art du Protocole.
6 heures 07. Le Chef de l’Etat remet le Diplôme et le Coffret contenant l’insigne « Honneur et Mérite ». Ne pouvant contenir son émotion, François Duvalier improvise avec un air grave et solennel : «Claudinette Fouchard, je n’épingle pas sur votre poitrine cette Décoration, malgré l’exigence du Protocole. Je prends plaisir à vous la remettre personnellement. »
Poursuivant son allocution, le Président Duvalier, après avoir évoqué les difficultés de l’Ecole des Griots pour imposer la culture haïtienne, a associé le succès de Claudinette Fouchard et sa suivante Mlle Cartright au triomphe de la Troupe Folklorique Nationale.
La Troupe Folklorique Nationale, eût-il à déclarer, a très bien mis en relief la culture haïtienne. C’est en effet toute cette gamme, tous ces apprêts, et peut-être l’apport du génie négro- africain qui font honneur à la culture haïtienne et pour
laquelle toute une génération a lutté …
Après ses félicitations à M. André Narcisse directeur de la troupe Folklorique Nationale et du Théâtre de Verdure, il passa la parole à l’un des porte-flambeaux de la Nouvelle Génération M. Michel Lamartinière Honorat, secrétaire d’Etat a.i de l’Education nationale et titulaire des Travaux publics, chargé de remettre les insignes et le Diplôme à M. Narcisse.
On sabla le champagne dans l’euphorie festive, quand quelques instants après, le Couple Présidentiel invita la Reine, sa suivante, les membres de la Troupe Folklorique Nationale suivis des parents et de l’assistance à passer au Salon rouge pour faire honneur aux tables richement garnies où se détache un grand gâteau surmonté d’une couronne en miniature.
Après la cérémonie au Palais National, les festivités devaient se poursuivre au Stade Sylvio Cator où sa Majesté, la Reine Mondiale du Sucre aurait adressé un message au Peuple haïtien, à Camaraderie, Edouard Craan l’avait royalement reçue, à l’hôtel Beau Rivage Raymond Roy avait donné une grandiose réception en son honneur et au cours de laquelle Mme Fortuna Guéry, Présidente du jury justifia dans une brillante improvisation le choix de Claudinette Fouchard à titre de Reine Mondiale du Sucre au Festival international de Cali.
A cette journée d’honneurs extraordinaires rendus publiquement, s’ajoutent la manifestation artistique et musicale organisée le vendredi soir 15 janvier en hommage à la Reine et à la Troupe Folklorique Nationale au Théâtre de Verdure avec le concours de Gérard Résil, la fête organisée le samedi 16 janvier dans la soirée à Choucoune par son administrateur René Marini qui a marqué profondément la génération d’alors en faisant revivre les honneurs rendus à la Reine Elizabeth au cours des cérémonies des grands moments .
Peu de temps après, une série de tournées savamment organisées tant en Haïti qu’à l’étranger, avec un cérémonial de grand style ont permis à la Reine Mondiale du Sucre de faire la conquête du Canada, de Paris etc.
Après un parcours d’apothéose où elle offrait à un public assoiffé de rêveries prodigieuses tous les trésors de son imagination créatrice par des gestes suaves qui font tressaillir, émouvoir l’âme et le coeur, une telle impression est trop rare aujourd’hui pour que l’on puisse l’oublier.
Longtemps déjà, le pays éprouve le besoin impérieux de se rassasier, à nouveau, de beauté assez rare et digne d’admiration. Je convertis mon désespoir en sympathie après un régal visuel des photographies de Claudinette Fouchard au Salon artistique et mondain du Parc Historique de la Canne à Sucre sur la Route de Tabarre.
Quelle était ma surprise, au cours de ma visite impromptue, de découvrir au bureau de Mme Sénatus deux magnifiques photos à la satisfaction de ma curiosité ?
Une 1ère photo, me rappelant certaines raffineries de la société Saint-dominguoise durant la période de la révolution de la canne, dévoile la posture et la coquetterie d’une Affranchie coiffée haut de forme de son mouchoir et habillée d’une robe longue à bandes de tissus de différentes couleurs.
La seconde photo plus voluptueuse encore semble ramenée Vénus sur terre avec tout ce qu’on peut imaginer de charmes et d’envoûtements psychiques.
C’est pour moi un honneur d’apporter ce témoignage élogieux à cette « Perle Noire » qui rêvait de vivre non seulement pour l’art de charmer et la promotion de l’Orgueil National mais pour vaincre le racisme, le préjugé et l’Apartheid comme l’a si bien exprimé Roussan Camille dans son poème « Nigra Sum, Sed Formosa » dédié à sa Majesté Claudinette Fouchard.
La Reine Mondiale du Sucre 1960 a vaincu et elle a assisté à la décolonisation et l’Indépendance des pays africains, à l’émergence du Pasteur Martin Luther King et à l’avènement de Barack Obama à la présidence des Etats-Unis.
Si en hauts lieux on estime que Claudinette Fouchard avait bien servi son art et son pays, le jour viendra où, par un communiqué officiel, la Nation sera conviée à lui rendre un Hommage solennel digne des héros que l’on honore par un bâton de Maréchal.
Claudinette Fouchard,quelques decades plus tard, est la preuve vivante que la beaute n’a pas d’age…
L’Ethnologue Antalcidas Murat ne l’a-t-il pas immortalisée par cette strophe musicale chantée par Gérard Dupervil :
« Le folklore haïtien mérite d’être tenu bien haut
Il triomphe à Cuba, à Paris et en Colombie
Il fait revivre en nous l’Afrique source de vie
Il aida nos Aïeux à Vertières, Crête-à-Pierrot
Claudinette, Jazz des Jeunes et la Troupe Nationale
La plus belle trilogie, tout l’art de notre pays ».
La jeunesse haïtienne a besoin de modèles pour se ressourcer dans l’âme nationale, le civisme et les valeurs qui font la force de la morale, de la famille, de la décence et de la mode.
Haïti devrait être fière de célébrer et de commémorer chaque année un pareil événement afin que Sa Majesté Claudinette Fouchard devenue Mme Raynold Bonnefil puisse livrer aux archives de la Culture Nationale et du Ministère du Tourisme ses chers souvenirs et son érudition qui auraient pu remplir des volumes et réanimer la curiosité touristique et culturelle.
Certes ! Depuis cette époque, semblant si lointaine, trop de souvenirs enfouis et de physionomies disparues s’attachent à cette auguste scène. Incarnant la femme épanouie, le monde entier avait dû se refléter dans vos beaux yeux qui ne s’étonnent de rien.
Si j’ose, Madame, je me permettrais de troubler votre extase intérieure pour vous exprimer au nom de tous vos admirateurs et de moi-même tous nos regrets d’être jusqu’à ce jour les seuls à avoir pensé à vous tresser un Bouquet de Lauriers à un moment où vous aurez pu servir au Relèvement de la Dignité Nationale.
Ce n’est pas un compliment mondain. Rarement créature avait été plus idéale, spirituelle et cultivée.
Je vous applaudis une fois de plus Madame et vous constaterez que je me suis décidé à Vous appeler par Votre Titre, Sa Majesté Claudinette Fouchard, Reine Mondiale du Sucre, dont le nom est synonyme de succès, d’abondance et de prospérité. Vous y avez droit comme un héritage de votre jeunesse d’hier et d’aujourd’hui ; car, lorsque Claudinette Fouchard, cette beauté haïtienne, arrache des applaudissements qui crépitent sur sa carrosse attelée à des boeufs en défilant à Cali devant le peuple colombien, l’imagination s’arrêta et la pensée s’éteignit.
Vous êtes assez Heureuse, Reine Mondiale du Sucre et Reine des Reines, pour être encore logée dans notre souvenir et la Mémoire Nationale.