AFP – « La structure de l’économie de l’apartheid est restée largement intacte », a lancé le chef de l’État en ouverture d’une conférence nationale de l’ANC à Johannesburg : « La propriété de l’économie est toujours principalement aux mains des Blancs ».
Jusqu’à vendredi, la « conférence politique » du Congrès national africain (ANC) doit débattre de ses grandes options. La presse n’est pas admise, mais les conclusions seront reprises en décembre, lors d’un congrès électif lors duquel M. Zuma joue sa tête.
Il s’agit, pour le parti qui gouverne sans interruption depuis l’instauration de la démocratie en 1994, de répondre aux critiques, de plus en plus virulentes, qui dénoncent les promesses non tenues, la corruption et la persistance des inégalités.
Pour M. Zuma, la preuve qu’il est urgent de changer de braquet économique est « le niveau de frustration élevé et compréhensible dans certaines communautés ». Une référence aux révoltes quotidiennes de riverains pas desservis en eau, électricité, école de qualité, transports.
« Beaucoup de Noirs n’approuvent pas notre démocratie parce qu’elle les exclut de la vie économique », indiquait à l’AFP Buti Manamela, secrétaire de la ligue de jeunesse du Parti communiste, allié de l’ANC au sein du gouvernement. « Il y a eu des réussites, mais aussi des échecs majeurs, comme le chômage, la pauvreté et les inégalités ».
C’est pourquoi, a promis le président Zuma devant quelque 3500 délégués, « l’ANC doit démocratiser et « déracialiser » la propriété et le contrôle de l’économie en donnant du pouvoir à la communauté africaine et noire en général ».
« Pauvreté abjecte »
La domination blanche sur l’économie est un héritage de l’histoire, a rappelé M. Zuma : au moment des négociations avec le pouvoir blanc, pour organiser les premières élections multiraciales, l’ANC « a dû faire certains compromis dans l’intérêt national pour garantir la stabilité économique et la confiance ».
Aujourd’hui, a-t-il dit, « nous devons revenir aux fondamentaux et prendre des décisions que nous n’avons pas pu prendre en 1994 ».
Les deux sujets majeurs sont, de longue date, la redistribution des terres agricoles et les profits miniers : M. Zuma n’a pas avancé de solution concrète, mais clairement laissé entendre que le statu quo n’était plus tenable.
En 2012, plus de 80 % des terres sont aux mains de fermiers blancs.
« À notre avis, le modèle actuel sur la base du vendeur libre acheteur-litre doit être revu », a prévenu M. Zuma. « Ce modèle tend à distordre le marché foncier en provoquant une inflation des prix des terres destinées à la restitution. Ceci renchérit la réforme agraire et ralentit la restitution des terres aux pauvres ».
L’option de procéder par expropriations « dans le cadre de la loi et de la Constitution » est aussi sur la table.
Quant aux ressources du sous-sol, « elles constituent une richesse nationale qui appartient à tous ceux qui vivent en Afrique du Sud, et l’État en est le gardien », a dit M. Zuma.
Une aile de l’ANC, notamment sa Ligue de jeunesse, réclame à cor et à cri la nationalisation des mines. Le gouvernement s’y oppose, mais l’ANC débat d’une taxation supplémentaire des produits miniers et d’un plus grand contrôle du secteur par l’État, dans le but notamment de créer des emplois, dans un pays où le chômage frappe officiellement un quart de la population.
« Il doit y avoir une décision sur le rôle de l’État dans le secteur minier », avait annoncé en prélude au discours de M. Zuma le secrétaire général de l’ANC Gwede Mantashe. « Tout le monde constate que le secteur minier se porte très bien, mais autour de chaque mine, vous avez des zones de pauvreté abjecte, et cela doit changer », a-t-il ajouté sur la radio publique SABC.