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Mais un autre son de cloche résonne en Libye, une troisième version qui n’est ni l’officielle, ni celle de Human Rights Watch : « Kadhafi a été tué par un espion de Sarkozy ». C’est la thèse que soutient le très sérieux quotidien romain Corriere della Seradans un article paru le 29 septembre 2012 (lien en italien). A l’origine de cette allégation, les propos de Mahmoud Jibril, l’ancien Premier ministre du gouvernement de transition et président du Conseil exécutif du Conseil national de transition (CNT) libyen, lors d’une interview diffusée une semaine plus tôt sur la télévision égyptienne Dream TV : « Un agent étranger était infiltré avec les brigades révolutionnaires pour tuer le colonel Kadhafi ».
Dans cette hypothèse, quel était l’intérêt de l’exécutif français à « liquider Kadhafi »? La chronologie est troublante. Le 10 décembre 2007, Nicolas Sarkozy fait accueillir en vedette le dictateur libyen au Palais-Bourbon (siège de l’Assemblée nationale et des députés), faisant de la France la première – et la seule – démocratie occidentale à offrir une crédibilité internationale à Kadhafi. Quatre ans plus tard, le discours de l’exécutif change radicalement. Paris reconnaît officiellement le CNT libyen comme le seul « représentant légitime du peuple libyen ». La réaction du colonel Mouammar Kadhafi ne se fait pas attendre et l’agence officielle libyenne Jana, organe de propagande du régime, annonce avoir « appris qu’un grave secret va entraîner la chute de Sarkozy, voire son jugement en lien avec le financement de sa campagne électorale ». Une semaine plus tard, le 16 mars 2011, c’est le fils de Mouammar Kadhafi, Saif al-Islam Kadhafi, qui menace directement l’ancien président français: « Il faut que Sarkozy rende l’argent qu’il a accepté de la Libye pour financer sa campagne électorale. C’est nous qui avons financé sa campagne, et nous en avons la preuve. Nous sommes prêts à tout révéler. La première chose que l’on demande à ce clown, c’est de rendre l’argent au peuple libyen. Nous lui avons accordé une aide afin qu’il oeuvre pour le peuple libyen, mais il nous a déçus. Rendez-nous notre argent. Nous avons tous les détails, les comptes bancaires, les documents, et les opérations de transfert. Nous révélerons tout prochainement. »
Dès le lendemain, le 17 mars 2011, Nicolas Sarkozy obtient du Conseil de sécurité de l’ONU l’instauration d’un « régime d’exclusion aérienne afin de protéger les civils contre des attaques systématiques et généralisées ». En autorisant « les Etats membres à prendre au besoin toutes mesures nécessaires pour faire respecter l’interdiction de vol et de faire en sorte que des aéronefs ne puissent être utilisés pour des attaques aériennes contre la population civile » la résolution onusienne laisse un flou sur les modalités de l’intervention de l’OTAN, qui l’interprète comme une autorisation à frapper au sol toute cible identifiée comme repère loyaliste. Une interprétation que la Russie ou encore l’Afrique du sud estiment outrepasser la résolution.
« Déclencher une guerre sur place, c’est le meilleur moyen pour être les premiers à mettre la main sur les archives » estime Fabrice Arfi, journaliste à Mediapart, pour qui la guerre en Libye est une« guerre de blanchiment ». Lui et ses collègues de Mediapart ont enquêté pendant près d’un an sur lefinancement de la campagne de Nicolas Sarkozy en 2007 par la Libye de Kadhafi . Mais c’est seulement le 30 avril 2012, à une semaine du second tour de l’élection présidentielle et alors que le journal en ligne publie depuis dix mois des révélations sur « le secret libyen de Sarkozy » que l’ancien président français décide d’attaquer Mediapart. Il porte plainte 48 heures après la mise en ligne d’un article intitulé « Sarkozy-Kadhafi : la preuve du financement » informant de la découverte d’une note confirmant l’accord qui aurait été donné par la Libye de soutenir la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy pour une valeur équivalente à près de 50 millions d’euros.
« Cette plainte est scandaleuse, Nicolas Sarkozy aurait pu nous poursuivre en diffamation, il existe un corpus législatif propre à la presse et qui permet en plus, en période électorale, de juger une affaire en 24 heures, et d’en faire un débat public. Mais Nicolas Sarkozy a contourné cette possibilité, il a criminalisé le journalisme en nous attaquant pour faux et usage de faux et publication de fausses nouvelles » estime Fabrice Arfi.
Interrogé sur la polémique sur France 2, Nicolas Sarkozy répond que « Mediapart est une officine, Monsieur Plenel, c’est le bidonnage à chaque fois, ce document est un faux grossier ». Puis le candidat à sa réélection s’emmêle : « Après ce que j’ai fait à M.Kadhafi, vous croyez qu’il m’a fait un virement? Pourquoi pas un chèque endossé? « Comme un seul homme, l’UMP appelle à saisir la justice, Sarkozy le premier : « Il y a une morale, ceux qui mentent, qui font des faux, doivent être condamnés par la justice ».
Une exigence de justice partagée par le site internet qui porte plainte le 2 mai, contre Nicolas Sarkozy pour « dénonciation calomnieuse ». Fabrice Arfi espérait « l’ouverture d’une enquête judiciaire pour prouver les faits face à un juge indépendant, pas le procureur de Paris, François Molins, qui est aussi l’ancien directeur de cabinet du ministre de la Justice de Nicolas Sarkozy ». L’enquête? « Nous n’en avons aucune nouvelle » déplore le journaliste interrogé par TV5monde.
Au delà du document incriminé, 10 mois d’enquête ont permis de récolter de nombreux témoignages, au premier rang desquels, celui de l’ancien Premier ministre de Kadhafi, Baghadi al-Mahmoudi. « Je confirme qu’il existe bien un document signé par Moussa Koussa et qu’un financement a bien été reçu par M. Sarkozy » avait-il déclaré à Mediapart le 2 mai 2012, par l’intermédiaire de l’un de ses avocats, Me Béchir Essid. En son nom, l’avocat avait confirmé l’authenticité de la note publiée par le site internet ainsi que le montant du financement : 50 millions d’euros. Me Béchir insiste : « Il ne comprend pas la rancune de M. Sarkozy et son acharnement à être l’un des principaux artisans de l’attaque du pays qui l’a financé, soutenu et aidé pour sa campagne ». Mahmoudi s’était enfuit en Tunisie, où il était jugé pour entrée illégale sur le territoire. Le 22 juin 2012, son avocat français avait pris attache avec le juge Renaud Van Ruymbeke, magistrat en charge de l’instruction de l’affaire Takieddine, pour lui dire que son client « allait être amené à parler des financements des campagnes électorales et des questions d’enrichissement personnel ». Le surlendemain, il est extradé vers la Libye, sans l’accord du président Tunisien Moncef Marzouki. Une décision qui expose l’ancien premier ministre « à de réels risques de graves violations des droits de l’homme, notamment la torture, une exécution extrajudiciaire et un procès injuste » s’était inquiétée l’association Amnesty International. François Hollande lui-même avait dit à Mediapart « regretter » cette extradition, « d’autant que pour la personne concernée, il y avait sûrement des informations à obtenir qui seraient utiles pour connaître un certain nombre de flux. »