Près d’un million de personnes dans sept États sont privées d’électricité, New York et le New Jersey étant les plus affectés. Dans un calme irréel, la ville se prépare à affronter la monstrueuse tempête Sandy.
La paralysie de la région la plus densément peuplée du pays et le chaos annoncé ont mis en suspens la campagne électorale à huit jours de la présidentielle.
«La priorité est de faire en sorte de sauver des vies», a déclaré Barack Obama lors d’une allocution à la Maison-Blanche à l’issue d’une réunion de crise. L’interruption de sa campagne à un moment crucial lui permet d’endosser le costume présidentiel et de rappeler qu’il est le «Commander in chief», loin de l’inertie reprochée à George W. Bush lors de l’ouragan Katrina en 2005.
Le candidat républicain Mitt Romney a de son côté annulé ses réunions électorales prévues à partir de lundi soir «par respect pour les millions d’Américains» menacés par la colossale dépression dont les effets devraient se faire sentir pendant plusieurs jours.
L’ouragan, qui a déjà fait 66 morts dans les Caraïbes, atteindra la côte américaine avant 20H00 dans le New Jersey, à proximité d’Atlantic City, selon les services météorologiques, mais ses effets se sont fait sentir dès le matin dans le «Las Vegas de la côte est».
Le long de la jetée de cette station balnéaire, casinos, bars et hôtels clinquants qui accueillent chaque année plus de 30 millions de visiteurs étaient barricadés derrière des planches et des sacs de sable. La police a fermé toutes les routes menant à la ville.
316 000 foyers privés d’électricité
La tempête affecte aussi la production d’électricité de l’État: deux réacteurs nucléaires, produisant la moitié des besoins du New Jersey, sont menacés de fermeture en raison de la montée des eaux.
Dans la zone affectée par la tempête, les ports et raffineries ont déjà été fermés ou ont fortement réduit leur activité.
Du Connecticut à la Virginie, plus de 316 000 foyers étaient privés d’électricité, conséquence des chutes d’arbres sous l’effet des bourrasques, selon un bulletin du département de l’Énergie à 15H00. Des milliers d’employés des sociétés fournissant le courant étaient mobilisés, de même que 1900 soldats de la Garde nationale.
L’oeil de l’ouragan se trouvait à 17H00 à 65 km au sud d’Atlantic City et à 45 km à l’est-sud-est de la station balnéaire de Cape May, qui se trouve également dans le New Jersey, selon un bulletin du Centre américain de surveillance des ouragans (NHC).
Des vents violents –montant par endroits jusqu’à 150 km/h– se faisaient sentir jusqu’à près de 800 kilomètres à la ronde.
La pression atmosphérique, de 940 hectopascals selon le NHC, est la plus basse jamais enregistrée sous cette latitude aux États-Unis, selon le météorologue Brad Panovich.
Selon les services météorologiques, c’est l’étendue massive de la tempête, sa faible vitesse de déplacement, et sa confluence avec un front froid venu du Canada qui la rendent particulièrement dangereuse.
«Ça va être long. Les jours à venir vont être difficiles. Des gens (…) vont être tués pendant la tempête», a mis en garde le gouverneur du Maryland, Martin O’Malley.
Wall Street fermé mardi
La compagnie Amtrak a suspendu toutes ses liaisons ferroviaires et routières sur la côte tandis que plus de 12 000 vols intérieurs et internationaux ont été annulés, selon le site internet flightaware.com.
New York, d’habitude si fébrile, était plongée lundi dans un calme irréel. Métro, bus, écoles étaient fermés. Wall Street devait aussi rester close mardi.
L’île de Manhattan est quasiment coupée du monde, la majorité des ponts et tunnels étant fermés. Dans le centre de l’île, une grue au sommet d’un immeuble de 90 étages en construction s’est partiellement effondrée sous l’effet des bourrasques.
Dans les zones bordant l’East et l’Hudson River à Manhattan, à Brooklyn et Staten Island, nombre des 375 000 habitants sommés d’évacuer ont préféré se barricader chez eux.
Une erreur, selon Barack Obama qui a appelé à la prudence dans son allocution: «Écoutez les autorités locales: quand elles vous disent d’évacuer, vous devez évacuer. Sans retard. Ne réfléchissez pas. Ne discutez pas les instructions que l’on vous donne».
«Je crois que tout ira bien pour nous, mon immeuble peut résister à des vents de 200 km/h», se rassurait pourtant Candace Ruland, une New-Yorkaise de 67 ans, sortie prendre des photos de la montée des eaux dans le quartier de Battery Park, dans le sud de Manhattan.
La frondeuse reconnaît cependant que Sandy «est déjà pire qu’Irene», l’ouragan d’août 2011 qui avait laissé 47 morts sur son passage.
Les dommages causés par Sandy pourraient s’élever à 10 à 20 milliards de dollars de dégâts, selon le cabinet d’études en gestion du risque Eqecat.
Dans la capitale fédérale Washington, les fonctionnaires et écoliers ont été à nouveau appelés à rester chez eux mardi. Le maintien mardi de la suspension des transports publics faisait l’affaire des taxis qui facturaient un supplément de 15 dollars pour «situation d’urgence».
Sandy devrait se faire sentir loin dans les terres. Les montagnes de Virginie occidentale devraient se couvrir d’un mètre de neige tandis que les vagues du lac Michigan, à plus de 1000 kilomètres de l’Atlantique, pourraient atteindre 10 m de hauteur, selon la météo nationale (NWS).
Transports new-yorkais arrêtés
Ni trains, ni métros, ni bus dans l’agglomération de 8,2 millions d’habitants : le maire Michael Bloomberg a fait tout arrêter pour éviter les risques et les dégâts. Il veut s’assurer que la ville pourra redémarrer à plein régime le plus vite possible après le passage de Sandy, qui devrait arriver en fin de journée aujourd’hui lundi.
Selon le dernier bulletin du Centre national des ouragans, à Miami, Sandy se renforce en se rapprochant de la côte nord-est des États-Unis avec des pointes de vents estimées à 150 km/h. À 11 h, la dépression se trouvait à 415 km de New York.
Des millions d’habitants n’ont pu aller travailler; les tribunaux et les écoles sont fermés, et New York, d’habitude si frénétique, est d’une tranquillité étonnante, livré aux seuls taxis jaunes, à quelques voitures et à des vélos intrépides qui zigzaguent sous la pluie.
Des milliers de touristes ont également dû revoir leurs plans, car les principales attractions comme la statue de la Liberté ou l’Empire State building sont fermés, de même que certains hôtels situés dans les zones inondables.
Seuls les petits commerces de promixité sont ouverts. La plupart des grandes enseignes ont préféré fermer après avoir été pris d’assaut durant le week-end.
Génératrices, piles, lampes de poche, pain, eau: comme pour l’ouragan Irène, en 2011, les New-Yorkais n’ont rien laissé au hasard dans l’éventualité de pannes d’électricité et de ruptures de stocks alimentaires.
Fermeture de plusieurs ponts à New York
Le gouverneur de New York Andrew Cuomo a annoncé la fermeture lundi soir de plusieurs ponts dans l’agglomération de New York, dont certains reliant l’île de Manhattan à Long Island et à Brooklyn, en raison de la violence des vents dus à l’ouragan Sandy.
Parmi ces ponts figurent le Tappan Zee (sur l’Hudson au nord de Manhattan, qui voit passer 138 000 véhicules par jour) et le pont de Verrazano (entre Brooklyn et Staten Island) ainsi que le George Washington Bridge sur l’Hudson. Le premier a fermé dès 16H00 et les deux autres fermeront à 19H00.
Le gouverneur a aussi averti qu’il «restait très peu de temps aux gens qui n’ont pas encore évacué» les zones inondables pour le faire «avant de subir le plein impact de Sandy». «C’est sans doute le dernier avertissement» avant la montée brusque des eaux dans le sud de New York qui «pourrait survenir dès 18H00», a-t-il prévenu: «Nous n’avons pas encore vu le pire de l’ouragan».
Andrew Cuomo avait déjà fait fermer lundi après-midi deux des principaux tunnels routiers de New York, les tunnels Holland et Battery, paralysant encore davantage la mégapole dont les transports publics étaient suspendus depuis dimanche.
Sacs de sable et contreplaqué
Le maire de New York a demandé aux New-Yorkais de rester chez eux et ordonné dimanche l’évacuation de 375 000 citoyens dans les zones inondables. Mais beaucoup se sont montrés réticents à partir. Seulement 3000 personnes avaient trouvé refuge lundi matin dans les 76 centres d’accueil ouverts dans des écoles de la ville.
Dans le sud de Manhattan, les eaux ont déjà monté de près de 1 m dans la matinée, sans toutefois susciter de mouvement de panique.
À l’angle de la 6e Avenue et de la 23e Rue, dans un des rares cafés ouverts, David Blythe, qui habite à Brooklyn, est venu acheter un café et une banane pour son petit-déjeuner. Pour être sûr de pouvoir travailler, il a pris une chambre d’hôtel pour plusieurs jours à Manhattan, à environ 10 km de chez lui.
«J’ai des réunions que je ne pouvais pas manquer», explique-t-il.
Dans l’immeuble résidentiel voisin, baptisé Caroline, dans la 23e Rue, tous les employés ont été réquisitionnés pour trois jours, pour assurer la sécurité des résidants. Ils ne rentreront pas chez eux.
Albert Mustaj est l’un des portiers en gants blancs. Il sourit quand on lui demande s’il a peur. « Je viens du Monténégro, explique-t-il. J’ai vu pire».
Martha Kowalczyk, 27 ans, qui promène son chien dans une rue voisine, est tout aussi tranquille. «Je viens de l’Indiana, j’ai vécu des tornades, on n’aura jamais ça ici», estime cette jeune femme qui travaille dans une école et profite donc d’une journée de congé inattendue. «Et mon immeuble est ancien, il est solide.»
Nick, un Grec d’une quarantaine d’années qui refuse de donner son nom de famille, attend quant à lui de pouvoir rentrer chez lui, dans le Queens, il ne sait trop comment. Il est venu travailler et a eu la mauvaise surprise de découvrir que le petit restaurant qui l’emploie est fermé. «J’espère que je pourrai travailler demain, j’ai besoin de travailler», explique-t-il, en lisant un journal sous un porche.
Dans le sud de Manhattan, une zone inondable, certains restaurants ont protégé leur établissement à l’aide de sacs de sable. D’autres ont renforcé leur vitrine avec du contreplaqué.
«Tant que nous avons de l’électricité, je pense que je survivrai», déclare de son côté Doug Barotra, qui a acheté 50 cannettes de bière dimanche et envisage de rester chez lui pendant trois jours.
Le président Barack Obama a quant à lui appelé ses compatriotes à prendre «très au sérieux» le danger et pressé les 50 millions d’Américains qui vivent dans les régions concernées de suivre les conseils des autorités locales.
À neuf jours de la présidentielle, la campagne électorale en est chamboulée: les deux candidats ont été contraints d’annuler des réunions publiques dans les États susceptibles d’être touchés. Les opérations de vote par anticipation risquent également d’être très perturbées, ce qui menace le taux de participation, s’est inquiété dimanche le stratège démocrate David Axelrod.
Dans la plupart des États de la côte Est, les gouverneurs ont déclaré l’état d’urgence afin de pouvoir rapidement mobiliser des moyens, tandis que des millions d’enfants doivent rester chez eux puisque nombre d’écoles publiques, de Washington à Boston, sont fermées.
Réacteurs nucléaires
Au moins deux réacteurs nucléaires, qui produisent près de 50% de l’électricité de l’État du New Jersey pourraient être arrêtés si les vents créés par l’ouragan Sandy s’intensifient, selon un porte-parole de leur exploitant.
«Nous continuons de surveiller les conditions météorologiques», a indiqué Joseph Delmar, porte-parole de la société Public Service Electric and Gas (PSEG).
«Selon nos règles d’exploitation, nous arrêterons les réacteurs (Salem Unit 1 et Hope Creek) si l’un des cas suivants se produit: des vents dépassant la vitesse de 119 km/h pendant plus de 15 minutes ou si le niveau du fleuve Delaware dépasse 30,3 mètres, puisque le site se trouve à 31,1 mètres au dessus du niveau de la mer», a-t-il détaillé.
Ces deux réacteurs nucléaires situés au bord de la rivière Delaware, qui sépare les États du New Jersey et de Pennsylvanie, «fonctionnent actuellement à plein régime», a-t-il annoncé.
Ils produisent 49% de l’électricité consommée dans le New Jersey et représentent la deuxième centrale nucléaire à but commercial des États-Unis, a précisé M. Delmar.
Le niveau le plus haut jamais atteint par les eaux à cet endroit est de 29,7 m.
Sandy pourrait causer de 10 à 20 milliards de dollars de dégâts
Sandy risque de lourdement toucher les assureurs en raison des dommages considérables que pourrait occasionner l’ouragan sur des zones densément peuplées, ont estimé des analystes interrogés en Suisse lundi, notamment le réassureur helvétique Swiss Re.
«Si Sandy touche les métropoles géantes, il faut s’attendre à d’importants dommages, qui seront non seulement composés de dommages matériels, mais aussi d’interruptions d’activité», ont indiqué les analystes de la Banque cantonale de Zurich (ZKB).
L’ouragan Sandy pourrait causer entre 10 à 20 milliards de dollars de dégâts et entraîner 5 à 10 milliards de pertes pour les assureurs, selon de premières estimations de la société spécialisée Eqecat.
Par comparaison, les dégâts causés par l’ouragan Irene en 2011 ont été évalués à 10 milliards de dollars tandis que Ike, qui a déferlé aux États-Unis en 2008, a coûté 20 milliards à l’économie.
Barack Obama, qui s’est rendu dimanche au siège de l’agence chargée de la gestion des situations de crise (Fema), a annulé une partie de ses déplacements afin de surveiller l’évolution de la situation.
Après l’ouragan Katrina, qui avait inondé La Nouvelle-Orléans en 2005, tué plus de 1800 personnes et laissé une marque indélébile sur la présidence de George W. Bush, Barack Obama a ordonné aux agences chargées de la gestion de la situation de se tenir prêtes et a demandé aux Américains de prendre toutes les précautions possibles.
De Washington à New York, dimanche, des habitants et employés de réseaux de transport empilaient des sacs de sable pour protéger les biens des inondations annoncées, et des files d’attente se formaient devant les supermarchés pour stocker des vivres.
Surnommée tour à tour Superstorm, Monsterstorm ou Frankenstorm, en référence à la fête d’Halloween mercredi, Sandy doit se renforcer lorsqu’elle rencontrera un front froid venu du Canada, selon les prévisions des services météorologiques.
Ceux-ci s’attendent à ce que l’ouragan touche les terres tard aujourd’hui ou tôt mardi, probablement sur la côte du Delaware ou du New Jersey, au sud de New York.
Sandy est bien plus vaste et plus dangereux que l’ouragan Irène, qui avait touché en août 2011 la côte atlantique et inondé des villes entières, laissant derrière lui 47 morts, ont prévenu les météorologues.
Un spécialiste de la météo du Washington Post a avoué qu’il n’a jamais vu de pareilles prévisions: «On entre là dans un terrain inconnu.»
Sur les côtes de Caroline du Nord, dimanche, les télévisions montraient des images des îles rases qui s’étirent le long de la côte balayée par les vents, avec de la pluie et une mer démontée. Dans les terres, les montagnes de Virginie occidentale pourraient se recouvrir d’un mètre de neige.
Dans le New Jersey et le Delaware, l’évacuation des zones côtières a été ordonnée en raison du risque d’inondations, accru par les forts coefficients de marée.
Ainsi, la station balnéaire de Rehoboth, dans le Delaware, avait des airs de ville abandonnée, a constaté un journaliste de l’AFP.
Le gouverneur du New Jersey, Chris Christie, a aussi décrété la fermeture des casinos d’Atlantic City, le «Las Vegas de la côte est».
Les radios ont diffusé des messages expliquant les précautions à prendre.
L’ouragan a déjà laissé au moins 66 morts après son passage dans les Caraïbes.
Sur les traces de Sandy
24 octobre > En après-midi: la Jamaïque est le premier pays touché par l’ouragan Sandy, qui s’est formé au sud de l’île. Il s’agit alors d’un ouragan de force 1.
25 octobre > En matinée: l’est de Cuba est frappé de plein fouet par l’ouragan, maintenant de force 2. Sandy y tue 11 personnes. Même si Haïti n’est pas directement touché par l’ouragan, plus de 50 personnes meurent de ses conséquences.
27 octobre > En matinée: Sandy redevient très brièvement une tempête tropicale au large d’Orlando, en Floride.
28 octobre > En fin de soirée, le centre de l’ouragan se situait au large de la Caroline du Nord.
30 octobre > En matinée: l’oeil de l’ouragan, redevenu de catégorie 1, devrait toucher terre près de Philadelphie et faire sentir ses effets à New York.
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