«Les soldats sont arrivés (jeudi soir), nombreux, et nous ont demandé de sortir», a déclaré à l’AFP un dignitaire musulman à Kalari, un quartier de Maiduguri.
«Ils ont séparé les jeunes des vieux, ils ont demandé à nos enfants de s’allonger, le visage contre le sol, et ils nous ont demandé de nous retourner. Puis on a entendu des coups de feu», a-t-il dit.
«Ils les ont abattus et ils les ont emmenés à la morgue (…) ils ont fait pareil dans trois autres quartiers (de Maiduguri), nous sommes allés à la morgue pour récupérer les corps, et nous en avons compté 48 au total», a ajouté ce témoin sous couvert d’anonymat.
Selon un des employés de l’établissement, contacté par l’AFP, la morgue de l’hôpital général de Maiduguri «a reçu 39 corps hier (jeudi), amenés par des soldats. Ils portent tous des blessures récentes de balles».
«C’était comme dans un film (…) ils ont pris les jeunes hommes dans leurs maisons et ils les ont abattus devant tout le monde avant d’emmener les corps à l’hôpital. Je n’avais jamais rien vu de tel», a déclaré un habitant du quartier de Gwange, qui s’exprimait également sous couvert d’anonymat.
Selon des témoignages recueillis auprès d’habitants de Maiduguri, des soldats ont identifié jeudi soir des hommes âgés d’une vingtaine d’années, les ont mis à l’écart avant de les abattre.
Une source militaire contactée par l’AFP n’a pas souhaité commenter ces accusations, mais a considéré que si de telles exactions ont vraiment été commises, elles sont «injustifiées».
D’autre part, l’armée a affirmé vendredi matin à l’AFP avoir obtenu des informations sur de prochains attentats de Boko Haram en préparation.
Le lieutenant-colonel Sagir Musa, porte-parole de l’armée à Maiduguri, a déclaré que selon les services de renseignements, «les terroristes de Boko Haram préparent de nouvelles attaques contre des représentants du gouvernement, contre des politiciens au service de l’État et d’autres citoyens honnêtes» dans cette région.
Vendredi, un ancien général de l’armée nigériane, figure emblématique de la guerre civile du Biafra dans les années 60, a été tué par des hommes armés à son domicile de Maiduguri.
On ignore pour l’instant l’identité des hommes qui ont tué le général Mohammed Shuwa, mais la fusillade ressemble à celles qui ont été menées par le groupe Boko Haram contre des personnalités locales dans le passé.
Boko Haram a mené des opérations de représailles à plusieurs reprises après des opérations militaires.
Dans un rapport paru jeudi, Amnistie Internationale a dénoncé des violations des droits de l’homme commises par les forces de l’ordre nigérianes dans leur répression contre Boko Haram, notamment à Maiduguri.
L’organisation de défense des droits de l’homme basé à Londres a recueilli plusieurs témoignages «faisant état d’exécutions sommaires d’habitants devant leur maison pendant des descentes ou après leur arrestation, battus à mort en détention ou dans la rue par les forces de sécurité à Maiduguri», selon son rapport.
L’armée nigériane a rejeté les accusations d’Amnistie et celles formulées dans de précédents rapports, mais les habitants l’ont accusée à plusieurs reprises de tirer sur des personnes non armées en représailles d’attentats menés contre ses soldats.
Les attentats et attaques menées par Boko Haram et leur répression ont fait plus de 3000 morts dans le Nord et le Centre du Nigeria depuis 2009.
Le Nigeria – premier producteur de brut du continent et qui compte 160 millions d’habitants – est divisé entre le nord, majoritairement musulman, et le sud, à dominante chrétienne.