PORTRAIT – La petite fille révoltée par les injustices est devenue la première femme et la première Africaine procureure de la Cour pénale internationale. L’année prochaine, Fatou Bensouda devra requérir contre Laurent Gbagbo.
Fatou Bensouda est la première Africaine procureure de la Cour pénale internationale.
Les coups pleuvaient, sans cesse, toujours plus violents. Une victime, une femme; un bourreau, son mari. Et une petite fille, témoin impuissant des blessures infligées, de l’humiliation subie. Fatou Bensouda n’avait que 10?ans quand l’une de ses tantes commença à être battue par son mari. « Tout le monde lui disait qu’il n’y avait rien à faire, que c’était normal, qu’un mari avait le droit de faire ce genre de chose. » L’écolière accompagna même sa tante au commissariat de police de Banjul, la capitale de la Gambie. « Les policiers ont dit exactement la même chose?: qu’ils ne pouvaient rien faire et qu’elle devait rentrer chez elle. »
L’épouse battue a fini, des années plus tard, par obtenir le divorce et échapper à son mari. La petite fille, elle, est devenue cette année l’une des magistrates les plus craintes de la planète, première femme et première Africaine élue procureure de la Cour pénale internationale (CPI), qui siège depuis sa création, en 2002, à La?Haye. L’année qui vient, l’ancien président ivoirien Laurent Gbagbo comparaîtra devant les juges de la CPI. Fatou Bensouda sera chargée de requérir contre l’ancien potentat d’Abidjan.
Madame la Procureure reçoit dans son vaste bureau situé au neuvième étage de la CPI. Le bâtiment, perdu au fin fond de La?Haye, a des allures de camp retranché?: barbelés, murs d’enceinte, sas de détection d’objets métalliques, gardes, ascenseurs activés par des codes personnels… Au loin, on aperçoit les gratte-ciel de Rotterdam. D’ordinaire, Fatou Bensouda travaille en boubou, mais ce jour-là, elle a revêtu une tenue des plus strictes.
Sa vocation est née en constatant l’impuissance de sa tante, en entendant ces discours fatalistes et finalement complices. « Accorder une chance aux victimes, voici ce qui m’a guidée durant toute ma vie. » Son histoire va à l’encontre des clichés misérabilistes sur l’Afrique. Famille polygame (deux épouses) et heureuse, pas riche (son père était fonctionnaire) mais suffisamment aisée pour assumer la scolarité des enfants, même après la mort de son père, quand Fatou entre au lycée. « Ma mère s’est battue pour que nous puissions tous continuer d’étudier. » Excellente élève, Fatou Bensouda, le soir venu, traverse le terrain de sport situé devant sa maison et va étudier toute seule dans l’école coranique, elle y trouve un havre de paix propre à la concentration intellectuelle.
Elle choisit le pénal plutôt que les affaires
Brillante, elle part apprendre le droit au Nigeria, son pays étant alors dépourvu d’universités. Ses proches la rêvent avocate d’affaires, riche et, pourquoi pas, célèbre, elle choisit le pénal et se retrouve, à 25?ans, procureure, requérant la condamnation de petits voleurs et maigres délinquants. Elle monte en grade, est nommée procureure générale en 1987 puis ministre de la Justice du gouvernement gambien onze ans plus tard. Ses deux fils, qui vivent entre la Gambie et les États-Unis, sont architecte et trader. Sa nièce, qu’elle a adoptée, étudie, elle aussi, le droit.
Les femmes africaines magistrates de haut rang ne courant pas les rues, elle est sollicitée dès 2002 pour intégrer le Tribunal pénal international pour le Rwanda puis la CPI, deux ans après, procureure adjointe de celui à qui elle succéda cet été, Luis Moreno Ocampo. Très diplomatiquement, Fatou Bensouda estime que leurs « relations étaient très bonnes », même si des différends notoires ont existé entre eux. « Mais jamais nous ne les avons étalés à l’extérieur. » Dire que l’Argentin ne fit pas l’unanimité relève de l’euphémisme. Ancien président de Médecins sans frontières, aujourd’hui professeur associé à Sciences-Po, Rony Brauman explique que « Moreno Ocampo a été une caricature, d’un cynisme total sur le Darfour, la Palestine, la Libye… Avec lui, la CPI était vouée à l’autodestruction ».
«Accorder une chance aux victimes : voici ce qui m’a guidée durant toute ma vie»
Très critique à l’égard de la CPI, dont il dénonce « le coût stratosphérique des enquêtes », Brauman, comme d’autres, relève aussi le statut ambigu de la cour. Émanation du Conseil de sécurité de l’ONU, la CPI, qui traite des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité, n’a été reconnue que par 121 États. La Chine ne la reconnaît pas, les États-Unis et la Russie n’ont pas ratifié le traité de Rome prévoyant sa création. « On ne peut évidemment que souhaiter que Mme?Bensouda réussisse et que le programme de la CPI, certes quelque peu utopique, soit un succès, reprend Rony Brauman. Mais l’un des chefs d’État africains ayant le plus de sang sur les mains, le président du Rwanda, Paul Kagame, protégé des Américains et des Israéliens, ne semble pas du tout intéresser la CPI. À la CPI, le plus fort l’emporte. On touche là à la dimension profondément politique de la cour. »
« Non, la CPI n’est pas une cour de Blanc! »
Fatou Bensouda le sait mieux que quiconque, la CPI est attaquée de toutes parts. Un seul condamné en dix ans, le Congolais Thomas Lubanga, qui a écopé en juillet dernier d’une peine de quatorze ans de prison. « Cette condamnation a été essentielle, assure la magistrate. Parce que nous avons poursuivi Lubanga pour le recrutement d’enfants soldats. Cette sentence a déjà fait reculer d’autres gouvernements dans le monde, en Asie et en Afrique. » En 2013, Laurent Gbagbo comparaîtra à son tour. Mais pourquoi pas Alassane Ouattara, l’actuel président de Côte d’Ivoire, dont les fidèles ont aussi commis des exactions passibles de poursuites internationales? Et pourquoi encore un Africain? Est-ce à dire, comme l’affirment certains opposants, que la CPI est une « justice de Blancs contre l’Afrique »? Fatou Bensouda en perd son calme légendaire?: « Non, la CPI n’est pas une cour de Blancs! Elle incarne l’avenir de la justice criminelle internationale et permet d’éviter les crimes les plus graves partout dans le monde. »
Patron de la branche française de la très puissante ONG américaine Human Rights Watch, Jean-Marie Fardeau estime que la CPI constitue « la plus grande avancée des droits de l’homme depuis 1948 et la Déclaration universelle des droits de l’homme ». Mais il souhaite qu’avec Fatou Bensouda, la Cour améliore la qualité des enquêtes (quatre dossiers sur le Darfour, le Congo et le Kenya n’ont finalement pas abouti) et rééquilibre ses prises de position en s’en prenant aux gouvernements en place autant qu’aux rebelles.
La procureure donne rendez-vous dans neuf ans, au terme de son mandat. D’ici là, promet-elle, de nombreux bourreaux croupiront dans les geôles néerlandaises. Notamment ceux qui s’en prennent aux femmes et aux enfants. À ceux qui lui reprocheraient d’agir trop lentement, la magistrate répond déjà?: « Nous avons inventé il y a dix ans une nouvelle façon de gérer les conflits, par la loi et non par la violence. Dix ans, c’est très peu, non? » Quant à l’argent… « La CPI coûte cher, certes. Mais dites-moi?: combien coûtent les guerres? »
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