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« Individualisme » par Serge H. Moise

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Serge H. moise

L’individualisme outrancier, trait commun des compatriotes haïtiens fait l’objet de conversations à bâtons rompus, mais jamais de débats sérieux, susceptibles d’en faire prendre conscience au plus grand nombre et espérer, éventuellement un quelconque changement à ce comportement égoïste et mesquin, dans l’intérêt de tous et chacun des membres de cette communauté visible.

Il est vrai qu’il se répète dans les milieux chrétiens : « Chacun pour soi et Dieu pour tous ». Il est aussi dit : « Aimez-vous les uns les autres… ». Devons-nous en conclure que dans l’esprit des gens, il se serait glissé une certaine contradiction ou confusion quant à l’attitude à adopter envers les sœurs et frères en Christ?

Un corps social fort de deux cent mille âmes environ devrait facilement constituer une entité culturelle, économique et politique viable, avec laquelle il faudrait pouvoir compter. Cette entité regroupant : centres culturels, entreprises commerciales, églises, écoles et de véritables associations visant à renforcer la communauté dans toutes ses composantes.

Or, au sein de la communauté haïtienne hélas, les notions de fraternité et de solidarité font évidemment les frais de la conversation, mais dans les faits, force est de constater qu’il n’en est rien du tout et ce, depuis très longtemps.

En mil neuf cent soixante deux, le Canada comptait à peine cent cinquante ressortissants haïtiens dans le pays. Quelques professionnels, ingénieurs, médecins, infirmières en stage de formation et les autres des étudiants au niveau universitaire et quelques exilés politiques. C’était l’âge d’or de la belle petite famille et les retrouvailles toujours marquées au sceau de la plus grande chaleur humaine.

Les années ont passé et les macoutes aidant, l’exode vers les cieux plus cléments s’est amplifié à un rythme exponentiel et merci au Canada et en particulier le Québec, de nous avoir grandement ouvert les bras.

Exil politique, exil économique, expatriation en quête de mieux-être, autant de facteurs qui auraient dû constituer les ferments d’une communauté solidaire, digne, forte et prospère.

C’est ne pas compter avec la persistance des tares sociales charriées en terres étrangères. Les séquelles de la colonisation, même deux cents ans après l’indépendance, étaient encore profondes et vivaces. Les préjugés et les clivages qui en découlent, pour stupides qu’ils puissent paraître à l’analyse, n’en démordent toujours pas.

En très peu de temps, les non-dits, les sourires en coin, les regards faussement condescendants et un certain profilage se dessinait au sein même de cette petite communauté nègre, au risque de devenir la risée de la société d’accueil.

Un copain en rencontre un autre et ce dernier, avec un certain snobisme et en toute candeur lui annonce :

J’ai déménagé tu sais, j’habite un très beau quartier de l’ouest de Montréal et tu ne devineras jamais, je suis le seul à y habiter, lisez « le seul négro à y habiter ». Monsieur n’est donc plus un nigger comme les autres! Et les tendres épouses tenaient le même discours avec non moins de sotte fierté.

S’il a déniché un bon emploi, il est encore le seul à franchir les portes de cette compagnie, le sieur devient un nègre supérieur.

Ils étaient nombreux à se promener le nez en l’air crachant ainsi aux quatre vents et ne se rendant même pas compte qu’ils salissaient leurs propres visages, à l’instar du geai paré des plumes du paon.

N’empêche que dès les années soixante dix, les plus dynamiques ont réalisé qu’il fallait organiser la communauté un peu comme les autres ethnies qui avaient précédé et qui évoluaient en beauté.

Une dizaine d’années auparavant, il y avait l’inauguration du Perchoir d’Haïti de Carlo Dorléans Juste, chic restaurant dansant qui deviendra plus tard le Brasilia, qui sera obligé de fermer ses portes en mil neuf cent soixante douze et vous ne devinerez jamais pourquoi!

Il y a eu le Bureau de la Communauté Chrétienne des Haïtiens de Montréal, sous la houlette de Monsieur Paul Déjean qui a rendu de fiers services aux plus démunis, au prix d’un sacerdoce indispensable à l’époque.

Il y a eu l’Association des Citoyens d’Origine Haïtienne au Canada, l’ACOHC, de Me Michel Coulanges et amis qui n’a pas fait long feu et pour cause, puisque ces gens ont fait le grand saut et se retrouvent aujourd’hui au sein d’organismes associatifs « canado-haïtens ». Assimilation quand tu nous tiens!

Il y a eu la Caisse Populaire des Haïtiens de Montréal, fermée aussitôt inaugurée.

Il y a eu le Bureau d’Aide aux Immigrants de St-Michel, initiative de votre humble serviteur, qui a duré l’espace d’un cillement.

Il y a eu la Coopérative des Unités Dix-Douze de Monsieur Carl Prézeau, bousillée de l’intérieur, mesquinerie, rivalité et lutte d’influence.

Toutes ces louables initiatives et beaucoup d’autres ont lamentablement échoué à cause de ce qu’il serait convenu d’appeler nos « haïtiâneries »

De plus, qu’un compatriote expérimente des difficultés injustifiées, et quand il excelle à un niveau ou à un autre, un silence opaque et mesquin s’installe naturellement, personne n’en parle, qu’il s’arrange tout seul avec ses affaires. Un exemple parmi tant d’autres, Jean Olthène Tanisma, un jeune urbaniste à l’emploi de la mairie de Montréal est victime de racisme ni plus ni moins, il intente un procès qui a duré onze longues et interminables années et dans la communauté pas un mot pendant ces « onze années ». Comment qualifier ou interpréter ce silence?

Bonne nouvelle! La Cour a rendu justice à qui justice est due dans l’indifférence de ceux qui auraient pu avoir les mêmes difficultés et qui auraient aimé avoir le support moral de leur communauté. La Cour a donc tranché en faveur de notre jeune urbaniste qui a été chichement dédommagé d’ailleurs.

Un avocat du barreau de Port-au-Prince, ex membre du Conseil dudit Ordre (2002-2004), ex directeur-général de l’Industrie au ministère du commerce et de l’industrie (1992-1994), ex directeur des affaires juridiques au conseil électoral (2006), exploitant son propre cabinet à Pétion-Ville depuis des décennies, récipiendaire d’un certificat émérite de l’Amicale des Juristes pour sa compétence et son intégrité avérées, ancien membre de l’UIA, Union Internationale des Avocats, membre de (ASFC), Avocats Sans Frontières Canada et de surcroît, à l’âge de la retraite, est victime d’une dénonciation calomnieuse de pratique illégale du droit dans la belle province et, par nul autre qu’un « avocaillon d’origine haïtienne », que nous estimons trop méprisable pour mentionner son nom ici, hélas pas un mot de la part des médias, et pas un mot de la communauté, histoire d’inculquer aux autres membres de la communauté que la délation ne saurait être une vertu et quand le délateur est un membre de cette même communauté à l’instar de Judas Iscariote ou de Conzé c’est simplement veule et abject. Comment qualifier cette indifférence?

Une jeune maman, aux prises avec un conjoint plutôt violent, sollicite en quatre occasions l’intervention de la police. Cette dernière pour des raisons non encore élucidées n’a pas réagi comme elle aurait dû et le jour de son anniversaire de naissance, cette jeune maman est retrouvée assassinée par son conjoint psychopathe. Motus et bouche cousue!

Les différents médias de la communauté, les directeurs de consciences dont la fonction est d’informer et de former font preuve de pudibonderie et demeurent aussi silencieux que tout le monde.

Cette attitude de crabes dans le panier, très répandue a pour conséquence de pérenniser le triste état de notre communauté, qui n’en est pas tout à fait une en réalité.

Et en guise de tentative d’explication ne pourrions-nous pas dire comme Jacques Salomé : « Comment aimer sans s’aimer? »

En plus nous aurions mauvaise grâce à ne pas recommander, avec insistance, à tous et à chacun, la lecture de : «  La pédagogie des opprimés » de Paulo Freire.

Se peut-il que l’un des effets pervers de la colonisation, même après toutes ces années, soit que nos compatriotes plus ou moins éduqués, à force de vouloir ressembler à leurs anciens maîtres, en parlant comme eux, en s’habillant comme eux, essayant de vivre comme eux et même de rêver et de penser comme eux, en bout de ligne de se substituer à eux, se peut-il donc qu’il en soit résulté en toute logique, ce que les spécialistes appellent « le déni de soi »?

Puisqu’il ne s’aime pas lui-même, ne lui demandez pas d’aimer son semblable. Dans son inconscient se manifeste un phénomène de rejet. Dès qu’il fait face à quelqu’un qui lui ressemble, à défaut de pouvoir l’éliminer, il lui faut au moins l’ignorer ou le fuir! En est-il de même aux États-Unis et ailleurs?

Nous espérons nous être fourvoyé et nous en serions très heureux, mais si tel n’est pas le cas, nous avons énormément du pain sur la planche et disons comme l’autre : « Vingt fois sur l’ouvrage remettons-nous… ». Autrement cet individualisme qui nous pend à la gorge, nous réduira à néant petit à petit.

Serge H. Moïse av.

Barreau de P-au-P.

 

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