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Me. Serge H. Moise
Nous avons toujours la bouche grande ouverte pour une raison ou une autre. Si ce n’est par surprise ou admiration c’est par dépit ou remords.
Deux cent douze longues années à répéter les mêmes erreurs, lesquelles continuent aujourd’hui de nous enfoncer davantage dans les profondeurs abyssales dont nous semblons nous accommoder confortablement.
Comme l’a si bien dit le grand Abraham Lincoln : « On peut tromper une partie du peuple tout le temps et tout le peuple une partie du temps, mais on ne peut tromper tout le peuple tout le temps ».
De mil neuf cent quatre-vingt dix (1990) à nos jours, les promesses mirobolantes à travers des slogans ronflants ont si bien réussi à endormir tous et chacun d’entre nous, qu’il est difficile de ne pas être tenté de conclure que c’est ce que nous voulions.
Les inégalités sociales ont empiré mais elles demeurent les mêmes, l’analphabétisme n’a pas bougé d’un iota, quant au fléau qui s’appelle chômage dont le taux avoisine les soixante dix pour cent (70%) de la population, maintenant que la communauté internationale en parle du bout des lèvres, soudainement nous en faisons l’une de nos priorités.
Qui trompe qui? Lorsqu’on veut faire accroire que seul les investissements étrangers peuvent avoir la vertu de susciter ou de financer la création d’emplois au pays.
Les économistes haïtiens qui savaient prendre en compte les spécificités propres de la nation au lieu de réciter simplement les théories de « Zot » n’ont pas laissé beaucoup d’émules?
La situation catastrophique qui perdure depuis l’indépendance a été prévue par nos devanciers et de façon claire, nette et précise. On pourrait citer Anténor Firmin, Jacques Roumain, Jean Price- Mars, Alain Turnier et pourquoi pas Frantz Fanon. Nous n’avons donc aucune excuse. Nous avons par notre laxisme et nos bondieuseries, contribué largement à notre faillite. Qui plus est nous n’avons pas encore pleine conscience de toute sa portée eu égard aux générations à venir.
D’où vient-il que nous soyons incapables de nous asseoir tous ensemble, en toute bonne foi, autour d’une ou plusieurs tables, de nous regarder dans les yeux en tant que filles et fils d’une même nation, sans ingérence étrangère, pour faire le point sur nos véritables problèmes, leurs causes lointaines et immédiates afin d’en dégager des pistes de solutions qui tiennent compte des intérêts de toutes les couches sociales à travers nos propres créneaux culturels?
Le séisme du douze janvier deux mille dix (2010) était l’occasion rêvée pour une telle concertation. Contre toute attente, elle n’a pas eu lieu.
Il faut bien l’avouer, c’est un fait unique dans toute l’histoire de l’humanité. Partout à travers le monde, quand une société fait face à une catastrophe d’envergure, on assiste à un tel élan de fraternité et de solidarité qu’on en demeure médusé.
Dans notre « singulier petit pays » alors que la communauté internationale semble en faire son affaire, il se dégage une désagréable impression de déjà vu.
Et « business as usual » les promesses et slogans de très belle facture continuent de se répercuter à qui mieux mieux, berçant d’illusions, ceux qui ont juré d’espérer même sans espoir.
Un représentant du gouvernement canadien au cours d’une entrevue accordée à une station de radio de la métropole montréalaise a eu à conclure en ces termes :
« Nous allons tout faire pour sortir Haïti de l’ignorance »
Sans mettre en cause le moindrement la bonne volonté ou la bonne foi de l’interviewé, force est de reconnaître, que l’ignorance dont il a parlé, ne serait-ce qu’en filigrane, est collective.
Les quelques rares spécimens bardés de diplômes, doctorats et autres, qui évoluent en majorité dans la diaspora d’ailleurs, n’ont pu jusqu’ici être utiles à la mère patrie. Des discours à n’en plus finir, des analyses les plus savantes, des vœux pieux à profusion, somme toute de belles dissertations qui leur rappellent, sans doute, leurs beaux jours sur les bancs de leurs écoles, dans leurs patelins respectifs. Et à moins d’un changement d’attitude et de comportement quant à notre mode de penser et d’agir, à moins d’une mise en commun de nos maigres ressources à travers une grande « koumbite » nous sommes condamnés à demeurer longtemps et longtemps encore « bouche bée »!
Penser et palabrer c’est déjà agir, mais force est de reconnaître que cela ne suffira jamais. Une sotte prétention anime nos faiseurs de belles phrases, celle d’informer, de sensibiliser et d’éduquer. Sont-ils vraiment honnêtes, nos diseurs et diseuses de bonne aventure. Ignorent-ils ou font-ils semblant d’ignorer que la véritable éducation se fait avant tout par l’exemple?
Nos éminents sociologues, qui pour des raisons inavouables, refusent de pointer du doigt, nos tares individuelles et collectives ne rendent pas service à notre société déjà réduite à une peau de chagrin. La preuve en est faite par quatre, c’est donc une lapalissade de nos jours.
Puisque c’est l’homme qui façonne son environnement, tout effort de refondation et/ou reconstruction passe par la remise en question de l’homme haïtien lui-même incluant nos vaillantes sœurs, indispensables partenaires.
L’argent et la technologie demeurent de précieux outils et non les sources motrices. Seules la volonté et l’implication participative de tous et chacun d’entre nous feront la différence entre la réalité macabre d’aujourd’hui et ce à quoi nous prétendons rêver.
En l’an de grâce deux mille quinze, sortons des sentiers battus, créativité et innovation doivent être notre leitmotive, réinventons la solidarité haïtienne et on ne dira plus de nous, le pays le plus pauvre et le plus corrompu, puisque nous aurons fait renverser la vapeur.
Notre avenir est uniquement entre nos mains, mettons notre égo de coté, cessons de projeter sur la scène publique nos petites gueules d’intellos à la con, planchons sur nos problèmes de fond afin d’en trouver les solutions efficaces et efficientes pour que dans un délai prévisible nous puissions divorcer d’avec cette insignifiante posture de demeurer encore « bouche bée »!
Me Serge H. Moïse av.