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Haïti sous tension, le pouvoir exécutif absent

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AMELIE BARON
Agence France-Presse
Port-au-Prince

Une tension inhabituelle règne en Haïti où la présidence semble être aux abonnés absents, après de grandes manifestations émaillées de violences et aiguillées par une jeunesse qui dénonce la corruption du pouvoir et réclame la démission immédiate du chef de l’État Jovenel Moïse.

Trois personnes ont été tuées par balle dimanche au cours de ces mobilisations, selon la police nationale d’Haïti, alors que l’opposition évoque un bilan de 11 tués sur l’ensemble du pays.

Depuis, écoles, commerces et entreprises privées sont majoritairement restés fermés dans les principales villes suite à un appel à la grève générale lancé par l’opposition.

Dans l’après-midi mercredi, la circulation reprenait timidement dans la capitale Port-au-Prince, d’ordinaire encombrée d’embouteillages. Quelques marchands informels avaient repris leur place sans trouver leur clientèle habituelle, car peu d’habitants se risquaient encore à sortir dans la rue pour vaquer à leurs activités.

«C’est seulement quand les rues sont vides que les politiciens commencent à voir qu’il y a un problème», se désole Alix Bernardin, 27 ans, qui habite un quartier populaire de la capitale. «Trop de sang a coulé dans le pays, il faut que (le président) Jovenel parte.»

«On n’en peut plus de vivre comme ça, frustrés, parce qu’on sait bien comment les gens vivent à l’étranger. Nous, on n’a pas d’eau potable, d’hôpital, de logement», témoigne Jean Junior, 30 ans, estimant que le président ne fait que «des promesses qu’il ne tient pas».

Depuis 48 heures, la présence policière est notable sur les principaux axes et les grands carrefours de la capitale, même si les quartiers populaires du centre-ville restent le plus souvent paralysés par des barricades.

Silence présidentiel

Depuis la tenue des manifestations, le président Jovenel Moïse ne s’est pas exprimé sur la situation du pays.

Une allocution devait être diffusée à la télévision d’État mardi soir, mais seul un message d’excuse a défilé sur les écrans pour annoncer son report.

Ce discours de Jovenel Moïse se faisait encore attendre en fin d’après-midi mercredi, alors qu’Emmanuel Jean-François, conseiller du chef de l’État, avait précisé en début de journée que la présidence allait «prendre toutes les dispositions pour que cela soit diffusé ce matin».

Ce raté en communication a été largement critiqué sur les réseaux sociaux, certains citoyens refusant de croire à un problème technique, d’autres déplorant une incompétence de la présidence.

Lundi soir, cette dernière avait simplement transmis un court communiqué de presse, accompagné de la photo d’une rencontre entre Jovenel Moïse et le premier ministre Jean-Henry Céant, entourés des présidents des deux chambres du parlement et du président de la cour de cassation.

Le texte appelait à ce que le pouvoir exécutif «poursuive le dialogue avec tous les secteurs de la vie nationale, résolve les problèmes liés à l’insécurité, intensifie les programmes d’apaisement social».

Arguant que la situation échappe au contrôle de Jovenel Moïse, divers groupes d’opposition formulent des propositions de sortie de crise impliquant le départ du président, sans parvenir à former une coalition.

Depuis cet été, les manifestations se multiplient pour réclamer que des comptes soient rendus dans le dossier Petrocaribe, un programme initié par l’ancien président vénézuélien Hugo Chavez qui permet à plusieurs pays d’Amérique latine et des Caraïbes d’acquérir des produits pétroliers à un coût avantageux.

Face à une pauvreté grandissante, le mouvement citoyen Petrocaribe Challenge a été lancé en août sur les réseaux sociaux pour demander comment l’argent prêté par le Venezuela a été dépensé.

En 2016 et 2017, deux enquêtes du Sénat haïtien sur le mauvais usage de près de deux milliards de dollars de ce fonds avaient épinglé une douzaine d’anciens ministres, du parti actuellement au pouvoir, mais jamais ces rapports n’ont été suivis de poursuites judiciaires.

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