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Haïti – Les habits neufs de la colonisation

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 par Kern Grand-Pierre 

Pourquoi cette attention intense? Quel est le but ultime d’un contingent si important de donneurs d’aide<br />

Pourquoi cette attention intense? Quel est le but ultime d’un contingent si important de donneurs d’aide ?
 
Le séisme dévastateur du 12 janvier dernier occupe encore nos esprits et fait parfois verser des larmes aux plus endurcis. Comment ne pas se sentir concernés devant une pareille hécatombe même deux ans  plus tard, sachant que les séquelles de cette destruction massive sont plus présentes que jamais dans cette Haïti où, semble-t-il, la vie et la mort se côtoient quotidiennement dans un environnement lugubre et kafkaïen dont l’horreur dépasse l’imagination?
 
 
On aura beau discourir sur l’irresponsabilité des uns et des autres dans ce pays meurtri, la nation s’enlise jour après jour dans une situation de tutelle à peine voilée où ceux qui décident de notre avenir en tant que peuple libre et indépendant ne sont plus des nationaux, mais une camarilla de profiteurs de tous bords et de tous poils, avec en tête 15 000 ONG pour la plupart utiles et incontournables, mais parfois opportunistes et condescendantes.
 
Mise à nu
 
Sans l’aide humanitaire massive qu’auront apportée les organisations étrangères comme Médecins sans frontières au lendemain du séisme, les conséquences auraient été encore plus lourdes, c’est un fait. Mais quand 15 000 ONG opèrent dans un petit pays comme le nôtre, il y a lieu de se demander pourquoi cette attention intense et quel est le but ultime d’un contingent si important de donneurs d’aide dans un espace pas plus grand que l’État du Maryland.
 
Quand on ajoute à l’équation l’omniprésence de l’ONU, qui faisait déjà partie de notre paysage depuis le forcing de 2004 qui a obligé Jean-Bertrand Aristide à aller redécouvrir ses racines africaines, et l’influence illimitée d’un poids lourd comme Bill Clinton dans le dossier Haïti et tout ce qui s’en rapproche, il y a lieu de se demander si le 12 janvier n’a pas fait qu’accélérer un train qui était déjà en marche, en d’autres termes la recolonisation de la République d’Haïti.
 
Ce tremblement de terre meurtrier aura été la proverbiale goutte d’eau qui a fait déborder le vase en mettant à nu la quasi-inexistence des institutions étatiques qui, dans tout autre pays, se seraient mises en branle pour sauver beaucoup de ces milliers des nôtres qui ont attendu des jours durant une aide qui n’est jamais venue. Jusqu’à leur dernier soupir.
 
Un suicide collectif
 
Préoccupés par leurs motivations mesquines et sans grandeur, les politiciens véreux à qui le peuple haïtien a confié sa destinée n’ont jamais pensé à élaborer un plan d’urgence pour des cataclysmes d’aucune sorte, tel un simple cyclone, voire un séisme de cette magnitude. S’il est vrai que les peuples ont les gouvernements qu’ils méritent, c’était donc littéralement un suicide collectif quand le petit peuple des bidonvilles se jeta dans la piscine de l’hôtel Montana pour imposer René Préval.
 
D’autre part, on aura beau discourir sur l’apport indispensable de la diaspora qui soutient le pays avec des transferts annuels de 2 milliards de dollars et sur la nécessité de l’intégrer dans tout plan de reconstruction véritable, la diaspora elle-même, avec toute sa bonne volonté, n’est ni prête ni structurellement équipée pour être une force positive à l’intérieur du pays, à ce carrefour déterminant pour l’avenir de la nation. Ou ce qui en reste.
 
Combien sont prêts à laisser le confort des capitales occidentales pour réintégrer un milieu hostile comme Haïti, où la diaspora est vue comme une machine à transferts ou un ATM mais non comme des citoyens à part entière?
 
Il est clair qu’il n’y a pas un plan de reconstruction d’Haïti par les Haïtiens puisque nous n’avons évidemment pas les moyens de reconstruire tout seuls, d’une part, et puisque, d’autre part, nous n’avons pas un leadership à la hauteur d’un moment historique de cette ampleur.
 
Il faudrait être résolument inepte et naïf pour croire que les anciennes puissances coloniales acoquinées aux minipuissances régionales, comme le Brésil de Dilma Roussef  et le Venezuela de Chávez, vont mettre de côté leurs dispositions paternalistes à l’égard du pays dysfonctionnel que nous sommes pour faire à notre place ce que nous devrions être capables de faire pour nous-mêmes après deux siècles comme hommes libres.
 
La reconstruction des immeubles, si reconstruction il y aura, n’est qu’un pas dans la reconstruction de la nation. Le modèle institutionnel d’avant le 12 janvier ayant lamentablement échoué, il nous faut une nouvelle donne, une nouvelle définition de l’homme haïtien, une nouvelle orientation pour notre pays, ou nous foncerons tête baissée dans une ère de colonisation de convenance, cette fois-ci amicale mais pérenne.
***
Kern Grand-Pierre – Directeur général du journal bimensuel Haiti Infos publié à New York et du site internet haitiinfos.net
 
Article publie dans le quotidien « Le Devoir » de Montreal et sur Grioo.com
 

http://www.ledevoir.com/international/actualites-internationales/294335/haiti-les-habits-neufs-de-la-colonisation

http://www.grioo.com/ar,haiti_les_habits_neufs_de_la_colonisation,19617.html

 

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