Certains touchent du bois, s’enfoncent parfois dans le déni dès qu’on évoque la menace sismique. D’autres, comme l’ingénieur Claude Prépetit, scrutent, analysent et affinent leurs prévisions. Celles-ci sont loin d’être bonnes pour la Caraïbe et pour Haïti en particulier. La plaque caribéenne, selon l’ingénieur-géologue, « est entrée dans une phase d’activité sismique augurant la libération d’énergie dans les failles cartographiées ou aveugles ».
Construction anarchique au Cap-Haitien
(Les images qui suivent sont toutes du Cap)
Sur la plaque caribéenne, coincée entre celles de l’Amérique du Nord, de l’Amérique du Sud et des Cocos, quelques failles s’illustrent. A Anguilla, du 10 au 14 juillet 2012, 8 séismes de magnitude 2,9 à 3,4 sur l’échelle de Richter ont été recensés par les sismographes de l’USGS. En République dominicaine, le 7 juillet, un séisme de 5,1 a été enregistré à Barahona. Un autre de 2,9 s’est produit à Higuey le 10 juillet. Le lendemain, à Atomayor del Rey, il y a eu un séisme de 4,4. Deux jours plus tard, à Boca de Yoma, un autre tremblement de terre de 3,1 a été signalé, rapporte l’ingénieur Claude Prépetit.
Comme pour le Pacifique, on installe des marégraphes dans la caraïbes dans l’éventualité de tsunami provoqué par des séismes importants, confie l’ingénieur Claude Prépetit, préoccupé par la menace planant sur le Cap-Haïtien. 170 ans après le tremblement de terre suivi de tsunami du 7 mai 1842 ayant causé la mort de 5 000 personnes (la moitié de la population de cette ville), les prévisions sont inquiétantes. L’étude géospatiale, dont les conclusions sont disponibles depuis 2007, avait identifié sur la faille septentrionale des déformations et un déficit de glissement de 1 m 80 susceptible de provoquer un séisme de magnitude 7,7 sur l’échelle de Richter au Cap-Haïtien. Pire. «Si ce séisme se produit dans la rade du Cap-Haïtien, le temps d’alerte sera très court. Quelques secondes », indique Prépetit.
Historiquement, les vagues de 5 mètres de haut du séisme de 1842 ont atteint la cathédrale du Cap-Haïtien, le cœur de la ville, explique le géologue pour qui « on ne doit pas se faire d’illusion » sur l’importance des pertes en vies humaines si ce scénario se produit. « La faiblesse du bâti existant augmentera les pertes en vies humaines », soutient l’ingénieur-géologue, insistant sur la nécessité « d’intégrer la population dans l’évaluation de la vulnérabilité pour qu’elle sache comment protéger les vies et les biens ».
L’éducation de la population créera les bons réflexes, poursuit Claude Prépetit. Les gens doivent savoir quoi faire pour se mettre en sécurité s’il y a une alerte au tsunami à 1000 kilomètres dans la mer des Caraïbes par exemple, ajoute l’ingénieur qui surveille aussi la faille Enriquillo comme du lait sur le feu.
La presqu’île du Sud pas mieux lotie
Indexée à tort d’être responsable du tremblement de terre du 12 janvier 2010, la faille Enriquillo, selon la même étude géospatiale de 2007, peut provoquer à tout moment un séisme de 7, 2, indique Claude Prépetit, généreux dans les détails sur les études dont les résultats ont permist d’identifier la « faille aveugle », non cartographiée à l’époque, responsable de goudougoudou . « Cette faille a été baptisée faille de Léogâne », rappelle le géologue qui multiplie les interventions pour sensibiliser les Haitiens aux aléas sismiques.
D’autres préoccupations
« Je suis très préoccupé par la menace d’un tremblement de terre. D’autant que j’ai l’impression que l’Etat ne prend pas les mesures de prévention qu’il faut », déplore le sénateur de l’Ouest, Steven Y. Benoît. Comme Benoît, le sénateur du Nord, Wesner Polycarpe, n’est pas mis au parfum. « Je ne suis au courant de rien et je n’ai rien entendu aussi en termes de prévention et de prise en charge des victimes en cas de séisme », avance Polycarpe, très critique envers les autorités de l’exécutif qu’il accuse de « laxisme » et de « négligence ». « La société civile capoise est très préoccupée par cette menace », enchaîne le sénateur, qui croit que la Protection civile devrait poursuivre la formation de 200 jeunes volontaires prêts à aider en cas de catastrophe.
La Protection civile agit
Si le ministre de l’Intérieur et des Collectivités territoriales, Thierry Mayard-Paul, n’a pas répondu à deux sollicitations d’interview notées par sa secrétaire il y a plus d’une semaine, une source à la Protection civile souligne que les autorités agissent. Il y a des procédures d’opération standard intégrant le Semanah, le Centre national de météorologie (CNM) et le Bureau des mines et de l’énergie (BME) pour chaque menace spécifique. En cas de tremblement de terre et de tsunami, le BME lancera l’alerte au tsunami, indique cette source. « Une marégraphe a été installée dans la baie du Cap-Haïtien », révèle-t-elle. En cas de tsunami régional, la structure de protection civile communale et les volontaires s’activeront pour venir en aide à la population. Il y a plus d’un an, le Système de gestion des risques et des désastres avait organisé au Cap-Haïtien la campagne « Kouri ka sove lavi w ». En octobre prochain, le système envisage d’organiser un exercice de simulation avec les autorités locales afin de tester la diffusion d’informations, les mécanismes d’évacuation vers des zones de rassemblement sûres préalablement identifiées sur des cartes de microzonage, confie cette source, incapable de dire cependant combien de sapeurs-pompiers, de médecins, d’infirmières…sont mobilisables dans le Nord en cas de séisme et de tsunami.
Selon une source hospitalière, c’est la précarité dans le Nord.« Il y a une limitation en termes de réponse. On aura besoin d’un appui important d’autres partenaires comme la PNH, la Minustah, la Protection civile, la Croix-Rouge, le Système des Nations unies pour prendre en charge des cas d’urgence médico-chirurgicale, si le Nord est frappé par un tremblement de terre », selon un ex-haut cadre du MSSP. Le Nord dispose seulement de 2 orthopédistes et de 4 chirurgiens. S’il y a une catastrophe, on devra faire appel à d’autres spécialistes pour venir en renfort, avait-il souligné, priant pour que les installations sanitaires, dont l’hôpital Justinien et l’hôpital de Milot, ne soient pas affectées et rendues inutilisables en cas de séisme majeur.
Dans l’Ouest, le docteur Philippe Desmangles, responsable des urgences nationales et directeur du Centre ambulancier national, indique qu’il faut d’abord survivre. « Il faut être vivant. Après, on se débrouillera avec les moyens du bord », souligne-t-il, rappelant qu’Haïti est un pays sous-développé disposant de peu de moyens pour faire des prépositionnements de médicaments par exemple. Cependant, Philippe Desmangles assure que la centaine de membres du Centre ambulancier, qui dispose de 30 ambulances et de 5 fourgonnettes, seront mis à la disposition de la population.
En termes de ressources humaines formées, Desmangles affirme qu’il ne dispose actuellement d’aucun urgentiste. 12 urgentistes devront être formés bientôt à l’étranger grâce au support de la France, mais l’idéal serait d’avoir une résidence hospitalière pour les urgentistes. On aurait de ce fait plus d’urgentistes à long terme pour pendre le relais, précise le docteur Philippe Desmangles.
On s’en remet à Dieu
Alors que la précarité en termes de prise en charge postséisme est patente, on se tourne vers Dieu. « Je remets mon sort et celui de ma famille à Dieu », soupire Chantale Donestaire, une Capoise proche de la trentaine, qui était à Port-au-Prince le mardi 12 janvier 2010.
Comme Chantale, d’autres s’en remettent à la Providence. « Je ne voudrais jamais revivre cela », confie Jean André, 19 ans, survivant de ce mardi noir ayant emporté dans l’au-delà plus de 300 000 personnes, selon le bilan officiel des autorités haïtiennes, obligées de lancer des appels à l’aide aux pays voisins. « Il n’y a pas de raison de paniquer. Le tremblement de terre n’est pas une fatalité, il faut se préparer », conseille Claude Prépetit.
(Un grand merci a notre confrere Cyrus Sibert de Radio Kontak Inter,94.9 FM pour les images des constructions anarchiques au Cap-Haitien) – Haiti Infos.
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