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JO 2012 : Olympolitik

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Existe-t-il un lien entre la puissance économique et palmarès olympique? Assisterions-nous à une forme de multipolarité du sport au moment où nous voyons se mettre en place une multipolarité politique ?
En 1992, juste après la fin de la guerre froide, les États-Unis et l’ancienne Union soviétique raflaient à eux seuls le quart des médailles. Il ya avait alors une bipolarité assez grande avec d’un côté les pays socialistes et de l’autre les pays occidentaux développés. À Pékin en 2008, le monde avait déjà sensiblement changé. Au duopole sovieto- américain succéda un duopole sino-américain. Ces deux pays obtenant à eux seuls 20 % des médailles. Londres a confirmé cette tendance. Le duopole sino-américain est très présent mais comme sur le plan géopolitique il n’écrase pas tout. L’Europe demeure très forte tandis que l’Asie et les Caraïbes progressent très sensiblement.

Il existe en réalité quatre facteurs générateurs de puissance olympique : la morphologie des Etats, leurs traditions et politique sportives et leur niveau de développement. Aucun de ces facteurs pris séparément ne peut expliquer le palmarès des nations. Mais pris collectivement, il prend une force explicative relativement grande. .Commençons par la taille des nations. Elle est une source de puissance car elle permet de tirer avantage de l’immense potentiel humain dont un pays dispose pour le valoriser dans tous les segments de la compétition. Les pays à grand potentiel démographique sont donc par essence des pays à grand potentiel olympique. Mais comme toujours il y a à cette règle des exceptions. La plus spectaculaire étant celle de l’Inde, un des pays les moins sportifs du monde au regard de sa démographie : quatre médailles pour 1 milliard d’habitants soit autant que la Croatie dont la population ne dépasse pas les 4, 3 millions d’habitants ! Cette exception est tellement flagrante qu’elle porte à penser que la culture indienne entretient à l’évidence un rapport complexe avec le sport. Elle montre aussi que multipolarité politique et multipolarité sportive sont loin de se superposer mécaniquement. Le contre-exemple indien est probablement le plus spectaculaire. Mais il n’est pas le seul. Des pays comme le Brésil, l’Argentine, la Turquie ou le Mexique demeurent à l’évidence des nains sportifs comparés à un pays comme la Corée qui a désormais pris l’ascendant sur le japon si l’on prend le classement par médailles d’or. On peut d’ailleurs globalement dire que l’Amérique du Sud et le Moyen-Orient demeurent des acteurs secondaires des jeux olympiques. Les Caraïbes pèsent bien davantage que le brésil par exemple. .Les traditions nationales sont le deuxième facteur important de réussite aux jeux olympiques. Mais le terme de tradition renvoie bien évidemment à des réalités multiples. Il y a tout d’abord des réalités physiques et naturelles. Pour un Éthiopien, courir est une activité qui commence dès l’enfance lorsqu’il s’agit de rallier l’école distante sur les hauts plateaux de 10 à 20 km du domicile de l’écolier. Et dans les Caraïbes il n’y a pas forcément beaucoup d’autres activités que l’athlétisme. De surcroît il faut relativement peu de moyens matériels pour fabriquer des champions de course à pied. C’est l’une des raisons pour lesquelles l’Afrique de l’Est, les Caraïbes et dans une moindre mesure le Maghreb s’affirment dans ce domaine. Mais les traditions se construisent aussi. Rien ne prédisposait culturellement ou physiquement les Français à dominer des disciplines comme le judo le canoë-kayak ou la natation. Or depuis plus de 50 ans ils se distinguent dans ces disciplines. Cela qui montre qu’une politique sportive peut conduire à de bons résultats. .D’où précisément l’importance du troisième facteur qui est celui de la politique sportive. Par politique sportive il faut entendre les choix que fait un pays pour favoriser le développement d’une ou plusieurs disciplines soit en accordant la plus grande autonomie aux différentes fédérations (Etats-Unis ou Grande Bretagne par exemple), soit en mobilisant des ressources publiques importantes au service du sport au nom d’impératifs politiques, (Russie ou d’autres dictatures), soit en tenant les institutions sportives en dehors du champ partisan pour assurer la continuité des choix (Italie, France). A contrario, l’absence de réelle politique sportive ou de rupture dans celle-ci, peut se révéler être un handicap décisif. Comment expliquer en effet la piètre performance sportive d’un pays aussi bien doté que la Suisse ou d’un immense pays comme le Nigéria ? Comment expliquer a contrario, sinon par l’existence d’une politique sportive cohérente, les performances exceptionnelles de la Corée ? .Reste enfin le dernier paramètre : le niveau de développement. Comme on l’a vu, ce facteur est loin d’être décisif notamment dans le cas de l’athlétisme. D’autant que les athlètes voyagent et peuvent individuellement s’entraîner sur les meilleures pistes. Mais croire qu’il ne joue aucun rôle serait erroné. Car si pour certains sports comme la course à pied notamment, les moyens matériels sont relativement peu coûteux, pour d’autres disciplines comme la natation, la gymnastique, sans parler des jeux collectifs comme le basket-ball, le handball, le tir ou le hippisme, les moyens sont essentiels . Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si les Caraïbes et l’Afrique ne sont pas présentes dans ces sports à de hauts niveaux de compétition. Sur les 10 premiers pays les plus médaillés des jeux de Londres tous en dehors de la Chine et de la Russie, sont des pays membres de l’OCDE. Si on étend le palmarès aux quinze premiers médaillés l’Afrique n’a reçu à Londres que 3 % des médailles. Mais si ce continent parvient à soutenir sa croissance récente, ce nombre augmentera certainement.

Zaki Laïdi est professeur en relations internationales à l’Institut d’études politiques de Paris (Sciences Po). Copyright: Project Syndicate, 2012. www.project-syndicate.org

 

Zaki Laïdi

 

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