« Les actes de José Efraín Ríos Montt relèvent du génocide (…) et la peine qui y correspond doit être appliquée », a déclaré la juge Jazmín Barrios lors de la lecture du verdict.
Vêtu d’un costume sombre, l’ex-dictateur a écouté impassible l’annonce du verdict. La juge a également demandé la révocation de son placement en résidence surveillée depuis début 2012 et son incarcération.
Devant la presse, José Efraín Rios Montt, premier président sud-américain à être condamné pour génocide, a qualifié sa condamnation de « show politique international ». Il a annoncé qu’il allait faire appel de ce verdict accueilli par des cris de joie et des applaudissements des proches des victimes des massacres dans la salle la Cour suprême de justice.
C’est durant sa présidence de 1982 à 1983, courte mais particulièrement dure qu’ont été perpétrés les pires crimes contre les indigènes durant la guerre civile de 36 ans.
Le tribunal s’était retiré vendredi matin pour délibérer sur la culpabilité de l’ex-dictateur après l’ultime déposition du co-accusé de M. Montt, l’ancien chef du renseignement José Mauricio Rodriguez.
« Au cours des débats, il n’a été présenté aucun document indiquant : Mauricio Rodriguez a demandé de tuer untel (…), a demandé de brûler une maison ou a commis telle aberration », a plaidé l’ancien général Rodriguez dans sa dernière déclaration.
La veille, c’est le principal accusé qui avait clamé son innocence. « Je n’ai eu jamais eu l’intention, l’objectif, de détruire une ethnie (…) Je ne suis pas génocidaire », avait fermement déclaré M. Rios Montt, assurant avoir été très occupé par ses activités de chef d’État et ne pas avoir le contrôle sur les militaires.
Les deux anciens généraux sont jugés depuis le 19 mars pour le massacre par l’armée de 1771 Indiens de l’ethnie maya des ixiles dans le département de Quiché (nord), sous le régime de M. Rios Montt.
Sous l’autorité de cet ancien dictateur, arrivé au pouvoir par un coup d’État en 1982 et délogé de la même façon l’année suivante, l’armée a appliqué la politique de « la terre brûlée » à l’encontre de communautés indiennes soupçonnées de soutenir les guérillas de gauche, en pleine guerre froide.
La guerre civile au Guatemala (1960-1996) a fait 200 000 morts et disparus, selon les Nations unies.
Au cours du procès, plus d’une centaine de survivants sont venus raconter les atrocités commises par les militaires.
Les visages masqués par des tissus colorés, des femmes indigènes ont notamment rapporté des viols collectifs.
Un autre témoin, Julio Velasco, enfant à l’époque, a assuré avoir vu des soldats « utiliser la tête d’une vieille femme comme ballon » dans un campement militaire où il avait été emmené de force.
Le magistrat chargé de l’accusation, Orlando Lopez, a requis 75 ans de réclusion à l’encontre de MM. Rios Montt et Rodriguez, bien que la peine maximale au Guatemala soit de 50 ans.
Les avocats de la défense estiment pour leur part que le procès est illégal et exigent son annulation pour vice de procédure, avec un retour à la phase d’enquête initiale.
Me Francisco Palomo, un des conseils de M. Rios Montt, assure avoir « les armes légales » pour faire appel en cas de déclaration de culpabilité.
Les organisations de défense des droits de l’homme restent quant à elles dans l’expectative. « Oui, il y a eu génocide », clame en lettres rouges sur fond noir une banderole tendue sur une place face au tribunal, à Guatemala.
« Cette décision sera historique si le général Rios Montt est condamné car aucun chef d’État en Amérique ni dans le monde n’a été condamné pour génocide par un tribunal national », a affirmé Pascal Paradis, responsable d’Avocats sans frontière Canada (CBSA), qui a assisté au procès.
Ce procès a divisé les quelque 14 millions de Guatémaltèques. Certains affirment qu’il y a eu des violations des droits de l’homme mais pas de génocide, parmi eux le président actuel, l’ancien général Otto Pérez (droite).
D’autres soutiennent que des rapports de l’ONU et de l’Église confirment qu’un génocide a été perpétré.