Investi par un second mandat il y a moins de quatre mois, Barack Obama doit faire face depuis quelques jours à plusieurs affaires qui éclaboussent son administration. Si bien que certains médias américains et des républicains n’écartent pas l’hypothèse d’un « impeachment » lancé contre le président américain pour le destituer.
Que reproche-t-on à Obama?
Trois dossiers sensibles embarrassent la Maison-Blanche. Il y a d’abord l’attentat de Benghazi du 11 septembre 2012, qui a coûté la vie de quatre Américains dont l’ambassadeur des Etats-Unis en Libye. Confronté à cet événement en pleine campagne présidentielle, Barack Obama a dû une nouvelle fois défendre lundi sa précédente administration, versant même une larme en conférence de presse.
Des médias américains ont diffusé vendredi des « éléments de langage » (talking points) utilisés par l’exécutif après cette attaque. Le département d’Etat alors dirigé par Hillary Clinton et la Maison-Blanche seraient intervenus, dans les jours suivant l’attentat islamiste, pour supprimer une référence à Al-Qaïda dans un document qui devait servir à rendre compte publiquement des débuts de l’enquête. Les républicains, qui soupçonnent la Maison-Blanche d’avoir cherché à éluder le caractère terroriste de cette attaque, accuse également le pouvoir d’être responsable des failles de sécurité à Benghazi. La semaine dernière, trois fonctionnaires du département d’Etat avaient d’ailleurs dénoncé des carences.
Par ailleurs, le Parti républicain accuse l’administration Obama d’être derrière le contrôle fiscal d’environ 75 groupes proches de son courant ultraconservateur du Tea party. Les services fiscaux américains ont eux-mêmes reconnu cette démarche et présenté leurs excuses, en excluant toute influence partisane. Enfin, l’agence de presse Associated Press a dénoncé lundi une « intrusion massive et sans précédent » du département de la Justice, qui se serait secrètement saisi de deux mois de relevés téléphoniques de l’agence et de certains de ses journalistes. L’administration s’est justifiée mardi en assurant que les saisies étaient liées à une enquête sur « un problème très grave » qui « mettait les Américains en danger ».
Vers un impeachment?
En retour, Barack Obama accuse les républicains d’instrumentaliser ces affaires, parlant notamment de « diversion » sur le dossier Benghazi. Certains opposants ou éditorialistes évoquent quant à eux ouvertement le fantôme du scandale du Watergate qui avait coûté sa présidence à Richard Nixon en 1974. D’autres vont plus loin en prononçant le mot d' »impeachment », c’est-à-dire une procédure de destitution contre le président américain. « Je m’interroge simplement : est-ce dans le domaine des possibilités? Et je dirais plutôt oui, je veux garder cette option sur la table », a déclaré mardi le républicain Jason Chaffetz, élu de l’Utah à la Chambre des représentants. D’autres, comme l’ex-candidat à la présidentielle John McCain, sont moins favorables à cette solution jugée trop radicale.
Sur son site, le mensuel américain The American prospects’interroge : « L’impeachment n’est-il qu’une question de temps? » Et d’y répondre : « De plus en plus, la question n’est pas « est-ce que les Républicains tenteront-ils de destituer Obama? », mais : « quand est-ce que cela interviendra? » Dans le Daily Beast, l’éditorialiste Michael Tomasky assure que la plupart des républicains élus à la Chambre des représentants vivent dans des circonscriptions où Barack Obama n’est pas considéré comme « un occupant légitime du Bureau ovale ».
Quel risque pour Obama?
Lancer une procédure d’impeachment pourrait être vain étant donné la configuration actuelle du Congrès. Et pour cause : la procédure de destitution, qui pour être validée nécessite une majorité de voix à la Chambre, ouvre le « procès » au Sénat, à majorité démocrate. Cette situation pourrait toutefois évoluer dès les élections de mi-mandat en 2015, si le Sénat bascule. L’impeachment prononcé, le processus se rapproche alors d’une procédure judiciaire : si le président est jugé coupable par les deux-tiers des sénateurs, il est destitué. Mais une responsabilité pénale, et non politique, doit être mise en cause dans le cadre de sa fonction. Il faudrait donc que les charges reprochées à Barack Obama soient extrêmement lourdes.
Pour l’heure, jamais un président des Etats-Unis n’a été destitué. Une procédure a été ouverte à l’encontre d’Andrew Johnson en 1868 et Bill Clinton en 1998 (après le scandale Lewinsky) sans qu’elle aille jusqu’au bout. Richard Nixon en 1974 fut lui aussi visé par cette procédure, qui fut abandonnée lors de sa démission.