Il faut penser en homme d’action et agir en homme de pensée.
Maurice Maeterlinck
par Serge Moise
Dans tout ce qu’on entreprend, dans la vie privée ou publique, le triptyque : « Pourquoi-Quand-Comment » s’impose. C’est en tout temps l’a-b-c de la dialectique, toute émotion mise de côté.
A bien observer la problématique haïtienne, il devient très facile de réaliser tout ce qu’il ne faut pas faire. Pourtant, qu’à cela ne tienne, le déclin de nos institutions, l’augmentation de la délinquance comme phénomène social, la misère sous toutes ses formes qui se développe de manière exponentielle semble n’émouvoir personne, au point que certains de nos éminents visiteurs affirment constater des progrès sensibles et constants. Souffrent-ils de myopie ou d’autres troubles de la vue et/ou de leur psyché?
Hallucinants, les exposés abracadabrants de nos « analystologues », qui évoluent en pleine masturbation intellectuelle, histoire de se faire remarquer par les naïfs, plus nombreux dans toute société et qui cultivent la formule malhonnête de certains extrémistes de gauche ou de droite : « Mentez, mentez, mentez encore, il en restera toujours quelque chose ».
Ces tonneaux vides qui font évidemment beaucoup de bruit, complexés à outrance, sont prêts à tout afin de satisfaire leurs bas instincts, leurs intérêts personnels et mesquins. Écouter les discourir et observez leurs comportements.
Le simple est beau, dit le vieil adage, mais la beauté, nous n’en avons que faire puisque notre nouvelle devise s’intitule : « Pitô nou lèd nou là ».
Depuis la mort de l’empereur, nous conjuguons avec une rare vigueur les verbes : « patauger, reculer, enlaidir, corrompre et appauvrir ». Et la vie continue comme si de rien n’était!
Tout changement dérange, et en particulier ceux-là qui, en toute indécence, profitent et jouissent de la situation, quelque délétère puisse-t-elle se révéler. Oui le malheur des uns fait le bonheur des autres, c’est hélas, une vérité humaine. Mais s’il est vrai que l’homme est un animal perfectible, il y a lieu d’essayer tout au moins, d’améliorer les choses, au lieu d’en faire simplement le constat et continuer de s’enfoncer davantage dans les méandres de l’inaptocratie et de la bêtise.
Répéter que la situation d’Haïti est lamentable, chaotique et infernale n’apporte rien de plus au débat. C’est aujourd’hui, une bien simple et triste lapalissade.
Les causes lointaines et immédiates sont bel et bien connues, les solutions y relatives, elles aussi, ce qui fait défaut, n’est autre que le vouloir collectif, le leadership et le savoir-faire. En gros c’est d’abord et avant tout, nous-mêmes, notre mode de penser et d’agir. Nous sommes condamnés à faire le distinguo entre « imiter » et « singer »
Pour le premier, il s’agit de s’inspirer de ce qui se fait bien ailleurs et de voir dans quelle mesure cela pourrait s’appliquer chez soi en l’adaptant à sa propre réalité. Quant au deuxième, c’est ce que faisons depuis toujours avec les résultats que nous vivons. La constitution de mil neuf cent quatre vingt-sept, frauduleusement amendée, en est un parfait exemple parmi tant d’autres.
Ceci étant dit, sommes-nous plus avancés, certes non, un rêveur de plus, tentant de déverser son ras-le-bol, son trop plein avant de sombrer dans la neurasthénie.
Nous avons eu le grand plaisir d’entendre sur les ondes d’une station de radio, la nouvelle présidente de l’association nationale des médias haïtiens, madame Liliane Pierre-Paul, flanquée de son chauffeur et garde du corps, notre cher Tony, nous faire part de certains constats en ce qui a trait aux comportements des agents de la paix au sujet du port de la ceinture de sécurité en voiture.
La journaliste Liliane Pierre-Paul
Elle a utilisé, avec emphase, le maître-mot : « dressage ». En effet l’une des séquelles de la colonisation et que par euphémisme, nous appelons « éducation » dans la langue du colon et « eudukâsion » dans notre vernaculaire, devrait faire l’objet d’études approfondies et sérieuses afin d’enlever, chez les générations montantes tout au moins, ces chaines virtuelles, au niveau du cerveau qui ont remplacé les vraies, celles de l’esclavage, jadis portées aux chevilles.
Que dire de nos flamboyants intellos qui jacassent avec une fierté qui frise l’arrogance, du grand Auguste et de Cinna, du théâtre de Molière, de l’enfer de Sartre, « l’enfer, c’est les autres », de la roche Tarpéienne « saxum Tarpeium » et du Capitole. Ah! « Nous! » dignes petit-fils de nos ancêtres les Gaulois, faisons-nous envie ou pitié? Sommes-nous également des prototypes, à notre manière, de ces agents « dressés » dont parlait la présidente de l’association des médias haïtiens?
Madame Nadine Magloire, du haut de sa galaxie, proclame que le créole est une langue bâtarde, incapable d’exprimer le monde moderne, donc un ramassis de vocables insignifiants dignes des petites gens de l’arrière pays et/ou de la domesticité. A croire que le français, langue maternelle de cette grande dame, serait un beau jour tombé du ciel, ignorant tout du latin et du grec. Nous ne doutons nullement de la bonne foi de la dame. Nous constatons toutefois à travers elle et avec regret, les effets pervers de la colonisation et de l’acculturation en l’an de grâce deux mille treize.
L’éducation joue un rôle majeur dans l’épanouissement de l’être humain et ce, depuis la nuit des temps. Il ne s’agit donc pas d’une récente découverte, loin de là. Elle est même devenue assez sophistiquée pour que certaines puissances l’utilisent à des fins de domination pure et simple et par respect pour la vérité, nous devons reconnaître que nous faisons partie des millions de cobayes à avoir fait l’objet de ces expérimentations, ce qui a amené certains observateurs courageux à parler publiquement du « laboratoire haïtien ».
Nous devons cesser d’être la caisse de résonnance de l’occident chrétien dans toute sa forme et teneur. Nous avons l’impérieuse obligation de retrouver notre véritable identité et de la chérir notre haïtianité dans toute sa splendeur.
Tout individu ou société qui développe une pathologie certaine et qui refuse de reconnaître ou d’accepter la réalité des faits, est condamné à passer de vie à trépas, même en ayant à son chevet les spécialistes les plus brillants dans leurs sphères respectives.
N’est-il pas temps pour nous, individuellement et collectivement de nous ressaisir, en nous offrant comme thérapie de groupe, cette conférence nationale, à travers laquelle, la bonne foi étant omniprésente, nous ferons, en dehors de tout manichéisme de mauvais aloi, le bilan de nos errements et du prix énorme que nous n’avons pas fini de payer?
Nous avons entendu avec un réel bonheur, les appels à la solidarité en faveur de notre sélection nationale de football. Des voix autorisées invitent tous et chacun à s’impliquer à partir de leurs contributions si modestes soient-elles.
Cers mêmes voix se font terriblement silencieuses face au (FHS) Fonds Haïtien de Solidarité, qui suggère la même démarche afin de combattre le chômage endémique et financer la création d’emplois, priorité des priorités au pays. Allez comprendre!
Nous réclamons à cor et à cri la désoccupation du territoire, occupation que nous avions nous-mêmes sollicitée, soit dit en passant.
Nous rêvons d’un État de droit, démocratique, souverain et prospère pour tous. « Liberté-Égalité-Fraternité ».
Nous oublions pourtant l’essentiel qui est « l’Union Fait la Force », sans bluff ou faire-semblant ni faux-fuyant.
Le miracle haïtien est possible, écrivait Me Grégoire Eugène, avocat au barreau de Port-au-Prince, éminent professeur à la (FDSE) et l’une des chevilles ouvrières de la chute de la dictature trentenaire.
Oui, le miracle est possible à partir du dialogue national, franc, ouvert et constructif dont l’heureux aboutissement sera la réconciliation de la famille haïtiennes, toutes classes confondues, au nom des idéaux sacrés des pères fondateurs de la patrie commune.
Et si rêver que tout cela soit possible s’avère un signe évident d’un certain dérangement mental, alors nous le confessons bien humblement, nous avons besoin d’aide, nous en avons vraiment besoin!
Mais puisqu’il s’agit d’une si douce folie, de grâce, laissez-la nous car, espérer même sans espoir pourrait permettre de vivre jusqu’à la réalisation des rêves les plus fous.
Serge H. Moïse av.
Barreau de P-au-P.
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