Première Française à conquérir l’Amérique, connue dans le monde entier pour justement La vie en rose, Piaf a captivé le public. Par sa voix, mais aussi son intensité, accrue par l’économie de moyens déployés sur scène: un simple geste pour chaque chanson, une petite robe noire et un rond de lumière.
Éternelle midinette, l’artiste a passé sa – courte – vie à chanter l’amour et à le vivre, en véritable croqueuse d’hommes pas toujours tendre avec les femmes.
Son grand amour a été le boxeur Marcel Cerdan, disparu tragiquement en avion en 1949, alors qu’il venait la rejoindre à New York. Pour lui, elle avait écrit quelques temps auparavant le prémonitoire Hymne à l’amour («Si un jour la vie t’arrache à moi…»).
Elle a pulvérisé «tous les records: de séduction, de passions, de souffrances, de folies, de provocations, de dérives», écrit Robert Belleret dans sa récente biographie Piaf, un mythe français.
Une quête éperdue de revanches pour ce petit bout de femme de 1 m 47 terrorisée par la solitude et qui ne s’aimait pas physiquement?
Contrairement à ce qu’elle a affirmé, Édith Giovanna Gassion n’est pas née dans une rue populaire de Paris le 19 décembre 1915 mais dans la maternité d’un hôpital tout proche. Son enfance n’a pas été non plus marquée par quatre ans de cécité comme elle l’a dit, avant d’être guérie soi-disant miraculeusement grâce à Sainte-Thérèse-de-Lisieux, vénérée pendant toute sa vie par la chanteuse.
«En fait, elle a eu simplement des problèmes de vue pendant quelques semaines», certainement à la suite d’une infection virale, selon Robert Belleret.
Carton dans le monde entier
Si sa vie personnelle et professionnelle est semée d’épreuves, de drames et de tragédies (décès de sa fille Marcelle à deux ans, de sa mère dans le caniveau après une overdose…), Piaf développe en parallèle «une drôlerie, une fantaisie, un humour corrosif extraordinaire». «Elle a un langage de charretier, des caprices incroyables, mène tout le monde à la baguette», précise son biographe.
Monument de la chanson et «rock star» avant l’heure, Édith Piaf meurt d’une hémorragie interne dans le sud de la France, le 10 octobre 1963, usée par les addictions, de lourdes interventions chirurgicales et une polyarthrite rhumatoïde.
Les funérailles religieuses lui sont refusées car elle était remariée. Des dizaines de milliers d’admirateurs accompagnent son cercueil jusqu’au cimetière du Père-Lachaise, au coeur de Paris, un engouement qui ne faiblira pas jusqu’à aujourd’hui pour ce génie d’interprète qui a parfois fait de l’ombre à ses autres talents: auteure méconnue, elle a pourtant écrit 80 chansons, dont La vie en rose et L’hymne à l’amour.
Depuis plus de 20 ans, La vie en rose figure sans discontinuer parmi les 10 chansons françaises qui génèrent le plus de droits d’auteurs à l’international, au côté des succès du moment créés par Daft Punk ou David Guetta.
Avec La mer de Charles Trenet, Comme d’habitude de Claude François et Les feuilles mortesd’Yves Montand, le titre le plus célèbre de Piaf fait partie du club très restreint des chansons devenues des standards dans le monde entier.
«Cela concerne tous les pays européens, la Russie, l’Amérique du Nord, le Japon. Ca n’empêche pas que Piaf fait aussi un carton dans les pays d’Amérique du Sud ou en Afrique», indique à l’AFP Jean-Noël Tronc, directeur de la Société des Auteurs, compositeurs et éditeurs de musique, chargée en France de la gestion des droits.
Pygmalion, manager avant l’heure, Édith Piaf a déniché et fait éclore de nombreux talents: Yves Montand, Georges Moustaki, Paul Meurisse, Les Compagnons de la chanson, Charles Dumont, Charles Aznavour…
Des hommes qui ont souvent fini dans le lit de cette séductrice dans l’âme à l’immense charisme. «Elle avait un magnétisme incroyable, ça défilait…», confirme à l’AFP son photographe Hugues Vassal, dépêché auprès d’elle en 1957 après un coup de fil de la star au magazine France Dimanche: «Je change d’amant, envoyez-moi un photographe!»