« L’État de la nation » par Gary Victor
Il est sidérant de constater l’énergie dépensée dans des luttes politiques qui n’aboutissent finalement, comme une malédiction, qu’à la reproduction des mêmes calamités. Dans ces luttes politiques, on ne fait que brasser des intérêts inavouables, disserter, s’affronter uniquement sur le terrain de la rhétorique, en ignorant volontairement la réalité qui est l’état de la nation. Avons-nous une fois entendu un discours sur l’état de la nation haïtienne ? Comment pouvons-nous faire respecter les droits de nos ressortissants à l’étranger quand l’état de notre nation nous importe peu ? Il y a plein de preuves que l’état de la nation importe peu à nos politiques et à nos dirigeants. De voir, par exemple, ces milliers de sacs de charbon de bois offerts dans nos marchés publics est certainement le spectacle le plus choquant dans cette Caraïbe où toutes les nations s’enorgueillissent de leur environnement vert qui fait de ce coin de la planète l’un des plus beaux. Ici, jusqu’à présent, tout n’est que vœu pieux quand la population continue à croître à un rythme affolant et que la terre sur laquelle cette même population sera amenée à vivre s’amenuise année après année avec la coupe du bois. L’état de la nation est surtout et avant tout un arrêt sur image, pour un constat devant amener à des prises de décision devant prendre en compte les intérêts des générations qui devront nous succéder. Chez nous, nous restons désespérément empêtrés dans nos combats de petits chefs, dont le seul but est la quête individuelle d’une richesse matérielle au détriment complet de la communauté.
Earthquake fissures remain on the road between Port au Prince and Leogane in Haiti. (Christian Kober/Getty)
L’état de la nation n’est pas seulement pitoyable au niveau de l’environnement. J’en parle en premier parce que je pense qu’il est le plus important. Des peuples ont existé sans terre, Mais pouvons-nous prétendre pouvoir survivre en tant que nation sans sol ? La question de l’environnement aurait dû être une question de sécurité nationale. Mais on a vu des politiciens ridicules et bêtes expliquer la passivité des gouvernements sur la question par le souci de protéger… les fabricants de charbons de bois, donc ceux qui assassinent notre environnement. En République dominicaine, ils ont depuis longtemps pris les mesures qui s’imposaient. Il y a aussi le chômage, point focal de l’action de tout politicien dans n’importe quel pays. Ici la création d’emplois est le cadet des soucis de la classe politique. Notre système éducatif est à la traîne et nous avons perdu la plupart de nos équivalences. Il y a un tel décalage entre nos écoles que parfois un élève en classe de fin d’études primaires dans un établissement peut avoir un niveau de compréhension, d’expression et de culture supérieur à un autre qui arrive d’ailleurs, on ne sait comment, aux portes de certaines universités. L’état de la nation est aussi cette corruption morale qui s’étale partout, en plein jour, dans nos institutions, affichée sans honte par nos hommes politiques.
C’est vraiment à rire et à pleurer quand on entend les interventions de certaines personnalités sur les ondes concernant des questions qui, finalement, dans les faits, deviennent purement futiles, parce que l’état de la nation n’est pas au centre des débats. S’il l’était depuis longtemps, on n’aurait pas ce que nous avons habituellement au pouvoir et dans l’opposition. Si l’état de la nation était notre priorité, on aurait pu vraiment discuter avec l’étranger et non pas accepter ses points de vue, ses diktats, dans l’unique souci de bénéficier individuellement de la manne de l’aide et de son appui pour que continue la débâcle de l’intelligence. Il faut des hommes et des femmes décidés à poser le problème de l’état de notre nation.
Gary Victor
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