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Haïti : après avoir violé les mères, des Casques bleus auraient abandonné «des centaines d’enfants»

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RT France – Une enquête du portail universitaire The Conversation accuse les Casques bleus de la mission de l’ONU pour la stabilisation (Minustah) en Haïti d’avoir violé des femmes et des jeunes filles puis d’avoir abandonné les centaines d’enfants engendrés. On le sait depuis 2015 : des soldats de l’ONU ont violé des femmes et de très jeunes filles en Haïti alors qu’ils étaient envoyés dans ce pays pauvre, instable et en proie à des catastrophes naturelles, en tant que Casques bleus pour une mission de stabilisation, baptisée Minustah. D’autres ont tarifé ces relations sexuelles contre un peu d’argent ou de la nourriture. 

Et ces actes ont engendré des enfants, beaucoup d’enfants, «des centaines», aujourd’hui abandonnés par leurs pères biologiques. C’est ce qu’a rapporté  re The Conversation, média indépendant en ligne australien, qui propose un contenu informatif émanant de la communauté universitaire. Ainsi, une étude menée par deux universitaires témoigne de ces crimes sexuels commis par des soldats de la mission Minustah. «Il y a des filles de 12 et 13 ans que des soldats ont mises enceintes. Ils les ont laissées dans la misère avec des bébés dans les mains», raconte une des victimes dont le témoignage a été recueilli par les équipes de Sabine Lee, professeure d’histoire à l’université de Birmingham (Royaume-Uni), et Susan Bartels, chercheuse à la Queen’s University d’Ontario (Canada).

Ti minustah(1)

 Elles ont mené des entretiens avec 2 500 Haïtiens vivant, en 2017, près des bases de ces soldats. Leurs conclusions : «des centaines d’enfants» seraient nés à la suite de ces abus sexuels de Casques bleus sur des femmes haïtiennes dont des fillettes, à peine âgées de 11 ans pour certaines, qui se sont retrouvées mères. 

 © Capture d’écran

Pays d’origine des soldats de la mission onusienne de la Minustah ayant engendré, suite à des abus sexuels, des enfants en Haïti.

Parmi ces témoignages, certains sont rapportés à la première personne tandis que d’autres ont été racontés par des parents, des amis, des voisins et même des membres du personnel des Nations unies qui ont assisté à la naissance d’enfants nés de viols, connus en Haïti sous le nom de Ti minustah («petits minustahs»).

L’étude montre également que les «pères», eux, sont majoritairement originaires d’Uruguay et du Brésil, mais aussi du Chili, d’Argentine, du Népal, du Sri Lanka, et de façon plus minoritaire du Canada, de Jordanie, de Bolivie, du Nigéria, du Sénégal et de… France. L’étude raconte par le menu comment, une fois les géniteurs rapatriés par l’ONU dans leurs pays d’origine à cause de ces grossesses non-désirées, les femmes et jeunes filles haïtiennes concernées ont été «laissées dans la misère» pour élever seules leurs enfants «dans des situations d’extrême pauvreté», «la plupart ne recevant aucune assistance».

Ti minustah(2)

 La pauvreté est un facteur sous-jacent clé contribuant aux abus sexuels et à l’exploitation par les forces de maintien de la paix Comme le rappelle cette étude, la Minustah est la mission la plus longue mise en place par l’ONU en Haïti (2004-2017) et aussi la plus controversée. Elle avait initialement pour mandat d’aider les institutions haïtiennes locales dans un contexte d’instabilité politique et de criminalité organisée. Son mandat a ensuite été prolongé en raison de catastrophes naturelles, notamment le tremblement de terre en 2010 qui a fait plus de 300 000 morts et l’ouragan Matthew en 2016. Mais les soldats ne se sont pas contentés de leur mission : «Un nombre choquant de membres du personnel de maintien de la paix, en uniforme ou non, ont été liés à des violations des droits de l’Homme, incluant l’exploitation sexuelle, le viol et même des exécutions», affirme les auteurs de l’étude.

Exploitation de la pauvreté

 Leur analyse met en évidence ce qui est impliqué dans une grande partie de la littérature universitaire sur les économies de maintien de la paix, à savoir que «la pauvreté est un facteur sous-jacent clé contribuant aux abus sexuels et à l’exploitation par les forces de maintien de la paix». En effet, dans de nombreux cas, il est question de la différence de pouvoir entre les soldats étrangers et les populations locales qui permet aux premiers «sciemment ou inconsciemment, d’exploiter les femmes et les filles locales». La prévalence du sexe transactionnel dans les données recueillies dans l’étude «souligne l’importance des déséquilibres structurels».

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Les soldats de l’ONU ayant, en effet, accès à certaines des ressources – nourriture, argent, etc. – «souhaitées ou nécessaires pour la population locale sont donc en position de force pour les échanger contre du sexe». Et ils en profitent. Les auteurs de l’étude expliquent que ces conclusions ne sont pas seulement valables en Haïti, mais s’appliquent à d’autres situations comparables, comme en témoignent leurs travaux préliminaires en République démocratique du Congo (RDC).

Elles critiquent enfin la politique onusienne consistant à se limiter à interdire à leurs soldats toute relation sexuelle avec les femmes locales, une mesure qu’elles jugent «inefficace». Les auteures de l’étude préconisent plutôt une formation ciblée du personnel des Nations unies accompagnée de la lutte contre l’impunité qui entoure toujours les actes répréhensibles des Casques bleus.

En janvier 2018, le Bureau des avocats internationaux (BAI), basé en Haïti, a déposé des plaintes en paternité devant les tribunaux haïtiens au nom de dix enfants engendrés par les Casques bleus, dans le but de faire pression sur l’ONU afin d’obtenir des pensions alimentaires pour ces enfants. Un an plus tard, une lettre ouverte du bureau à l’avocate des droits des victimes des Nations unies, Jane Connors, exprime leur frustration face au manque de réactivité et de coopération de l’ONU qui «a rendu presque impossible pour [leurs] clients d’obtenir justice».                                   

Meriem Laribi

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