Quatre jours après le putsch justifié par ses auteurs par l’échec du régime déchu face à la rébellion, tous les regards étaient tournés vers Kidal, une des villes les plus importantes du nord-est.
Le groupe islamiste Ansar Dine (défenseur de l’islam, en arabe), qui est l’une des forces rebelles, a affirmé samedi qu’il s’apprêtait à prendre la cité. Le mouvement, qui veut appliquer la charia (loi islamique) par «la lutte armée», a déjà revendiqué le contrôle des localités d’Aguelhok, de Tessalit et de Tinezawaten (nord-est).
La chute de Kidal serait un coup de tonnerre, alors que les putschistes emmenés par le capitaine Amadou Sanogo ont accusé le président renversé et leurs chefs d’incompétence sur ce dossier.
L’armée a subi revers sur revers depuis que ces rebelles ont lancé mi-janvier leur offensive dans le nord-est, avec parfois le soutien de groupes islamistes armés, en particulier Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi).
Dans un entretien à la BBC diffusé samedi, le chef de la junte a invité les rebelles touareg, «nos frères», à des discussions pour un «processus de paix». «Je veux qu’ils viennent tous à la même table» au plus vite, «la porte est ouverte», a-t-il lancé.
Sur le plan politique, le Comité national pour le redressement de la démocratie et la restauration de l’État (CNRDRE), dont le coup d’État a été condamné par 12 des principaux partis politiques maliens, est aussi dans une position délicate.
«Droits élémentaires violés»
La quinzaine de personnalités du régime déchu arrêtées et détenues au camp de Kati, QG du nouveau pouvoir, ont menacé dimanche de commencer dans la journée une grève de la faim. Dans un bref message transmis à l’AFP, ces ex-responsables affirment: «nous sommes 14 dans une chambre de 12 mètres carrés, couchés à trois sur un matelas d’une place. Nos droits élémentaires sont violés».
Le sort de l’ex-président Amadou Toumani Touré demeure inconnu. Le chef de l’État «va très bien, il est en sécurité», s’est borné à dire vendredi le capitaine Sanogo, refusant de préciser où se trouve «ATT», ni s’il est aux mains des putschistes.
La junte s’efforce de dissiper une tenace impression de flottement en multipliant rencontres et déclarations.
Après les pillages commis par des militaires dans les premières heures du coup d’État, elle a «invité tous les porteurs d’uniforme à rejoindre les casernes» et rappelé les chefs d’unités à leurs responsabilités.
De fait, c’étaient surtout des policiers qui étaient visibles dimanche aux carrefours et le long des grandes artères de la capitale, à l’activité toujours peu intense, malgré la réouverture de certaines stations-service à l’appel de la junte.
Alors que le premier tour de la présidentielle était prévu le 29 avril, le Mali, longtemps cité en exemple pour son caractère démocratique et sa stabilité, est en pleine incertitude depuis que des soldats du rang dirigés par le capitaine Sanogo ont annoncé jeudi avoir déposé le président Touré. Ils ont suspendu la Constitution après des affrontements avec des loyalistes autour de la présidence.
Sur la scène extérieure, les nouvelles autorités affrontent une pluie de condamnations venues des organisations internationales et des capitales, y compris africaines.
Une délégation conjointe de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cédéao), de l’Union africaine (UA) et de l’ONU, a séjourné à Bamako vendredi. Elle a averti les putschistes que leur entreprise «ne marcherait pas et que le rétablissement de l’ordre constitutionnel était sans condition», a indiqué Saïd Djinnit, représentant de l’ONU pour l’Afrique de l’Ouest.
Un sommet extraordinaire des chefs d’État de la Cédéao doit se tenir à Abidjan mardi, une journée doublement test pour la junte, puisqu’elle a appelé administrations et secteur privé au Mali à reprendre ce jour-là le travail.