« Voilà la preuve que les jeux de grattage sont truqués »
Source: AFP© photo news.
Ingénieur à la retraite, Robert Riblet mène un combat acharné depuis près de douze ans contre la Française des jeux, qu’il accuse d’avoir « illégalement manipulé la chance » dans ses jeux de grattage.
AFP-Lundi, devant la 6e chambre civile du tribunal de Nanterre, il développera ses arguments pour, il l’espère, faire condamner l’entreprise publique qui a enregistré l’an passé un chiffre d’affaires record de 12,1 milliards d’euros, dont près de la moitié grâce aux petits bouts de carton Vegas, Black Jack et consorts. Selon lui, la FDJ a « rompu l’égalité entre les joueurs ».
Un étrange manège
Cet ancien chef d’entreprise autodidacte, âgé de 67 ans, raconte avoir découvert le pot-aux-roses en septembre 2001 dans un bar-tabac de l’Aisne. Alors qu’il prend un apéritif avec des amis, Robert Riblet assiste à un « étrange manège ». Au comptoir, un joueur habitué, qui venait d’acheter un carnet entier de tickets, les gratte un par un jusqu’à obtenir le gros lot. Le détaillant range alors le restant du lot et sort un autre livret plein et la situation se répète. Au début, Robert Riblet songe à une martingale, mais l’anecdote attise sa curiosité. Il se lance alors dans une enquête, manière à l’époque « de (s’)occuper après le décès de (sa) femme ».
Des gains non aléatoires
Il lui faudra trois ans, quelque 1.500 détaillants interrogés et 33.000 euros dépensés en jeux de grattage pour pouvoir avancer que la détermination et la répartition des gains n’ont rien d’aléatoire. L’ex-entrepreneur dit avoir découvert que chaque livret de tickets (50 pour un jeu à 3 euros comme le Vegas) est programmé pour comporter un seul lot significatif (de 20 à plusieurs milliers d’euros). Les autres tickets sont perdants ou ont des montants dérisoires.
Dérives
Ce système a donné lieu, selon lui, à des dérives, certains buralistes et joueurs augmentant leurs chances de gagner en ne piochant plus dans les livrets ayant déjà fourni le précieux ticket. « C’est un peu comme si, dans une tombola de kermesse, on continuait à vendre des billets alors que le filet garni a déjà été remporté », résume-t-il dans un livre publié en 2008 et coécrit avec le journaliste Gilles Delbos (100% des gagnants ont tenté leur chance, éd. Seuil).
A la base, son objectif n’était pas de se « quereller » avec la FDJ. « Je leur ai d’abord envoyé une lettre pour leur signaler le problème », assure-t-il. Mais la réponse de l’entreprise de loteries, qui le menace de poursuites, va décupler la ténacité de cet ancien enfant de l’Assistance publique. « Du fait de son enfance difficile, il a développé une haine de l’injustice et du mensonge. Les personnes qui jouent aux jeux de grattage sont des petites gens, des smicards, des ouvriers. Il n’a pas supporté l’idée que l’on puisse les tromper. Ça l’a sur-motivé », analyse Gilles Delbos.
Payé pour se taire
En 2005, Robert Riblet affirme avoir refusé une proposition de 450.000 euros de la FDJ en échange de son silence. Puis, il dépose l’année suivante une assignation au civile et une plainte au pénal qui débouchera sur une instruction – toujours en cours – avant de faire éclater l’affaire dans les médias. « C’est quelqu’un de pugnace, qui va jusqu’au bout », indique Michel Reb, ancien maire socialiste d’Anizy-le-Château, commune de l’Aisne où Robert Riblet a été élu jusqu’en 2008. « Il a l’acharnement des monomaniaques », souligne quant à lui son ancien avocat, Me Gilbert Collard.
Règlement modifié
Depuis, la FDJ, qui n’a pas souhaité s’exprimer, a modifié le règlement de ses jeux de grattage. Elle a également riposté en attaquant en diffamation Robert Riblet, un procès qu’elle a finalement perdu en 2008. Dans le volet pénal de l’affaire, l’entreprise a par ailleurs été placée sous le statut de témoin assisté. Pour Gilles Delbos, l’entreprise a eu « tort de ne pas prendre au sérieux » cet homme « supérieurement intelligent » et qui sait jouer de sa « fausse bonhommie ».
L’un de ses actuels avocats, Me Dominique Mathonnet, le compare à Janus: « Il a une face de simplicité qu’il sait mettre en avant » et une autre « qui renvoie à une fêlure intime de l’enfance (…) moteur réel qui le fait avancer. »
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