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par Kern Grand-Pierre
« Tonnerre,par les coups de guitare de tonton Robert ! », c’était le juron préféré de mon meilleur ami et camarade de classe, feu Mario Mentor alias Ti Mentor, a l’Institut Haitien de Formation Intellectuelle dirigé par Leclerc Tertulien et Gérard André, résidant lors comme moi au haut de la Rue Capois, Bas peu de Chose (Pour les non-Haitiens: Bas peu de Chose est un quartier de Port-au-Prince, situé non loin d’un autre quartier/neighborhood appelé Carrefour-Feuilles). Une expression inspirée des personnages Double Rhum et Docteur Saignée dans Miki le Ranger,l’un des livres cowboy que les garcons de notre age lisaient tous ou presque.
A cette époque, les Gypsies de Pétionville faisaient partie intégrante de nos jeunes vies de teenagers et nous étions toujours prêts a en venir aux mains quand un ami osait parler d’un différent groupe comme le meilleur.Il y avait aussi Mario Moreta chez qui nous ecoutions la musique « funk » de James Brown sur les disques 45 tours que lui envoyait son frere Babou Moreta de New York et ,pour Ti Mentor et moi, c’était la grande vie quand nous nous rendions chez lui a l’avenue Fouchard,non loin de l’Eglise Notre Dame de Caridad ! Remarquons,en passant,que pour les personnes de moins de 50 ans les mots »45 tours », »33 tours » et « eight track », c’est du chinois !
Bien sur, il y avait aussi Les Ambassadeurs, Les Loups Noirs, Les Shleu Shleu, Les Vikings, Les Pachas du Canape-Vert, Super Soline de Carrefour-Feuilles/Avenue Fouchard, Shupa Shupa de Bas peu de Chose, Les Fantaisistes de Carrefour,Doremi Jazz devenu Super 9, Les Legendaires de Delmas, les Deutz de la Cité militaire,et tant d’autres qui faisaient tous de la bonne musique mais on n’en avait cure. Etant conditionnés par la polémique féroce Nemours-Sicot, il fallait a l’époque être dans un camp ou dans un autre.Quand ces vieux lions commencèrent a perdre du terrain, il n’était pas de bon ton d’apprécier a la fois les Gypsies et les Difficiles,deux mini jazz rivaux en competition permanente, parce que tout bonnement cela ne se faisait pas.C’etait comme vouloir mélanger de l’huile avec de l’eau. La partisannerie etait si extreme a l’époque qu’a un certain moment Jacques Sampeur ne jouait uniquement que la musique des Gypsies dans son émission « 5 a 7 » tous les soirs sur Radio Port-au-Prince !
Les Gypsies de PV lors d’un festival Tandem des Cracks au cine Capitol un dimanche matin. Vous-en souvenez vous ?
Nemouriste, j’ai appris a apprécier Sicot quand je suis devenu adulte. Amoureux des Gypsies, j’ai aussi appris a savourer les Difficiles quand la polémique de notre jeune époque a cessé d’être d’actualité .Et,comme beaucoup, j’ai appris a respecter les autres géants et pionniers du konpa comme Henry Célestin, Porky, Blagueur,les frères Menelas des Ambassadeurs, Coupé, Assad, Boulo Valcourt,Gaguy Depestre,les Freres Dejean etc…
Mais pour continuer notre rubrique « Les Trésors du Konpa »,rendons un hommage bien merité a l’un des plus grands guitaristes Haitiens ,et peut etre du monde,l’incomparable maestro Robert Martino. Et je suis sur que Dadou Pasquet, Ti-Plume,Elysée Pyronneau, Ralph Condé,Ti Claude Marcelin, Dener Ceide,Carlos Santana et autres n’en disconviendront pas.
Ce que Robert Martino a fait avec une simple guitare,personne ne l’a jamais fait avant lui, et peut-etre jamais après lui. Ni Jimi Hendrix. Ni Eric Clapton. Ni Carlos Santana. Personne. Tous ces génies étaient une partie d’un groupe,d’un jazz,d’un band ou ce que vous voulez. Robert Martino,lui tout seul,était le groupe, le jazz,le band. De l’intro au refrain, du solo au fade away,c’est sa guitare qui menait la danse et nous faisait bouger.
En vacances chez ma grand-mere a Marchand Dessalines dans les années 70, j’écoutais des paysans fredonner les Gypsies et mimiquer les coups de guitare de tonton Robert, qu’ils n’avaient jamais vu sur scene comme moi au Tandem des Cracks au Cine Capitol a Port-au-Prince et je n’en revenais pas. Choquant et inoubliable.
Homme-orchestre, Robert Martino a fait danser « tout un pays »(tout yon peyi!) avec sa guitare, laissant en héritage un fabuleux répertoire, et a légué a la jeune génération T-Vice de ses talentueux enfants Roberto et Reynaldo.
Merci,maestro, pour ces moments indélébiles qui ont marqué notre jeunesse.
kgp
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