Le profilage ( profiling )consiste essentiellement de la part de la police ou tout autre organisme responsable de l’application des lois de mettre sous surveillance, d’arrêter, de perquisitionner, de fouiller ou d’interroger une personne qui est considérée comme suspecte sur la simple base de son appartenance à un groupe racial, ethnique ou religieux.
AFP – Le profilage est considéré aux États-Unis comme une pratique discriminatoire anticonstitutionnelle. En effet, le quatrième amendement à la constitution des États-Unis garantit le droit d’être à l’abri de fouilles, d’arrestations, de perquisitions et de saisies sans motif valable et le quatorzième amendement exige des autorités qu’elles appliquent les lois de la même façon à l’égard de tous les citoyens.
Par ailleurs, les États-Unis ont signé en 1995 la convention internationale sur l’élimination de toute forme de discrimination. Depuis, des États comme le New Jersey ont adopté des lois qui font du profilage par la police un crime passible de cinq ans de prison et de 15 000 $ d’amende. Mais en dépit de son caractère illégal, le profilage continue. En ce moment, en Floride, la tension monte à la suite du meurtre d’un jeune noir par un homme blanc.
D’ailleurs, le profilage a reçu aux États-Unis une attention nationale en juillet 2009 à la suite de l’arrestation pour entrée avec infraction et résistance à son arrestation de Henry Louis Gates, un professeur afro-américain de Harvard, qui tentait simplement d’entrer chez lui tard le soir. Or, il appert que le cas du professeur Gates est loin d’être une exception.
Des analyses et rapports récents démontrent que la pratique du profilage est encore largement répandue au sein des forces de l’ordre aux États-Unis. Une analyse effectuée par la ligue pour la défense des libertés civiles à New York révèle que plus de quatre millions de New-Yorkais ont été soumis à des contrôles et des interrogatoires par la police entre 2004 et 2011. Or il s’avère que neuf fois sur dix ces personnes ont été trouvées complètement innocentes. Bien que les Afro-Américains ne représentent que 25 % de la population de New York, ils sont victimes de 60 % des arrestations. Les blancs qui pour leur part représentent 44 % de la population, ne se font interpeller que dans 9 % des cas. Cette situation n’est pas unique à New York. En 2009, la police de Philadelphie effectua 253 691 arrestations. Environ 72 % des personnes arrêtées étaient des Afro-Américains. Or seulement 8 % des personnes arrêtées furent ensuite mises en accusation.
Par ailleurs, les Afro-Américains ne sont pas les seules victimes du profilage. Jan Brewer, la gouverneure de l’Arizona, promulgua en avril 2010 une loi qui exige des policiers de l’Arizona de demander aux gens qu’ils soupçonnent, sans motifs définis, d’être des immigrants illégaux de prouver qu’ils sont citoyens américains. Les États d’Alabama, Géorgie, Caroline du Sud et Utah ont suivi l’exemple de l’Arizona. Les personnes d’origine hispanique deviennent ainsi la cible de profilage ethnique. Ces lois ont comme effet de saper la confiance des citoyens dans l’application équitable des lois, d’aliéner les immigrants, de créer une atmosphère hystérique contre les immigrants et de produire une augmentation spectaculaire du nombre de crimes haineux dont les Latinos sont victimes.
Depuis les événements du 11 septembre 2001, une nouvelle forme de profilage est apparue : celle basée sur la religion. En janvier 2012, la ligue des libertés civiles de New York rendait public un rapport du département de la police de New York (NYPD) qui révélait que ce corps de police surveillait étroitement depuis plusieurs années les étudiants musulmans dans 16 collèges et universités du nord-est des États-Unis. Les étudiants musulmans d’institutions aussi prestigieuses que l’Université de la ville de New York, l’Université Yale, l’Université Rutgers et l’Université de la Pennsylvanie, étaient la cible de cette surveillance.
Dans le cadre de ce programme secret, le NYPD a produit depuis plusieurs années des rapports hebdomadaires. Toute l’opération fut découverte en décembre 2011 lorsque l’équipe de surveillance qui s’était établie dans une maison à proximité de l’Université Rutgers a attiré l’attention du concierge de l’immeuble qui croyait y avoir décelé une cellule terroriste. Ironiquement, il a par conséquent appelé la police locale. Cette situation a amené le gouverneur du New Jersey à exiger une enquête sur les activités illégales de la police de New York dans son État.
Les journaux de New York ont par la suite dévoilé comment le NYPD avait mis sous étroite surveillance non seulement des étudiants musulmans au Connecticut, au New Jersey et en Pennsylvanie, mais aussi des mosquées et des communautés musulmanes situées à l’extérieur de son territoire. La police de New York avait ainsi établi des fiches et des cartes compilant des informations sur les personnes qui fréquentaient les mosquées et les entreprises liées à ces communautés, ainsi que sur la concentration des populations musulmanes dans les la ville, dans la région de New York et même dans les États avoisinants.
La liberté de religion, garantie par le premier amendement à la constitution américaine, ne se limite pas à une simple liberté de prière. Cet amendement assure aussi que tout citoyen ne sera pas harcelé ou traité de manière discriminatoire à cause de sa pratique religieuse. Si la police de New York s’était comportée à l’égard de tout autre groupe religieux, comme elle le fait à l’égard des musulmans, cela aurait généré un tollé aux États-Unis.
La persistance du profilage racial, ethnique ou religieux devrait préoccuper les Américains. Non seulement il représente un gaspillage de ressources policières, mais il remet en question les principes fondamentaux de la constitution américaine qui garantit l’égalité de tous devant la loi. Le profilage est donc une pratique injustifiable qui entache la démocratie américaine.
Décidément, l’élection de Barack Obama en 2008 est loin d’avoir réglé tous les problèmes sociaux et politiques aux États-Unis. Mais cette question, particulièrement le profilage touchant les Latinos, risque fort d’être un enjeu important des présidentielles de 2012.