par Me Serge H. Moise
Il y a si longtemps, beaucoup trop longtemps maintenant que nous suivons les mêmes sentiers qui ne nous mènent nulle part. Et bon an mal an, nous persistons dans les mêmes voies, incapables d’en explorer d’autres probablement plus salutaires.
S’il est vrai que tous les chemins peuvent conduire à Rome, il paraît tout indiqué de changer d’itinéraire lorsque celui emprunté ne semble pas le meilleur pour le pèlerin plus ou moins avisé.
Ces notions élémentaires de sagesse n’ont pas l’air de faire recette dans notre petit coin jadis paradisiaque des caraïbes. Les observateurs se perdent en conjectures depuis des décennies et n’arrivent pas à comprendre qu’avec tant de gens de qualité évoluant tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de nos frontières, ce qui serait partout ailleurs très simple, affichent dans notre société tant de complications et de manière exponentielle.
Le droit chemin est souvent le plus court et le plus simple à parcourir. Qu’à cela ne tienne, nous préférons de loin les détours inutiles. Serait-ce que dans notre culture de marronnage, ce qui est clair, net, limpide et transparent fait simpliste et terre à terre et que pour avoir fière allure, il faille coûte que coûte tout maquiller au nom de la sacrosainte politique mal comprise par la plupart de nos politiciens eux-mêmes.
A l’heure actuelle, dans les pays émergeants, les pays avancés ou développés on ne parle que de création d’emplois. Le président américain luttant pour sa réélection au prochain scrutin mise sur l’augmentation du taux d’embauche. En France, en Espagne, au Portugal, en Grèce et en Turquie. Dans tous les pays d’Afrique de l’Amérique latine et bien sûr de la zone caraïbéenne on ne parle que de création d’emplois pour amorcer le virage vers le développement durable. Ils ont compris que le développement est d’abord humain.
« La personne avant toute chose » disait une campagne publicitaire dans l’un de ces pays qui pourrait nous servir de modèle.
Constat plutôt bizarre, noyés dans une situation endémique d’un taux de chômage d’environ soixante dix pour cent de la population active, nous refusons de faire de la lutte contre le susdit chômage notre priorité absolue comme nous le suggère la situation elle-même, mais plusieurs représentants de pays amis à vive et intelligible voix.
Le (NPD) nouveau parti démocratique de tendance sociale démocrate comme son nom l’indique, préparait au mois de janvier dernier, sa rentrée parlementaire à la chambre des communes du Canada en faisant de la création d’emplois son cheval de bataille. Au moment où vous parcourez ces lignes, la campagne électorale, dans la belle province, préoccupe toute la population québécoise et les candidats des cinq (05) partis politiques parlent avant tout de création d’emplois à partir de fonds spéciaux pour ce faire. Le parti libéral envisage de mettre à profit Épargne Plan Nord et le parti québécois, la banque de développement économique du Québec pour ne citer que deux.
Emeute de la faim sous Preval
En Haïti, le gouvernement en parle mais du bout des lèvres, quant à nos honorables sénateurs et députés, il faut croire qu’ils ont d’autres chats à fouetter car on ne les entend pas souvent à ce sujet.
Plus triste encore s’avère l’attitude de nos intellos toujours à tous les micros à s’écouter parler de tout et de rien, sauf de l’essentiel. Le superficiel semble être d’un attrait irrésistible pour nos experts de la verbomanie qui n’ignorent certes pas qu’en l’absence de la création d’emplois à travers tout le pays ; parler de santé, d’éducation, de décentralisation, de justice et de sécurité demeurent simplement des énoncés de vœux pieux, mais qu’importe, eux aussi ont d’autres chats à fouetter.
Tant que les petits chèques de la diaspora vont continuer à affluer régulièrement, tant que les ONG vont distribuer de l’eau potable et un repas chaud à nos laissés pour compte, la création d’emplois sera pour un futur pas trop lointain. On en reparlera, on inventera de beaux slogans aux prochaines élections et plus ça changera, plus ça sera pareil.
Le grand changement, ce qui est d’ailleurs urgent, serait de rééduquer nos analystes et penseurs auxquels nous reprochions de trop parler et de ne rien faire et qui nous disaient il y a quelque temps : « penser c’est agir » comme si tout pouvait se régler de manière exclusivement abstraite.
C’est à se demander dans quelle mesure nos « trop bien scolarisés » ne constituent pas un obstacle majeur au développement de ce petit pays qui a tant besoin d’une éducation en adéquation avec son histoire et sa culture, mais avant tout, de pouvoir subvenir aux besoins primaires de ses ressortissants dans la dignité et la liberté que seul le travail honnête et valorisant peut procurer. Il n’y a là rien de bien sorcier!
Moïse – hélas, aucun lien de parenté avec le soussigné – fut sauvé des eaux, recueilli, élevé avec soin et amour chez le pharaon, un peu comme nous en diaspora. Il y a reçu une si bonne éducation qu’il a compris qu’il se devait de ne jamais oublier les siens. Il a tant et si bien fait que son nom demeure gravé dans toutes les mémoires quelques deux mille ans après sa mort.
Les connaissances les plus pointues, la magie de la technologie moderne, les pays amis n’arriveront pas à nous sortir de cette terrible impasse si nous ne nous décidons pas, avec la volonté la plus farouche, à prendre notre destin en main de manière inclusive et dans l’intérêt de toute la collectivité. Faisons mentir les propos cinglants du colonel John Russell qui insinuaient du temps de l’occupation que l’homme haïtien, quelle que soit sa formation, avait la mentalité d’un gamin de sept ans. Pour y parvenir nous aurons à plancher sur la nature profonde de nos véritables problèmes et sinon éliminer, du moins atténuer sensiblement l’impact négatif de nos sempiternelles contradictions et paradoxes.
Me Serge H. Moise
Barreau de P-au-P