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A ce carrefour dramatique de notre histoire, une prise de conscience s’impose indubitablement. Reconnaissons que nous sommes tous, chacun en ce qui le concerne, sinon fautifs, du moins responsables de l’état lamentable de notre pays et des conditions de vie infra humaines de nos millions de sœurs et frères qui crèvent systématiquement de faim et de la misère sous toutes ses formes. Certains par commission et devront faire face à la justice un jour ou l’autre, s’il est vrai que les défaites du droit sont toujours provisoires, les autres, par omission et/ou désertion auront à se ressaisir et avec fierté et patriotisme, apporter leur contribution à la refondation et à la reconstruction de l’Alma mater.
Nous sommes les premiers responsables de nos malheurs pour avoir hélas oublié que « toute famille divisée est une famille affaiblie, appelée à disparaître ».
En février de l’an (1986) mil neuf cent quatre-vingt six, nous avions poussé un ouf de soulagement, espérant que le peuple haïtien tout entier allait enfin rejoindre le concert des nations civilisées. Encore une fois, nous avons oublié qu’il n’y a pas de génération spontanée. Trente longues années de corruption sous toutes formes ont engendré des scories dans la mentalité haïtienne qui sont devenus des traits culturels, expédiant aux calendes grecques les valeurs cardinales quelles qu’elles soient.
Une nouvelle constitution est votée, garantissant le respect des droits et libertés, le bon fonctionnement des institutions républicaines pour une Haïti souveraine et prospère. Vingt-huit ans après, qu’on nous rende fol ou sage, le règne de la médiocrité aurait dû toucher à sa fin depuis belle lurette. De quatre-vingt six à nos jours, la gouvernance post-duvaliérienne a fait autant de victimes que le tremblement de terre du douze janvier deux mille dix et les autres catastrophes naturelles qui ont suivi comme si notre histoire se révélait une suite irréversible d’accidents.
Les « makouts » n’ont plus droit de vie et de mort sur tous les sujets du potentat. La soldatesque s’est évaporée dans la brume. Les « chimè » sont mis hors d’état de nuire et plus ça change, plus c’est pareil! Ce qui semble confirmer la théorie de Gobineau.
La première république nègre, la perle des antilles, jadis le phare de la race se révèle aujourd’hui le pays le plus corrompu et le plus pauvre de l’hémisphère.
Notre descente aux enfers touche-t-elle à son terme? Aurions-nous déjà atteint le fin fond de la géhenne auquel cas nous allons renaître comme le souhaitait Frantz Fanon, très forts et plus aguerris. Si c’est bien le cas, alors:
Faisons mentir le colonel John Russell qui disait que l’Haïtien quelle que soit sa formation intellectuelle a la mentalité d’un gamin de sept ans.
Faisons mentir Graham Greene qui ne voyait en nous que de piètres comédiens.
Faisons mentir cet envoyé spécial qui prétendait que les Haïtiens auraient un chromosome en plus ou en moins.
Faisons mentir Dean Curran qui affirmait avoir découvert au pays de Dessalines et de Pétion les terribles « MRE »(morally repugnant elite NDLR).
Faisons mentir Franklin Delanoe Roosevelt qui voulait que les sans souliers fussent toujours en guerre avec les nantis de façon à toujours dominer cette petite républiques de nègres turbulents.
Faisons mentir le pasteur chrétien Pat Robertson des États-Unis qui répand cette « sublime vérité », selon les révélations à lui faites par son dieu, à l’effet du pacte signé avec le diable par nos ancêtres en vue d’acquérir notre indépendance. Un pasteur ne saurait mentir!
Honorons la mémoire d’Anténor Firmin, celle de Louis-Joseph Janvier, de Louis Mercier, de Dumarsais Estimé, de Jean-Price Mars, de Massilon Coicou, Carl Brouard, Me Seymour Pradel, Me François Moïse, le sénateur Louis Déjoie, Jacques Roumain, Jacques Stéphen Alexis, Kléber G. Jacob, Leslie F. Manigat et tous ceux qui morts ou vivants rêvent d’une Haïti souveraine, forte et prospère, pour paraphraser Dr Keny Bastien.
Mais, encore plus important, rassurons nos millions de compatriotes tant de l’intérieur que de l’extérieur du terroir, lesquels au comble du désespoir ont baissé les bras, croyant fermement qu’il n’y a plus rien à faire, le pays est maudit, le pasteur Pat Robertson l’a dit.
Nous voici aujourd’hui davantage plus près du gouffre: Un parlement pour le moins bancal, un pouvoir judiciaire grabataire, un gouvernement dépassé par les événements, acculé dans ses derniers retranchements et obligé de faire appel à un groupe de sages afin d’envisager une issue à la crise qui a trop duré.
Déjà en deux mille dix, en guise de ces élections/sélections auxquelles nous sommes tous habitués et qui n’ont fait que perpétuer ce système archaïque et rétrograde nous avions suggéré à travers nos modestes analyses de la situation, la formation d’un gouvernement de consensus afin de concrétiser la transition qui ne s’est pas faite entre 2004 et 2006.
Peut-on construire du beau, du bon et du neuf sur du pourri? C’était notre question à l’époque et elle est toujours d’actualité!
Un gouvernement de consensus, si tant est que nous pouvons y arriver, réunissant des femmes et des hommes triés sur le volet, en fonctions de leurs qualités intrinsèques et n’ayant pour unique objectif, la défense des intérêts supérieurs de la nation, toutes strates confondues.
Un tel gouvernement rétablirait un minimum de confiance au sein de la grande famille haïtienne y compris sa généreuse et dynamique diaspora plus impliquée que jamais, verrait à l’assainissement de l’administration publique, sans chasse aux sorcières évidemment, ferait en sorte que le système judiciaire devienne efficace et efficient, mettrait tout en œuvre en vue d’éliminer légalement la prolifération ridicule de particules qui encombrent la scène politique et court-circuitent l’avènement de cet État de droit que la population appelle de tous ses vœux.
Combien de temps lui faudra-t-il pour réaliser cette réforme minimale qui mettrait la nation en mesure de tenir des élections libres, honnêtes et démocratiques, six mois, un an ou deux? Il faudrait y penser très sérieusement pour ne plus avoir à revivre ces moments exécrables dans un futur prévisible.
L’heure a en enfin sonné pour que les élites haïtiennes, les filles et fils de Dessalines et de Pétion parviennent à se transcender et se montrer à la hauteur de leur mission historique à ce carrefour qui est ni plus ni moins que notre ultime moment de vérité
Serge H. Moïse av.
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