Note de l’editeur :
J’ai eu le privilege d’avoir connu et pratiqué Jean Dominique et d’avoir été son jeune ami a l’avenue Magny ou je vivais lors comme lui quand j’étais le directeur de la revue Inter-Jeunes avec mes camarades de combat Harry Duvalsaint,Adyjeangardy,Riollet Senat Celestin,Marie-Marcelle Ferjuste,Margareth Lizaire, devenue Maggy de Coster en France, Yolande Jean-Baptiste,Yves Bijou,Georges Aumoithe,feu Jean Oceani, Marie-Laurette Destin,feu Lionel Legrand ,speaker vedette a Radio Soleil a New York,Dominique Batraville,Roger Perpignan,et des amis qui frequentaient la revue comme Lyonel Trouillot,Pierre-Richard Narcisse,Yves Medard dit Rassoul Labuchin, ancien maire de Port-au-Prince, Michel Soukar,feu Sylvio Claude et ses filles Marie-France et Marie-Denise, feu Gregoire Eugene et son fils Greguy,feu Richard Brisson,Robert Lodimus, et tant d’autres.
Pour l’histoire, je dois témoigner que Jean est la premiere personalite a avoir mentionne la revue Inter-Jeunes a la radio, ce qui nous a donne sur la scene a l’époque une crédibilité instantanée. Une petite phrase anodine mais, venant de Jean clôturant son emission du dimanche soir ,cela représentait lors un endorsement magistral de notre jeune publication : » Un coup de chapeau au passage a de jeunes confreres qui font un excellent travail avec la revue Inter-Jeunes ». Je n’oublierai jamais aussi la gentillesse de Michele Montas et la générosité de Richard Brisson qui lui contribuait financièrement au journal. Le fait par Jean d’avoir parle d’Inter-Jeunes dans son emission etait comme si nous avions gagne le 1er lot a la loterie. Pour la jeunesse et pour le peuple, nous étions d’office une publication credible qui luttait contre la dictature, a une époque ou nous savions pertinemment que nous nous retrouveront éventuellement aux Casernes Dessalines ou a Fort-Dimanche…
Les hommes de conviction comme Jean Dominique ne paraissent dans ce sale monde qu’une fois par siècle,pour emprunter une expression de mon ami Jean Oceani ,alias Fanfan, qui habitait juste derriere le Lycée Petion.<Salut sale monde>, écrivait Fanfan dans l’un des numéros chauds d’Inter-Jeunes durant les beaux jours de la dictature jean-claudiste…
Je n’ai jamais,jusqu’a présent, eu la chance d’être en présence d’une autre personne de l’intensité , de la sincérité et du savoir de Jean.Jamais. Né dans une famille privilégiée selon les standards de notre pays,il aurait pu aisément se la couler douce en Haiti sans se soucier de la misere des autres,cette majorité silencieuse qui lui tenait tant a cœur,pour laquelle il s’est battu du bec et des ongles jusqu’à son dernier souffle…
Beaucoup questionnent encore l’absence de sa femme Michele Montas ce matin-la ou les charognards aux bras longs ont fini par réduire au silence cette voix juste et puissante,mais dérangeante, mais c’est une autre histoire…
J’adore Michele,qui reste et demeure une grande dame et une référence sure pour ce pays meurtri, mais les amateurs de ragots ne font pas de quartier…
Une anecdote : un matin a l’avenue Magny, ou comme Jean je faisais une petite promenade matinale jusqu’au Champs de Mars,moi cigarette au bec et lui fumant son éternelle pipe, Jean eut a me dire ceci : » Kern,ton équipe et toi vous faites un travail de titans avec Inter-Jeunes et les jeunes vous voient comme des leaders, mais vous courez tous le risque de vous faire assassiner un de ces jours car ces gens-la ne plaisantent pas ! « . Bien sur,il parlait de Jean-Claude et de ses macoutes, mais nous autres a l’époque on n’était pas conscients du danger permanent auquel nous étions exposés ! On voulait que ca change,point barre,au risque et péril de nos jeunes vies ! Et nous n’avions que vingt ans.
Pour Jean-Marie Chanoine ,ministre de l’information a l’époque,nous étions des jeunes « kamoken » malotrus, irrécupérables,non-achetables, surtout après notre refus de participer a une célébration du Jour de la Presse un 5 Mai au Palais National , me disait Jean ! Pour Chanoine, notre absence n’était ni plus ni moins qu’une insulte et un camouflet au regime jeanclaudiste qui lors tenait a projeter une image de « démocratisation » pour garder ouverte la vanne des millions durant l’administration Carter ou les droits humains étaient a l’ordre du jour…
Jean me disait d’etre plus subtil dans mes éditoriaux, de prendre mes précautions dans mes accointances et dans mes pratiques quotidiennes pour ne pas échouer a Ti-Tanyen (celebre charnier ou dépotoir de cadavres),selon les pratiques de l’ époque… Pour Jean, nous étions en train de tirer sur un tigre avec un « fistibal » (lance-pierres en francais,slingshot en anglais) sans nous rendre compte que le fauve pourrait nous dévorer a tout moment… Histoire vraie : Jean me disait aussi de faire de mon mieux pour restreindre et freiner Harry Duvalsaint,notre rédacteur-en-chef, pour son écriture trop directe et trop révolutionnaire,ce qui a l’époque était passible d’un voyage aller-simple a Fort Dimanche !(Ca,Harry,tu ne le savais pas,mon pote !).
Une chose est sure, l’assassinat d’un gros morceau comme Jean Dominique,le journaliste le plus populaire du pays, n’a pas été une mince operation menée par des petits malfrats de quatre sous. Dans le contexte haïtien, un pareil crime, sur un personnage considéré comme un poids lourd aux quatre coins du pays, est commandité en haut lieu.Meme sous Duvalier, ils n’ont pas osé …
Pour conclure,je dirai seulement ceci a la mémoire de ce géant,de ce grand Haitien que fut Jeando : comment un homme de ce calibre et de cette envergure s’en sortit indemne sous la dictature duvaliériste pour tomber sous les balles assassines de tueurs a gage sous un un régime qu’il soutenait par conviction,croyant être résolument du bon coté ,du coté du peuple,du coté de la masse laborieuse et silencieuse dont le régime lavalassien disait etre la voix ? Comment analyser et rationaliser que cet homme immense puisse tomber victime d’une fusillade aussi stupide,ignorante et insensée, sous un regime populiste qu’il croyait foncièrement ,de par sa nature humaniste,allait produire des changements profonds pour nos masses démunies ? Autant de questions auxquelles les sieurs Jean-Bertrand Aristide,René Preval et consorts, sont aujourd’hui appelés a rendre compte a la justice haitienne.A moins que l’enquête se poursuive interminablement, a la mode de chez nous…
kgp
Jean-Bertrand Aristide au banc des accusés
Le Nouvelliste – 16 personnes ont été auditionnés dont deux anciens chefs d’Etat haïtiens. Environ 14 ans après le double assassinat du célèbre journaliste Jean Léopold Dominique et de son gardien Jean-Claude Louissaint, la justice haïtienne semble faire un pas important dans ce dossier. Le juge Yvikel Dabrésil a rendu son rapport à la cour d’appel composée de deux autres juges : Alténor Barthelemy et Métélus Patrick en séance spéciale et publique ce vendredi.
Quelques journalistes et des avocats assistent à la séance. Pendant une trentaine de minutes, la greffière Juliette Garçon Véus a fait la lecture du rapport à l’intention des honorables juges de la cour d’appel. Dans son travail d’instruction, le juge Yvikel Dabrésil revient sur les faits et rappelle que des juges se sont succédé dans le cadre de cette affaire. Soit à titre d’inculpés ou à titre de témoins, plusieurs personnes ont été entendues alors que d’autres sont en fuite et font l’objet d’avis de recherche, a souligné le juge. Les témoignages relatés dans le rapport du juge Yvikel Dabrésil Hulus Jean-Daniel fut le premier enquêteur de la DCJP à avoir recueilli les dénonciations selon lesquelles un certain Djensley alias Tibout aurait assassiné le journaliste pour la somme de 80 000 dollars américains. Arrêté, Djensley s’est évadé de la prison et n’a jamais été retrouvé, selon le rapport. Le corps d’un certain Lalane, blessé mortellement par la police lors de son arrestation, conduit à la morgue de l’Hôpital général, a disparu miraculeusement.
L’ex-chef de la police nationale, Mario Andrésol, avait été également entendu dans le cadre cette affaire. En 2000, il était le directeur de la DCPJ. Au moment de l’assassinat, l’ancien patron de la PNH n’était pas au pays. Son adjoint à la DCPJ, Jeannot François, a été lui aussi entendu. En outre, Tilmé Venel a déclaré que le nommé Panel Enélus alias Tipanel lui avait avoué avoir reçu 100 000 dollars américains pour l’assassinat du journaliste. « Arrêté sur la frontière et incarcéré au commissariat de Léogâne, il a été lynché par la population… » Des déclarations fracassantes de Oriel Jean, ancien responsable de l’USP.
« Selon ce témoin, après une rencontre avec le président Aristide, celui-ci lui avait demandé d’entrer en contact avec Madame Mirlande Libérus Pavert qui était à l’époque sénateur de la République. Cette dernière lui avait expliqué qu’elle avait pour mission de contrecarrer les activités de Jean Léopold Dominique à qui l’on reprochait de vouloir ternir l’image du parti Lavalas. Toujours d’après ce témoin, Jean Dominique et René Préval avaient mis sur pied un parti politique dénommé Koze pep qui devait présenter Jean Léopold Dominique comme candidat à la présidence aux élections de 2000… » Toujours selon les déclarations de Oriel Jean cité dans le rapport, « Madame Mirlande Libérus Pavert avait déclaré péremptoirement Fòk nou fèmen bouch Jean Dominique pour que notre slogan devienne une réalité à savoir Fòk 2001 bon tout bon. Dans tous les cas, cette question n’a jamais pu être élucidée, car Madame Libérus n’a à aucun moment répondu aux convocations. Les déclarations que lui a prêté le témoin Oriel Jean font planer des suspicions sur elle… » Le 7 mars 2013, l’ex-président René Préval. a été entendu à la chambre d’instruction de la cour d’appel de Port-au-Prince « Sa déposition n’a pas fait avancé le dossier ayant seulement déclaré que Jean Léopold Dominique était un ami de longue date et qu’il avait parlé au téléphone avec son épouse immédiatement après le drame », selon le rapport.
Le 8 mai 2013, l’ancien président Jean-Bertrand Aristide a été entendu à titre de témoin, . A la question quelle information il pouvait fournir à la justice concernant l’assassinat de Jean Léopold Dominique, « il a répondu qu’il avait appris la nouvelle à la radio comme tout le monde. Il a ajouté que Jeando était son ami… soufrans sa toujou nan kè mwen avek espwa ke lajistis ap rive dekouvri asasen yo». Interrogé sur les dénonciations de Oriel Jean pointant du doigt Madame Libérus dans l’assassinat de Jean Dominique : « Il a répondu ; map diw plis ke sam panse, map diw sam konnen. Mwen konnen deklarasyon sa yo, manti sa yo pap pase. Mirlande Libérus, ansyen senatè Repiblik Dayiti inosan, li paka viktim manti sa ki pa gen ni pye ni tèt. Li konsène moun ki bay li a. Mwen mande pou lajistis pa kite politisyen sèvi ak kadav frè n, zanmi n pou fè pèsekisyon politik. » Le 31 janvier 2011, Marie Michèle Montas, plaignante, elle, a déclaré que le 3 avril 2000, comme d’habitude, elle devrait rejoindre son mari vers 6 heures 30 pour animer ensemble le journal de 7h. A la question pourquoi elle n’était pas avec Jean Dominique ce jour-là, elle répondit qu’elle descendait rarement avec lui. « Jean s’occupait des nouvelles internationales et elle des dossiers nationaux. » Selon Michèle Montas, son mari était toujours l’objet de menaces depuis plusieurs années.
« A la question, pourquoi l’avait-on assassiné, elle a répondu, étant journaliste, son mari avait des éditoriaux qui touchaient plusieurs dossiers sensibles. Importation de l’éthanol, l’affaire du laboratoire Pharval et celle de l’observation électorale.
Selon la plaignante, ces dossiers touchaient des gens riches et puissants… » Selon le rapport du juge Yvikel Dabrésil, tous les témoins ont été entendus dans le cadre de cette affaire, la chambre d’instruction criminelle de la cour d’appel de Port-au-Prince a jugé nécessaire d’interroger les personnes inculpées par le juge d’instruction d’alors, Me Fritzner Fils-Aimé, selon le rapport en date du 17 mars 2009. Il s’agit des nommés Annette Auguste dit Sò Anne, Gabriel Harold Sévère, Frantz Camille allias Franco Camille. « La première inculpée interrogée est la Dame Annette Auguste le 21 février 2011. Il est à noter qu’elle n’a jamais été écrouée. » Ont été également entendus : Jacques Anthony Nazaire, Jean-Claude Délice, Pierre Réginald Boulos, Yvon Neptune, Charles Suffrard, Rudolf Boulos, Henri-Claude Ménard, Dany Toussaint, Sauveur Pierre Etienne. Ce dernier a fait savoir que « Jean Léopold Dominique avait été assassiné parce qu’il était présidentiable». Selon le rapport du juge Dabrésil, après avoir entendu les différents témoins et interrogé les trois personnes inculpées, le magistrat a pris connaissance des témoignages de Robenson Thomas dit Labanière publiées à la page 19 de l’édition du 19 avril 2004 du journal Le Nouvelliste qui relate : « beaucoup de gens ont été accusés, arrêtés par le gouvernement Lavalas qui voulait les faire passer pour les auteurs du crime sur la personne de Jean Léopold Dominique. Les nommés Tibout et Gilou sont encore en prison alors qu’ils ne sont pas coupables.
La personne responsable de cet acte est l’ancien magistrat de Port-au-Prince Harold Sévère… » Enfin, le juge Yvikel Dabrésil, conclut son rapport : « Il y a lieu pour la chambre d’instruction criminelle de recommander ce qui suit : Annette Auguste dit Sò Anne, Gabriel Harold Sévère, Frantz Camille alias Franco Camille devraient être présentés par-devant la cour d’assise pour leur implication présumée dans ce double meurtre. » « Tous les indices font peser de grandes suspicions sur les nommés Djensley dit Tibout, Mackentong Michel, Jean Daniel Jeudy, Jean Mercidieu Toussaint et Mérité Milien qui sont en cavale et font l’objet d’avis de recherche, de mandats d’amener et d’arrêt. » « Quant à la dame Mirlande Libérus Pavert, malgré les diverses invitations, elle ne s’est jamais présentée pour répondre aux accusations portées contre elle par Oriel Jean, un procès-verbal de non-comparution a été dressé en la circonstance. Ce qui fait planer sur elle de graves suspicions. D’après le témoin Oriel Jean, c’est elle qui aurait planifié le meurtre. Par conséquent, elle est considérée comme l’auteur intellectuel, il revient à la justice de faire ce que de droit. »
Robenson Geffrard
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