Beaucoup de bêtises et de contre-vérités ont été écrites à propos du vaudou et des religions similaires pratiquées par les descendants des esclaves africains dans l’hémisphère américain, tels le candomblé brésilien ou la santeria cubaine. On pourrait se contenter d’en sourire (on a bien affirmé que les Francs-Maçons servaient Belzébuth sous la forme d’un bouc et que les Juifs sacrifiaient des petits enfants chrétiens !) si ces bêtises et ces contre-vérités n’avaient presque toujours précédé et, en quelque sorte, légitimé les persécutions les plus odieuses. En veut-on une preuve récente ? Le journal Le Monde, dans son numéro daté du 26 mars 2012 dernier, reproduisait sans commentaire la dépêche suivante de l’A.F.P. : La police argentine a mis fin aux activités d’une secte ésotérique afro-brésilienne, Umbanda (…) Cette secte se consacrait à l’adoration des diverses personnifications du diable et sacrifiait des animaux au cours de « cérémonies » expiatoires, avant de baptiser ses adeptes du sang recueilli ainsi. La police a arrêté le « prêtre suprême » de la secte, connu entre autres sous le nom de Pai dos Santos.
Notons, au passage, que ce texte incroyable a été diffusé par l’agence de presse officielle de notre pays et que Le Monde, d’habitude plus prompt à s’émouvoir, ne trouve pas un mot pour s’élever contre ce qu’il faut bien considérer comme une persécution religieuse caractérisée. Tout se passe comme si, dès l’instant qu’il s’agit des religions du monde noir, tout soit permis. Et d’abord de leur refuser le caractère de religions pour les rejeter vers les ténèbres extérieures qui enveloppent la sorcellerie, la drogue et les pratiques honteuses. On peut se demander pourquoi. Pour trouver la réponse, il faut remonter très loin en arrière, au XVIesiècle, au moment où commence, sur une grande échelle, ce qui fut appelé la traite des Noirs.
Le bois d’ébène
Du bétail ; moins encore : des végétaux, du bois noir, c’est ainsi qu’étaient considérés ces millions d’hommes, de femmes et d’enfants qui furent arrachés à leur terre natale et embarqués sur les navires négriers.
Il s’agissait de remplacer la main-d’œuvre indienne détruite par la folle politique des repartimientos (travail forcé dans les mines et les plantations) et de faire du plus beau fleuron de la Couronne la plaque tournante de l’esclavage dans les Amériques. On trouve encore de nos jours des personnes pour mettre en doute l’importance et la nocivité profonde de la traite. Les recherches effectuées dans les archives maritimes et les bibliothèques permettent cependant d’affirmer sans contestation possible qu’il s’agit du plus grand génocide de l’histoire auquel rien ne saurait être comparé, tout au moins sur le plan quantitatif. Veut-on quelques chiffres ? De l’Angola — pour la seule période allant de 1486 à 1641, 1389000 esclaves furent embarqués ; du Congo, en cinquante ans à peine (chiffres établis par le R. P. Rinchon) 1037000 hommes et femmes — dont plus de 200000 périrent en mer — connurent les abominables transports négriers où les prisonniers, enchaînés, étaient entassés comme des billes de bois.
Toute l’Europe participa au crime : Anglais, Français, Espagnols, Portugais, Hollandais et même Danois. Le seul port de Nantes, en 60 ans, arma 912 navires qui transportèrent aux Antilles 274899 esclaves, tandis que, dans le même temps, son concurrent direct, Liverpool, fournissait 512 voiliers qui assurèrent la déportation de 196784 Noirs. Au total, il est vraisemblable que 20 millions d’Africains au moins furent embarqués (si l’on en croit le R. P. Rinchon, en un siècle et demi — or la traite dura trois siècles — 15 millions de Noirs furent arrachés à l’Afrique dont 10 millions moururent en route ou en déportation). Compte tenu de tous ceux qui périrent au cours des combats avec les trafiquants ou pendant la longue marche vers la côte, il n’est pas exagéré de dire que l’Afrique subit une ponction de plus de 100 millions d’êtres humains. Le chiffre est de Mahtar M’Bow, directeur général de l’U.N.E.S.C.O. et il est confirmé par les chercheurs les plus sérieux.
L’Afrique fut vidée de sa substance et si elle est aujourd’hui si peu peuplée, il faut considérer l’esclavage comme le seul responsable. Pourquoi une telle ponction ? Pourquoi dût-on recourir à la traite pendant si longtemps ? Les esclaves ne se reproduisaient donc pas ? Un certain Fénelon, qui fut gouverneur de la Martinique dans la seconde partie du XVIIIe siècle, se posait déjà ces questions : Un de mes étonnements — écrit-il — a toujours été que la population de cette espèce n’ait pas produit, depuis que les colonies sont fondées, non pas de quoi se passer absolument des envois de la côte d’Afrique, mais au moins de quoi former un fond, dont la reproduction continuelle n’exposerait pas à être toujours à la merci de ces envois [1]. C’est que l’espérance de vie d’un esclave, à l’instant où il posait le pied sur la terre des douces isles, ne dépassait pas 7 années, tant il y était l’objet de mauvais traitements et de surexploitation. De là l’expression travailler comme un nègre qui, chaque fois qu’elle est prononcée, devrait évoquer des fleuves de sueur et de sang. Visitant avec moi le château de Versailles, un Haïtien de mes amis, écrivain de talent trop tôt disparu, Joachim Roy, me disait : Regarde ces pierres, elles sont rouges du sang des nègres ! Et il est vrai que, sans les taxes provenant de l’esclavage qui emplissaient régulièrement la cassette royale, Louis XIV n’eut jamais trouvé le moyen de construire Versailles. Il faudrait qu’une plaque rappelant ce fait fut apposée à l’entrée du château pour l’édification des jeunes générations. Mais nous préférons garder bonne conscience…
Une christianisation forcée
Bartolomé de Las Casas
On pourrait penser que les bénéficiaires de l’esclavage trouvaient une justification, toute relative, dans le fait qu’ils voyaient dans les Africains, si différents d’eux-mêmes, des animaux d’une espèce particulièrement évoluée, quelque chose comme des grands singes exceptionnellement doués. Mais non, ils voyaient en eux des hommes. Et la preuve, c’est qu’ils voulurent, à toute force, faire d’eux des chrétiens. Le Code Noir de Louis XIV (1685) déclare dans son article premier que Tous les esclaves qui seront dans nos isles seront baptisés et instruits dans la Religion Catholique, Apostolique et Romaine, tout en précisant plus loin que l’esclave qui aura volé de la nourriture devra être battu de verges et marqué à l’épaule d’une fleur de lys, celui qui aura frappé son Maître étant puni de mort. Précisons qu’en son temps le Code Noir fut considéré comme apportant au sort des Africains une amélioration non négligeable. Ce qui est, à proprement parler, admirable, c’est que, malgré ces règles de fer (les esclaves, sous peine des verges, ne devaient ni se rassembler, ni posséder en propre quoi que ce soit), ils réussirent à conserver les traditions religieuses de leurs ancêtres et même à en faire la synthèse (sous un nom dahoméen, le vaudou est, en fait, la synthèse des divers cultes africains). Ils parvinrent même — en ce qui concerne Saint Domingue — à briser leurs chaînes et à vaincre les armées esclavagistes, créant la première république noire du Nouveau Monde issue de la seule révolte d’esclaves ayant jamais triomphé.
Mais il faut retourner en arrière. Les esclaves étaient donc christianisés. Des images saintes leur étaient distribuées dont ils devaient orner leurs cases et ils étaient astreints à la prière publique, récitée chaque matin et chaque soir au rythme des terribles fouets cach’ dont la longue lanière poissée pouvait enlever un lambeau de chair à chaque coup. Qu’en retinrent-ils ? Que les Blancs, comme eux, connaissaient un Dieu unique qu’ils appelaient Jésus alors que les Dahoméens le nomment Nawu. Quelle importance? Chaque peuple donne au Dieu créateur le nom qui lui convient. En outre, les Blancs connaissaient des esprits intermédiaires, les saints. Dans les images qui les représentaient, les esclaves découvrirent des symboles qui leurs étaient familiers. Saint Jacques le Majeur et Hogou-l’Africain portaient tous deux un sabre et un manteau rouge : il s’agissait donc du même esprit sous des appellations différentes. Marie était sans doute le nom donné par les colons à Erzulie Fredda, esprit de l’amour et saint Patrick ne pouvait être autre chose que le frère jumeau de Damballah (d’ailleurs, on apercevait un serpent sous son pied), et ainsi de suite…
Les Blancs eurent très vite le sentiment qu’on se moquait d’eux. Ils se trompaient : Les Noirs faisaient comme les Grecs souriant aux vaticinations de saint Paul, mais consentant volontiers à accueillir un dieu inconnu venant s’ajouter aux esprits protecteurs familiers.
Saut d’Eau,haut lieu du vaudou haitien
Face à l’intransigeance de leurs maîtres, les esclaves se conduisaient, en somme, avec une parfaite tolérance. Il fallut beaucoup d’excès, beaucoup de malheureux livrés aux chiens ou condamnés au supplice du blanchiment (procédé qui consistait à arracher, lambeau par lambeau, toute la peau noire d’un esclave) pour que les Noirs se laissent aller à la vengeance. Mais leurs luttes ne prirent jamais le caractère d’une guerre anti-chrétienne. Pas une église ne fut brûlée, pas un prêtre poursuivi pour avoir exercé son ministère. L’exercice du culte catholique ne souffrit aucune contrainte même lorsque les persécutions reprirent, par exemple pendant la ridicule campagne antisuperstitieuse des années 40 menée par des missionnaires bretons appuyés par une gendarmerie à leurs ordres [2].
Ce mélange de courage impavide et de tolérance spirituelle est demeuré la caractéristique dominante du peuple haïtien. Livré à la lâcheté et au sectarisme borné, ce peuple ne pouvait découvrir ces vertus que dans la religion de ses pères, le vaudou, dont Jean-Paul Sartre a pu dire qu’il était la justification et l’explication profonde d’Haïti.
On peut tout pardonner à ses ennemis, même le mal qu’on leur a fait ; mais comment tolérer d’eux des leçons de courage et de générosité? Il fallait donc que le vaudou et les autres religions de ce genre fussent dénigrés et que, chaque fois que l’occasion se présentât, leurs fidèles fussent persécutés, on l’a bien vu encore ces jours derniers. Comme l’antisémitisme, l’esclavagisme est une hydre dont les têtes repoussent à mesure qu’on les coupe.
Le Bois Caïman
Sans le vaudou, Haïti fut-elle devenue une nation libre? On peut en douter. Certes, les idées issues de la philosophie des Lumières avaient pénétré à Saint-Domingue, mais elles n’avaient guère touché, outre les colons évolués, que la classe intermédiaire des affranchis — mulâtres le plus souvent — qui envoyèrent à la Convention une délégation chargée de réclamer des droits politiques égaux à ceux des Blancs, sans pour autant remettre en cause l’esclavage (il est vrai qu’à la veille de la Révolution les affranchis possédaient en propre non seulement le tiers des terres, mais encore le quart des esclaves). Les masses populaires étaient bien loin des jeux pratiqués à Paris. Elles ne cherchaient pas des exemples chez les Blancs, mais plutôt chez ces nègres marrons qui, ayant réussi à s’échapper, avaient constitué des maquis et défendaient leur liberté, non pas avec de belles paroles, mais à coups de flèches et de sagaies. Cela dit, l’époque était favorable : les colons commençaient à perdre leur bonne conscience. Ils n’appliquaient plus que mollement le Code Noir, fermaient les yeux. Quant aux Commandeurs (les contremaîtres ou, plutôt, les Kapos de l’époque), ils sentaient venir le vent et se préparaient à tourner leur veste.
Profitant du relâchement de la discipline, les délégués des ateliers (l’histoire a retenu les noms de plusieurs d’entre eux) purent se réunir en secret dans un coin de brousse marécageuse : le Bois Caïman. Là, après avoir mis au point les détails du soulèvement, ils demandèrent leur appui aux esprits de la terre lointaine dont ils étaient venus. L’Afrique fantôme du vaudou les enveloppa de sa chaleur et de sa force, tandis qu’un houngan (prêtre vaudou) nommé Bouckman dirigeait une cérémonie du Petro, c’est-à-dire vouée aux esprits qui commandent la guerre et le feu. Un orage éclata, un de ces terribles orages tropicaux accompagnés de trombes d’eau et de milliers d’éclairs. Sous la pluie battante, éclairée par la foudre qui tombait de tous côtés, une femme, une mambo (prêtresse vaudou) dont le nom ne nous est malheureusement pas parvenu, sacrifia un énorme cochon noir.
Au petit jour, au grondement des tambours sacrés, au mugissement des lambis (conques marines), l’île, tout entière, s’embrasait. Avec des hauts et des bas, des moments de victoires et des moments où l’on crut tout perdu, la guerre de libération se poursuivit pendant douze années. Une guerre, toutes proportions gardées, comparable à celle du Vietnam puisque aux révoltés fut opposée la meilleure armée du monde de l’époque — celle qui s’était illustrée en Italie et en Égypte — sous le commandement du général Leclerc le propre beau-frère de Napoléon, alors Premier Consul.
Cette armée, d’abord triomphante, se désagrégea peu à peu sous les harcèlements, les attaques surprises, les maladies tropicales (Leclerc mourut de la fièvre jaune) et même les batailles rangées, telle celle de Vertières où 27000 insurgés se heurtèrent aux troupes de Rochambeau. Epuisée, démoralisée, perdue dans un pays hostile où l’adversaire se déplaçait — déjà ! — comme un poisson dans l’eau, l’armée française finit par capituler (avec les honneurs de la guerre, il est vrai) et rembarquer, tandis que Jean-Jacques Dessalines, Dessalines-le-Grand, proclamait, le premier janvier 1804, l’indépendance de l’île à qui était rendu son nom indien de Haïti, la haute terre. Les esprits du vaudou avaient vaincu.
La tentation de l’ethnocide
De même qu’on ne saurait imaginer une nation juive sans le Judaïsme, une nation arabe sans l’Islam, étant l’une et l’autre filles des religions qui les ont façonnées et créées, la nation haïtienne trouve son explication et sa justification dans le vaudou sans lequel, rien ne la rattachant à la terre d’Afrique, elle ne serait plus qu’un conglomérat sans âme. Et cependant, à peine avaient-ils libéré leur terre et inventé leur patrie, les vaudouisants étaient en butte à toutes sortes de vexations, de restrictions à leurs libertés et même de persécutions. Il serait trop long de décrire ici la lutte de classes qui se développa dès l’indépendance entre, d’une part, une bourgeoisie mulâtre qui se considérait comme l’héritière légitime des colons français et voulait, à ce titre, monopoliser le pouvoir politique et économique, et, d’autre part, les masses populaires toujours fidèles à l’Afrique fantôme mais qui ne possédaient rien. Pour avoir voulu partager les terres d’une manière équitable, Dessalines fut assassiné à la sortie de Port-au-Prince, au lieu dit le Pont Rouge où l’on peut encore voir de nos jours une stèle qui renferme son cœur.
Après lui, sauf pour de courtes périodes (règnes de Christophe, de Soulouque, etc…) et jusqu’à une époque relativement récente, le pouvoir fut presque toujours entre les mains d’adversaires plus ou moins déclarés du vaudou. Très vite, le catholicisme devint religion d’État et le français langue nationale (alors qu’il n’est compris que par une faible partie de la population). Face à l’Afrique fantôme, on a voulut dresser une Europe fantôme au nom de laquelle on interdit aux paysans de se montrer pieds nus, on glorifia la peau claire, on présenta Port-au-Prince comme un petit Paris, on traita la religion des ancêtres comme une simple sorcellerie.
Ainsi une minuscule minorité imposa-t-elle ses lois, se faisant complice des pires ennemis du Monde Noir. On le vit bien pendant la seconde tentative de domination étrangère, celle des Américains qui, de 1915 à 1934, occupèrent l’île, décidés à en faire un simple satellite des U.S.A. Le prétexte ne fut pas difficile à trouver : il fallait rétablir l’ordre. En fait, il s’agissait, d’une part, de s’assurer une excellente position stratégique dans l’arc Caraïbe et, d’autre part, de détruire une base révolutionnaire susceptible de contaminer les Noirs américains. L’amiral commandant la flotte de débarquement le dit d’ailleurs explicitement : il fallait détruire les pratiques superstitieuses du peuple haïtien qui constituaient un mauvais exemple.
Et le Marine Corps, recruté essentiellement parmi les petits Blancs des Etats du Sud (ils savaient comment mater les Noirs), n’y alla pas de main morte, tandis que l’archevêque de Port-au-Prince (hélas ! français) bénissait les envahisseurs et enjoignait aux fidèles de faciliter leur tâche. Nous possédons un excellent témoignage sur cette époque, celui d’un sergent de Marine au cœur simple qui raconte tout uniment les événements auxquels il a été mêlé. Et alors que les documents officiels donnent de l’occupation américaine une image résolument falsifiée, Faustin Wirkus [3] montre — sans doute possible — qu’il s’agissait bien d’une nouvelle croisade contre les infidèles, d’un règlement de comptes avec le vaudou qu’il fallait écraser, comme un nid de guêpes, dit-il.
On abattit donc à vue les vaudouisants, tandis que la bourgeoisie mulâtre collaborait allègrement avec l’occupant, faisait des affaires. Cependant des milices paysannes — les Cacos — créaient des maquis, lançaient des raids, dressaient des embuscades. Leur chef, Charlemagne Péralte, tomba dans le piège qui lui fut tendu par un traître et son corps fut exposé, crucifié, sur la porte de la cathédrale de Hinche. On n’a pas souvenance qu’une seule protestation ait été élevée par la hiérarchie catholique qui perdit ainsi une belle occasion de se rapprocher du peuple. Mais le propre frère du martyr prit sa place à la tête des insurgés, tandis que, pour la première fois, un groupe d’intellectuels affirmait publiquement sa solidarité avec les masses et glorifiait la culture africaine. Ainsi fut fondée l’école des Griots où des hommes comme Jean Price Mars, Lorimer Denis, le docteur François Duvalier et Léonce Viaud n’hésitèrent pas à prendre la défense du vaudou et à polémiquer avec le clergé.
Roosevelt avait pris le pouvoir aux Etats-Unis et il se voulait le champion de la décolonisation. Les troupes américaines, mal aimées, en butte à la franche hostilité dès qu’elles quittaient l’abri des villes, se résolurent à rembarquer. Mais elles avaient laissé des hommes en place et les persécutions ne cessèrent pas pour autant. Profitant de la présence au pouvoir d’un homme à sa dévotion, le clergé catholique prit la relève, lançant à grand fracas une campagne antisuperstitieuse qui fut appelée aussi des rejetés (1941-1946) au cours de laquelle des temples furent brûlés, des arbres sacrés abattus, les plus beaux objets du culte livrés aux flammes. Une fois encore le peuple se fâcha et les persécuteurs crièrent à la persécution.
Le gouvernement du Président Lescot dût céder et renvoyer à leurs études les nouveaux inquisiteurs. Grâce au Dieu du Monde Noir, la situation est plus sereine aujourd’hui, mais il suffit de considérer l’activité débordante des sectes protestantes d’origine américaine et les provocations constantes auxquelles elles se livrent à l’égard des vaudouisants pour réaliser qu’elles aussi brûlent du désir de continuer l’ethnocide. Le gouvernement haïtien fera bien d’y prendre garde s’il veut éviter de graves désordres. Car il faut se faire une raison : le peuple haïtien — l’histoire l’a prouvé — ne renoncera jamais au vaudou. Il veut bien, si on l’y contraint, se déclarer aussi catholique, ou protestant, ou — pourquoi pas ? — musulman, mais à la condition d’être d’abord fidèle aux esprits de l’Afrique, de continuer à les servir. D’où l’horrible mélange dont s’alarmèrent si souvent les autorités chrétiennes, oubliant qu’elles en étaient les principales responsables.
L’exemple haïtien
Il est fâcheux que les Occidentaux aient oublié leurs mésaventures en Haïti. Une meilleure mémoire leur eût évité bien des déboires. Le drame des pieds noirs d’Algérie reproduit, presque trait pour trait, celui des colons de Saint-Domingue et la guerre du Vietnam, à la couleur près, semble le décalque de la guerre de libération haïtienne. En vérité cette petite île, ou plutôt cette moitié de petite île (moins de 28000 km2, un peu plus de 5 millions d’habitants) pourrait être considérée comme le microcosme du tiers monde, chaque mouvement qui l’agite se répercutant et s’amplifiant tôt ou tard.
Tout se passe comme si Haïti était le laboratoire où sont étudiées les techniques qui seront appliquées ultérieurement ailleurs sur une grande échelle. Les peuples pauvres ont tous subi la tentation de l’Occident, le peuple haïtien comme les autres. Et, comme d’autres, il aurait pu bénéficier d’aides de toutes sortes, trouver des débouchés pour sa main-d’œuvre, accéder à un produit national brut élevé. Il lui eut suffi de céder. Haïti serait aujourd’hui un département d’Outre-Mer comme la Martinique ou un Etat associé comme Porto Rico. Pour remplacer le vaudou, il y aurait la messe télévisée, et, l’acculturation aurait pris le relais de l’Afrique fantôme.
Une fois encore, Haïti aura été en avance sur les autres en plaçant plus haut que tout le maintien de son identité. Après avoir voulu se fondre dans le cosmopolitisme chacun de nous s’aperçoit aujourd’hui qu’on ne peut vivre sans racines. Et ce n’est pas un hasard si le plus grand succès de télévision et de librairie jamais atteint aux Etats-Unis s’intitule Roots (et, ne vous y trompez pas, les Blancs y ont été aussi sensibles que les Noirs !). Ce n’est pas un hasard, n’en déplaise aux derniers jacobins, si, les minorités, l’une après l’autre, se réveillent, réclamant un statut particulier leur permettant d’exprimer leur caractère spécifique. Et pas davantage un hasard si des hommes, de plus en plus nombreux, cherchent la possibilité de se relier, même s’ils ne se reconnaissent plus dans les religions qui leur furent enseignées. Le vaudou révolutionnaire, le vaudou libérateur, le vaudou religion, reliant les masses à leur passé et à leur avenir pourrait apporter une réponse aux questions que nous nous posons.
Il a permis à des hommes et des femmes de surmonter l’esclavage et nous sommes, à notre tour, victimes d’un esclavage qui, pour être moins sanglant n’en est pas moins réel: celui d’un monde de robots. Il leur a permis de se libérer du colonialisme et nous sommes livrés, pieds et poings liés, aux idéologies étrangères, aux multinationales, aux pressions culturelles et économiques de toutes sortes. Il leur a permis d’être eux-mêmes et nous ne savons même plus ce que nous sommes, d’où nous venons et où nous allons. Il leur a permis malgré leur misère, d’être gais, toujours prêts à rire et à se divertir, et nous avons perdu jusqu’au sens de la fête. Il leur a permis, enfin, d’être un peuple honorable, car il n’y a en Haïti ni enfants martyrs, ni vieillards abandonnés, à peine quelques petits voleurs et pas du tout de criminels crapuleux. Quel est donc le secret du vaudou?
Quelles forces recèle-t-il ? Avons-nous connu un phénomène semblable dans notre Occident? C’est à toutes ces questions — qui nous amèneront à étudier de manière approfondie la cosmogonie vaudou — que nous tenterons de répondre dans la suite de cette étude.
[1] Cité par Jean Mazel dans son livre Présence du Monde Noir (Robert Laffont).
[2] Voir le témoignage de l’ethnologue français Alfred Métraux qui se trouvait en Haïti au moment des dernières persécutions (A. Métraux: Le vaudou haïtien, Gallimard).
[3] Faustin Wirkus: Le roi blanc de la Gonave — Le culte vaudou en Haïti 1915-1929 (Payot).
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Monde : La popularité de Barack Obama à l'étranger sur le déclin, révèle un sondage Néanmoins, l'image du président Barack Obama reste largement meilleure dans le monde que celle de son prédécesseur, George W. Bush.La popularité à l'étranger de Barack Obama s'effrite, révèle un sondage publié jeudi, alors que le président américain fait campagne pour…
Sida: faute d'argent, l'épidémie risque de repartir de plus belle Agence France-PresseAMSTERDAM La lutte contre le sida a besoin de milliards de dollars supplémentaires, faute de quoi l'épidémie risque de repartir de plus belle, ont averti des experts dimanche à Amsterdam, à la veille de l'ouverture de la Conférence internationale…
Les Sud-Africains unis avant des funérailles planétaires VIDÉO Des milliers de Sud-Africains se sont spontanément rassemblés samedi pour rendre un hommage empreint de gratitude à Nelson Mandela, tandis que se préparent des funérailles historiques dignes du rayonnement planétaire du leader anti-apartheid, en présence de nombreux dignitaires étrangers attendus…
À 61 ans, elle donne naissance à des jumeaux Une Brésilienne âgée de 61 ans a donné naissance à des jumeaux, indique jeudi le site internet brésilien d'information G1. Les enfants, prénommés Sofia et Roberto, ont vu le jour mardi dernier à Santos, un port situé à près…
Le fantôme de Lady Diana photographié par des touristes Lors de la visite d’une église de Glasgow en Ecosse, des touristes chinois affirment avoir filmé le fantôme de la feue Princesse de Galles, Lady Diana. Selon la presse britannique, ces touristes n’avaient pas remarqué la présence de ce qu’ils pensent…
11 septembre 2001 : le Français Zacarias Moussaoui accuse les Saoudiens New York (Etats-Unis), le 11 septembre 2001. Les deux tours du World Trade Center ont chacune été percutées par un avion, ont pris feu, puis se sont effondrées. (AFP/Seth Macallister) Associated Press - L'Arabie Saoudite est-elle directement impliquée dans les…
L’OPL, en position d’observation tactique et stratégique Sauveur Pierre Etienne L’Organisation du Peuple en Lutte ne compte pas faire de cadeau au pouvoir en place. Sa stratégie d’opposition veut qu’elle critique quand il le faut pour aider à réparer les erreurs et encourager les actions louables. L’administration…
Littérature : Rodney Saint-Eloi déclare la guerre à Lyonel Trouillot de gauche a droite : Dany Laferriere, la ministre de la culture d'Haiti Mme Josette Darguste,Rodney Saint Eloi Radio Metropole - L'élection de Dany Laferrière à l'Académie française semble n'avoir pas fait le bonheur de tous, à en croire Martine…
Quatre enfants tués par un houngan (sorcier) en Haïti Quatre enfants d'une même famille ont été retrouvés morts jeudi dans la maison familiale après avoir été traités par un sorcier qui prétendait les guérir d'une maladie mystérieuse dans une petite localité au sud d'Haïti, a-t-on appris vendredi auprès d'un…
USA: de plus en plus de quartiers interdits aux Afro-américains Un demi-siècle s'est écoulé depuis l'adoption, en 1964, de la loi sur les droits civiques interdisant la discrimination raciale aux Etats-Unis, écrit mardi le quotidien Rossiïskaïa gazeta. Depuis, un grand pas a été fait dans la situation des noirs en…
Haïti: appel à poursuivre les complices de la dictature de Duvalier Jean-Claude Duvalier au tribunal le 28 Fevrier 2013.Surnommé «Bébé Doc», Jean-Claude Duvalier avait hérité du pouvoir à 19 ans, à la mort de son père François Duvalier. Agence France-Presse PORT-AU-PRINCE Plusieurs organisations de défense des droits humains appellent la justice…
Festin de konpa en clôture des 28es Nuits d'Afrique PHOTO: BOHDAN KISZUCZUK, FOURNIE PAR LE FESTIVAL NUITS D'AFRIQUE La Presse - Difficile d'imaginer clôture plus conviviale pour les 28es Nuits d'Afrique: ciel clément, température des plus belles soirées de juillet, Parterre du Quartier des Spectacles rempli au maximum…
Haïti : Un nouveau gouvernement sera formé mardi, Ariel Henry premier ministre Ariel Henry, médecin chirurgien de 71 ans, assumera le rôle de premier ministre. Port-au-Prince - Un nouveau gouvernement sera formé mardi en Haïti, avec à sa tête le premier ministre Ariel Henry, qui avait été nommé par le président Jovenel Moïse…
Obama annonce plus de 30 milliards pour l'Afrique Après avoir mis en avant les chiffres, Barack Obama a longuement insisté sur la responsabilité pesant sur les épaules des dirigeants africains. PHOTO: REUTERS Agence France-Presse Washington Le président des États-Unis Barack Obama a annoncé mardi la mobilisation de plus…
Lavalas dénonce les persécutions contre Aristide Les proches de M. Jean Bertrand Aristide dénoncent une escalade dans les " persécutions politiques " à l'encontre de l'ex chef d'état. Mario Beauvoir, l'avocat du chef de Fanmi Lavalas révèle que les agents de l'USGPN, unité de la…
Affaire Duvalier : La FIDH apporte son appui aux requérants Radio Métropole - Une délégation de la Fédération Internationale des Droits de l'Homme (FIDH) effectue présentement une mission en Haïti dans le but d'apporter la solidarité de l'institution aux Organisations de défense des droits humains engagées dans la lutte…
Jude Célestin et le G8 toujours indécis face au deuxième tour de la présidentielle Jusqu’au moment de mettre sous presse, Jude Célestin, candidat à la présidence classé en deuxième position par les résultats officiels proclamés par le Conseil électoral n’a toujours pas annoncé s’il compte prendre part au deuxième tour prévu le 27 décembre…
Jean-Claude Duvalier est mort (3 Juillet 1951-4 Octobre 2014) L'ex-président haïtien Jean-Claude Duvalier est mort samedi matin à Port-au-Prince d’une crise cardiaque à l’âge de 63 ans. Jean-Claude Duvalier, surnommé «Bébé Doc», a hérité en 1971 du pouvoir de son père, le…
Pourquoi Haïti est-elle pauvre aujourd’hui? par Charles Dupuy Charles Dupuy Avec sa population en butte à la maladie, à l’ignorance et à la misère, Haïti n’en fut pas moins l’économie esclavagiste la plus florissante de la planète, la plus prospère des colonies françaises et mieux encore, la plus…
Mali: l'Afrique de l'Ouest s'apprête à valider une intervention armée Les responsables de nombreux pays africains se sont réunis afin de discuter d'une éventuelle intervention armée au nord du Mali. Agence France-Presse ABUJA Le président nigérian Goodluck Jonathan a affirmé dimanche à Abuja que l'option militaire contre les islamistes armés…
L’éditorial de Kern Grand-Pierre : Eloge de la médiocrité “Il y a une lutte constante contre l’intelligence dans ce pays.” Leslie Manigat,Président d’Haiti (7 Février 1988- 20 Juin 1988) Etre intelligent aux Etats-Unis, en Europe, au Canada, en Asie et meme en Afrique, peut faire de vous un billionaire…
Gambie: Jammeh sera déclaré «renégat» si il refuse de céder le pouvoir Agence France-Presse Le président gambien Yahya Jammeh sera déclaré «renégat» si il refuse de céder le pouvoir à la fin de son mandat en janvier, a annoncé dimanche l'opposition gambienne. «Tout président qui perd sa légitimité constitutionnelle devient un renégat»,…
Banque mondiale: Obama recommande Jim Yong Kim Jim Yong Kim Celui qu'a recommandé le président américain Barack Obama pour prendre la tête de la Banque mondiale n'est pas un politicien, un avocat ou un économiste, comme c'est le plus souvent le cas.Fort de l'appui de la Maison-Blanche,…
Religion : Benoît XVI rencontrera Fidel Le pape Benoît XVI, que l'on voit ici avec le président cubain Raul Castro, doit rencontrer le «Lider Maximo» Fidel, selon une anonce faite par le père de la Révolution. Le pape Benoît XVI, que l'on voit ici avec le président…
L'islam fait de nouveaux adeptes en Haïti depuis le séisme Darlène Derosier explique que ce qui l'a attirée dans l'islam, c'est la discipline, l'intérêt pour l'éducation et l'attention portée à la propreté. AFP - Darlène Derosier a perdu sa maison lors du séisme de 2010 qui a frappé Haïti. Son…
L’Editorial de Kern Grand-Pierre : Qu’avons-nous fait de notre pays? Jean-Claude Duvalier au tribunal. Quand l’ex-President Jean-Claude Duvalier eut a proférer le mot “qu’avez-vous fait de mon pays ?” lors d’une audience par devant la justice haitienne pour accusation de détournement de fonds publics et de crimes contre l’humanite, ni…
Le secret du mariage? Apprendre à se taire! Par Caroline Albert La vie à deux n'est pas un long fleuve tranquille et il faut en prendre soin. Pour faire durer son couple, il n'y a pas de miracle: il faut y accorder du temps et garder…
Une Réponse à L’Afrique fantôme du vaudou haïtien,par Claude Planson