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AFP- Plusieurs organisations de la société civile et des partis d’opposition appellent à manifester dimanche dans plusieurs villes d’Haïti pour exiger la démission du président Jovenel Moïse, accusé d’être au cœur d’un « stratagème de détournements de fonds » par la Cour supérieure des comptes.
« Nous demandons que tous les dilapidateurs des fonds soient jugés et punis, leurs biens saisis et remis à l’État pour des projets sérieux de développement, que le président démissionne et se mette à disposition de la justice » explique Vélina Charlier, militante d’une organisation de la société civile appelant à la manifestation.
Les juges de la Cour des comptes ont publié la semaine dernière un rapport de plus de 600 pages sur l’utilisation du fonds Petrocaribe, un programme de développement parrainé par le Venezuela, qui se révèle être une litanie d’exemples de gestion calamiteuse et de corruption.
Parmi les centaines de projets épinglés, les magistrats ont découvert qu’en 2014 pour le même chantier de réhabilitation de route, l’État a signé deux contrats avec deux entreprises aux noms distincts, Agritrans et Betexs, mais qui partagent notamment le même matricule fiscal et le même personnel technique.
Avant son arrivée au pouvoir en 2017, Jovenel Moïse était à la tête de l’entreprise Agritrans, laquelle a reçu plus de 33 millions de gourdes (plus de 700.000 dollars américains, au taux de l’époque) pour ce projet routier alors que son activité consistait à de la production bananière.
Toujours perçu comme source de gaspillage et de corruption, le fonds Petrocaribe a déjà donné lieu, en 2016 et 2017, à deux enquêtes sénatoriales. Depuis l’été 2018, le mouvement citoyen « Petrocaribe Challenge » a multiplié les manifestations à travers le pays, poussant la Cour supérieure des comptes à lancer son contrôle pour déterminer comment les plus de 1,6 milliard de dollars américains ont été dépensés par les quatre administrations successives.
« Éliminer les dérives »
« Un audit général de l’administration publique est plus que nécessaire pour éliminer les dérives » considère Velina Charlier, 38 ans et « Petrochallengeuse » de la première heure.
Cet appel à un assainissement des institutions nationales est partagé par le secteur catholique.
Ses évêques ont déclaré samedi vouloir voir « à tous les échelons des pouvoirs et de la fonction publique des femmes et des hommes nouveaux par leur mentalité, leur conscience professionnelle et leur compétence ».
Les partis d’opposition qui contestent l’élection de Jovenel Moïse depuis deux ans appellent à nouveau leurs sympathisants à manifester dans le calme dimanche.
« Nous avons la garantie que la police sera sur place à travers toute l’étendue du territoire pour protéger les vies et les biens : nous avons pris toutes les dispositions pour que tout se passe dans le calme », a témoigné André Michel, l’un des principaux opposants au pouvoir.
En février, Haïti a connu une semaine de violentes manifestations contre le pouvoir au cours desquelles au moins sept personnes ont été tuées.
Ces émeutes ont entraîné mi-mars la chute du gouvernement, mais, depuis, le processus politique pour installer un nouveau cabinet est bloqué par le Parlement.
Sans ministres en fonction, sans encore de budget voté pour l’année fiscale qui a débuté en octobre, Haïti est également menacée par une crise constitutionnelle, car la tenue d’élections législatives à l’automne est incertaine.
Cette fragilité institutionnelle aggrave la crise économique à laquelle le pays fait face. Avec une inflation dépassant les 17 %, couplée à une forte dévaluation de la monnaie nationale, les besoins humanitaires des familles les plus vulnérables s’amplifient.
Dans ce pays où plus de la moitié des habitants a moins de 20 ans, 60 % de la population vit sous le seuil de pauvreté.
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