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Enseignant, avocat, parlementaire, haut fonctionnaire, Edgar Pierre-Louis est né au Trou-du-Nord le 12 avril 1877. Il fit ses études primaires à l’école Saint-Joseph des frères de l’Instruction chrétienne du Cap-Haïtien et ses études secondaires à l’Institut Saint-Louis de Gonzague de Port-au-Prince.
Fils de Crépin Pierre-Louis et d’Anna Adélaïde Firmin, la sœur cadette d’Anténor Firmin, Edgar Pierre-Louis était un neveu de ce dernier pour lequel il éprouvait la plus fervente admiration et qu’il aura suivi dans ses luttes politiques et toutes ses guerres civiles. C’est aux côtés de son oncle que le jeune Edgar combattra les gouvernementaux de Nord Alexis en 1902 d’abord au Limbé et puis aux Gonaïves où il assista à l’explosion de La Crête-à-Pierrot avant de s’embarquer, avec Firmin, pour Saint-Thomas. Après quelques mois d’exil, l’adolescent qui se morfondait d’ennui, écrivit une lettre pour décrire sa détresse à sa marraine qui se trouvait être nulle autre que Cécé, l’épouse du président Nord Alexis. À l’insu de son mari, Cécé fit venir à Port-au-Prince son filleul qu’elle cacha… au Palais national.
Après quelques semaines, Cécé entra avec son protégé dans le bureau de Nord Alexis afin de lui révéler la présence du neveu de Firmin au Palais. Le vieux président reprocha à sa fidèle compagne et confidente de remplir sa maison des enfants de son pire ennemi politique… À cela, Cécé se contenta de hausser les épaules et ne garda pas moins son filleul dans ses appartements. C’est ainsi que chaque matin on verra Edgar quitter le palais pour se rendre à l’Institut Saint-Louis de Gonzague où il termina ses études secondaires. Reconnaissons qu’à cette époque, il existait encore des règles du code de l’honneur qui (heureusement!) pouvaient transcender la mesquinerie des clivages partisans.
Encore étudiant à l’École libre de Droit du Cap-Haïtien, il est engagé comme enseignant au Collège Saint-Nicolas dirigé par Nelson Desroches, l’ancien chef de cabinet du président Salnave. En 1910, il reçoit son diplôme de licencié en droit et s’inscrit au barreau de la ville. Commissaire du gouvernement en 1915, il sera nommé juge au Tribunal civil du Cap-Haïtien l’année suivante. Avec sa barbiche taillée en pointe, c’était un homme aux manières distinguées et doté d’un sens que l’on pourrait dire un peu excessif du décorum. En 1919, il épousait Lucie Manigat. Devenu veuf, il aura ses deux enfants, Annette et Anténor, de la dame Francine Pierre-Louis. Il se remaria avec la veuve Dérillon, née Alide Manigat. Notons qu’Alide Manigat était la tante du futur président Leslie Manigat lequel, assez régulièrement, venait passer ses vacances d’été au Cap, chez son «oncle» Edgar, dans sa coquette villa du Belair.
Élu député du Trou-du-Nord lors des fameuses législatives de 1930, Edgar Pierre-Louis entre à la chambre avec Horace Bellerive, Jean Bélizaire, Jean-Baptiste Cinéas, Dumarsais Estimé, Charles Fombrun, Joseph Jolibois fils, Price Mars, Edgar Néré Numa, Etzer Vilaire, Louis Saint-Surin Zéphirin, tous ces politiciens reconnus pour leur rectitude morale et leur nationalisme inconditionnel.
Signataire de la constitution de 1932, il sera élu président de la Chambre des députés le 2 avril 1934. C’est à ce titre que, la même année, lors de la visite de F.D. Roosevelt au Cap-Haïtien, il fera solennellement ramener le drapeau américain du mât de l’Union-Club qu’il remplaça par les couleurs nationales. À Port-au-Prince, il s’installe au Bas-Peu-De-Chose où sa résidence devient le point de ralliement des parlementaires nationalistes. Il revient au Cap en 1937 comme juge au tribunal civil. En 1945, Élie Lescot le nommait délégué du pouvoir exécutif dans le département du Nord. À la chute de Lescot, il prend le chemin de la retraite et sa pension sera liquidée le 4 août 1946. Il restera toutefois l’avocat d’affaires des grandes maisons de commerce de la ville et ne s’adonna pas moins à l’exploitation de ses habitations de McNamara et de Larue.
Il reviendra très brièvement dans la fonction publique quand, après la chute de Paul Magloire en 1956, le président provisoire Joseph Nemours Pierre-Louis le nomma préfet du Cap-Haïtien et de la Grande-Rivière-du-Nord. En 1960, le barreau des avocats du Cap célébrait en grandes pompes les noces d’or de Me Edgar Pierre-Louis, de Me Léonce Charles–Pierre et de Me Marceau Lecorps, une fastueuse cérémonie dont le point d’orgue restera le retentissant discours de circonstance qu’aura prononcé M. Lascase Bernardin.
Le 22 février 1967, Edgar Pierre-Louis s’éteignait bien paisiblement dans sa résidence du Cap-Haïtien. Il avait atteint l’âge vénérable de 90 ans. Son cercueil fut exposé dans le grand salon de l’Hôtel de Ville du Cap et on lui accorda des funérailles nationales.
Charles Dupuy
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